rapporteur. - Les États-Unis forment un État très fédéral où le pouvoir central joue cependant un rôle de plus en plus important. En application du 10e amendement de la Constitution américaine, « Les pouvoirs qui ne sont pas délégués aux États-Unis [c'est-à-dire au gouvernement fédéral] par la Constitution, ni refusés par elle aux États, sont réservés aux États ou au peuple ». Les États fédérés disposent ainsi de quasiment tous les attributs de la souveraineté, à savoir le pouvoir constituant, le pouvoir législatif, le pouvoir exécutif, le pouvoir judiciaire, le drapeau et le pouvoir de grâce du gouverneur.
L'organisation est homogène avec, dans chaque État, un gouverneur élu au suffrage universel direct, un gouvernement, deux chambres - Chambre des représentants et Sénat - sauf dans le Nebraska, une cour suprême, des tribunaux et la capacité à dire le droit (pénal, commercial, municipal et relatif à l'organisation territoriale...). Les pouvoirs transférés, partagés ou retenus localement sont les mêmes pour tous les États membres de l'Union.
Les États fédérés disposent des compétences régaliennes non fédérales comme l'éducation, la santé, les transports, la gestion des infrastructures - avec des exceptions et une part importante des financements ainsi que de la réglementation, qui reste fédérale -, et les retraites des fonctionnaires locaux.
Pour sa part, l'État fédéral dispose de pouvoirs exclusifs avec la monnaie, la politique étrangère, l'armée, le commerce extérieur et, entre États, le service postal (United states postal service). En outre, les pouvoirs de police, de lever une milice (garde nationale), l'impôt sur le revenu et les bénéfices - principale recette de l'État fédéral - sont partagés.
L'État central joue cependant un rôle de plus en plus important. En effet, les programmes financés par celui-ci représentent aujourd'hui 34,7 % des dépenses des États fédérés contre 1,3 % en 1929. A cet égard, je soulignerai deux temps forts, le New deal et la Présidence Johnson, et deux domaines particuliers, le social et l'économique. Dans le domaine social, il convient de noter la création de la Social Security par le président Roosevelt et le programme de lutte contre la pauvreté réalisé par Lyndon Johnson (Medicare et Medicaid). Dans le domaine économique, l'État fédéral mène une politique contra-cyclique de l'emploi qui le conduit, en période de crise, à des interventions financières diverses. L'aide aux budgets des États fédérés en est une des modalités importantes. La question des pouvoirs respectifs des États et de l'État fédéral demeure au coeur du débat politique : les Républicains militent traditionnellement pour une stricte limitation des pouvoirs du fédéral, à l'inverse des Démocrates.
Par ailleurs, les États-Unis disposent aussi d'une organisation pragmatique. L'étendue, la diversité du territoire et l'histoire expliquent les particularités des États, le nombre des entités sub-étatiques « locales » et leur diversité. Une diversité qui s'explique aussi par la superficie, la population et sa répartition sur le territoire, les conditions climatiques... et l'histoire du peuplement des États-Unis. Une diversité qui n'exclut pas des régularités, à l'instar du couple comté/municipalités. Les institutions locales se différencient principalement par leur rôle (qui peut être multi ou uni fonctionnel), le type de territoire desservi, leurs liens avec les autres institutions locales et le caractère élu ou non de l'autorité qui les administre.
Les États-Unis sont ainsi composés d'institutions nombreuses, mais dont l'activité est très variable. En 2002, il était dénombré 87 525 entités locales, dont 3 034 comtés, 35 933 municipalités assumant des compétences larges, 13 506 secteurs scolaires et plus de 35 052 districts spéciaux (dont le nombre est en constante progression).
Selon leur mode de constitution, deux sortes de municipalités peuvent être distinguées :
- les « municipal governments », au nombre de 19 429, correspondant à des aires de peuplement et une volonté politique locale (du village à la ville de New-York) ;
- les « town and township governments » (communes ou villes), au nombre de 16 504, correspondant à des secteurs géographiques.
Dans les faits, il arrive d'ailleurs que les deux catégories se recouvrent.
Dans le système américain, une particularité intéressante peut en outre être observée : il s'agit des « toy governments ». En 2000, 29 522 entités locales n'avaient aucun employé « équivalent temps plein » dont 3 comtés, 3 737 « municipal governments », 7 678 « town and township governments », 17 787 districts spéciaux.
Dans l'organisation territoriale américaine, les comtés et les municipalités sont les collectivités les plus courantes.
Le comté est l'équivalent d'une instance départementale s'étendant sur le territoire de plusieurs municipalités, voire sur des territoires où il n'y en a aucune. Il y joue alors ce rôle. Il est administré par un conseil élu au suffrage universel. Il dispose de revenus spécifiques comme les taxes foncières ou les taxes sur les ventes, et de transferts de l'État à hauteur de 40 % de ses ressources. Ses activités varient considérablement d'un endroit à l'autre du pays, en fonction de l'importance des territoires non « municipalisés », des municipalités et des compétences que celles-ci exercent ou lui délèguent, ainsi qu'en fonction des délégations de l'État fédéré, notamment en matière de gestion des programmes sociaux fédéraux. Le comté administre généralement l'ensemble de la population de son territoire en matière de police locale (sheriff), de justice et de prison, d'état civil, de bibliothèque, et en matière de services publics (adduction d'eau, assainissement, services incendies, ordures ménagères, transports en commun etc.) ; il intervient en matière de développement économique dans les territoires non « municipalisés » ou par délégation des municipalités. L'aide sociale, concurremment avec l'État fédéré et l'État fédéral, est également une compétence des comtés.
Les municipalités, quant à elles, sont constituées de « municipal governments » et de « town and township governments ». Les townships sont plutôt de type rural, mais pas toujours. Les municipalités s'occupent plus particulièrement de l'organisation socio-économique et de l'aménagement du territoire urbain ou périurbain : urbanisme et politique de la ville, développement économique, travaux publics et réseaux, secours incendie et urgences, transport, logement. Les plus importantes interviennent aussi dans le domaine de la police et de la justice (procureur), de l'éducation, des hôpitaux et de la santé, de la distribution d'électricité. Il faut toutefois noter que la répartition des compétences varie d'un État à l'autre et en fonction des situations, notamment urbaines ou rurales.
Par ailleurs, les districts spéciaux sont des entités publiques spécifiquement dédiées à la création et la gestion d'équipements ou d'infrastructures (eau, assainissement, énergie, transports, logements...) ou la fourniture de services (culturels, hospitaliers, protection contre l'incendie, cimetière...) sur un territoire donné, pouvant dépasser celui d'un État. Les compétences d'attribution des districts spéciaux sont variables. 92 % d'entre eux ont une compétence unique, mais le nombre des districts multifonctionnels augmente rapidement. Ces districts disposent d'une certaine indépendance administrative et financière. Ils peuvent encaisser le prix du service offert, lever des taxes et emprunter pour financer le service. Ils sont généralement dirigés par des élus et s'apparentent à nos syndicats de communes ou syndicats mixtes.
Le système de répartition des compétences au sein de l'organisation territoriale américaine se fait donc quasiment à la carte, en fonction des territoires, de l'histoire et des problèmes à régler. Il s'agit d'une organisation entre le « deux mille feuilles » et le pudding !
En ce qui concerne les finances et les budgets, les collectivités américaines disposent d'une autonomie très relative. Certes les ressources propres sont importantes, dans la mesure où elles atteignent 2 179 milliards de dollars pour les États fédérés et les collectivités locales contre 2 524 milliards de dollars annuels pour l'État fédéral. Il faut toutefois noter que l'État fédéral en reverse plus de 500 millions par transfert au bénéfice des États fédérés et collectivités locales. L'impôt sur le revenu des personnes et sur les bénéfices des entreprises se répartit entre 80 % pour l'État fédéral et 20 % pour les États fédérés alors que, pour les taxes sur la consommation et le foncier, le partage est égal. Pour le reste des principales recettes, l'État fédéral perçoit les contributions sociales et les collectivités subfédérales bénéficient de la contrepartie des services en termes de prix et de frais.
Au total, les ressources propres de l'État fédéral représentent 54 % du total des recettes, celles des États fédérés, 25 %, et celles des collectivités locales, 21 %. La plupart des aides qui parviennent aux collectivités locales transitent par l'État fédéral à l'image du système fédéral allemand et le niveau subfédéral dépense au final plus d'argent que le niveau fédéral.
En ce qui concerne les investissements, les données sont plus incertaines. En effet, il n'y a pas de chiffres agrégés au niveau national, pas de formation brute de capital fixe (FBCF) des administrations publiques et le mode de ventilation des dépenses varie selon les États. Le niveau d'investissement est aussi important. En 2008, il était évalué entre 300 milliards de dollars (selon le NASBO) et 350 milliards de dollars (selon la FED), soit 2,3 % du PIB national (chiffre FED), avec la clé de répartition suivante : 113 milliards de dollars pour les États, soit 0,75 % du PIB et 9,6 % de leur budget de fonctionnement ; 235 milliards de dollars pour les collectivités, soit 1,55 % du PIB et 15,8 % de leur budget de fonctionnement. Les États fédérés et les collectivités locales américaines ont donc un niveau d'investissement plus important qu'en France : 2,3 % du PIB contre 1,9 % du PIB.
L'endettement, pour sa part, est en principe réservé à l'investissement. En effet, l'équilibre budgétaire est constitutionnellement requis pour 49 des 50 États, la seule exception concernant le Vermont. Pour autant, des dispositions législatives et administratives destinées à contenir l'endettement, les dépenses et les impôts ont été adoptées. La dette des États et des collectivités est financée par des obligations sur les marchés financiers (muni-bonds ou M-bonds). Les encours sont généralement estimés à 2 600 milliards de dollars et l'engagement annuel est de l'ordre de 200 milliards de dollars. Différents types de muni-bonds sont recensés : les General Obligation Bonds, gagés sur les recettes fiscales ; les Revenue Bonds, gagés sur les revenus des investissements et services ; les Pension Obligation Bonds, destinés à financer les caisses de retraites.
Un budget opérationnel finance les biens et services publics proposés et les montants consommés au cours de l'année budgétaire : éducation, santé, services publics, administration. Les recettes fiscales proviennent, pour leur part, essentiellement des taxes à la consommation et de l'impôt sur le revenu des ménages et des entreprises. Le budget d'investissement est alimenté par toutes les catégories de recettes, y compris par l'endettement (le service de la dette est supporté par le budget opérationnel). Il est financé à 32,5 % par la dette, 16,5 % par des fonds fédéraux, 5 % par des ressources propres non affectées et 35,1 % par d'autres ressources (chiffres 2009). En outre, il existe un fonds de stabilisation et un fonds pour les « jours de pluie » (Rainy Days Fund) ainsi que divers budgets annexes et des fonds hors budget.
La procédure budgétaire est généralement annuelle (du 1er juillet au 30 juin de l'année suivante après une proposition de budget du gouverneur établie en janvier/février), mais dans certains cas, elle peut s'étendre sur deux années. L'État doit faire une estimation du déficit potentiel (manques à gagner) pour décider de mesures correctrices : augmentation d'impôts, coupes budgétaires, utilisation du fonds de réserve, aides fédérales attendues... Mais cette pratique ne va pas sans difficultés. Il est ainsi impossible d'évaluer sérieusement l'impact de la conjoncture et des mesures compensatoires prises en matière de recettes et de dépenses. En outre, en période de crise, la gestion est heurtée, voire brutale et ce système incite à contourner « légalement » les règles budgétaires. En effet, plus les règles sont strictes, plus l'ingéniosité pour les contourner est grande. Le gouvernement fédéral dispose d'une réelle marge de manoeuvre en matière budgétaire et d'endettement, contrairement aux États fédérés et collectivités (obligation d'équilibre budgétaire inscrit dans la constitution, etc.) mais dans la pratique, les États et collectivités contournent les règles (gimmickry). La règle de l'équilibre du budget de fonctionnement est de fait à géométrie variable. L'obligation d'équilibre s'applique aux General Funds (entre 20 et 60 % du budget total des États) qui disposent de l'affectation de fonds spéciaux, ou inversement, des dépenses des fonds généraux sont supportées par des fonds budgétaires moins contraints comme les fonds fédéraux, spéciaux, ou les Off-Budget Entities (OBE). Par ailleurs, le champ des dépenses d'investissements pour lesquelles le recours à l'endettement est autorisé, est étendu.
De facto, une grande flibusterie peut être observée. Ainsi certains États financent leurs déficits de fonctionnement à crédit, avec un endettement à court terme pour financer le long terme et des crédits de trésorerie pour équilibrer les comptes (comme on l'a aussi constaté à propos de l'Allemagne). A côté de cette « grande flibusterie », une « petite flibusterie » consiste à reporter du déficit sur l'année suivante, à retarder le paiement des fonctionnaires et des remboursements d'impôts au 1er juillet plutôt qu'au 30 juin, à jouer avec les échéances pour les mesures d'allègement fiscaux...
Dans ce contexte, les caisses de retraites et de sécurité sociale sont sous-financées (en 2008, 54,4 milliards de dollars de participation contre 64,4 milliards recommandés) et se financent par l'endettement avec les « Pension Obligation Bonds » (43 milliards de dollars émis entre 1992 et 2009).
Les collectivités locales américaines, face à la crise, ont connu une chute de leurs ressources propres (entre le 2e trimestre 2008 et le 2e trimestre 2009, les recettes fiscales des États fédérés et des collectivités ont baissé de 9 %), une fonte des « rainy days funds » (de 20 à 25 % pour les villes les plus prudentes), une contraction (- 10,5 % entre 2008 et 2010) des budgets de fonctionnement (general funds), une dévalorisation des fonds de retraite (entre le 3e trimestre 2007 et le 1er trimestre 2009, ces actifs ont fondu d'un tiers, leur valorisation passant de près de 3 300 à environ 2 200 milliards de dollars) et de maladie ainsi qu'une explosion des « manques à gagner ».
En 2010, le déficit se montait à 191 milliards de dollars pour les États, soit 12 % de leurs recettes avant transferts aux collectivités locales et 16,5 % après transferts. En 2012, il atteindra encore 112 milliards de dollars, soit 18 % du budget total des États ou 0,7 % du PIB américain. Le déficit cumulé des États a explosé : 13 milliards de dollars en 2008, 117 en 2009 et 174 en 2010, soit une hausse de 1 240 % en deux ans.
Dans les finances locales, l'État fédéral dispose d'une présence structurellement importante. Les transferts fédéraux dans les dépenses des États croissent régulièrement (1,3 % en 1929, 20 % au début des années 2000, 26,5 % en 2008 et 34,7 % en 2010). Ces transferts sont constitués essentiellement de cofinancements, à modalités variables. Par ailleurs, les ressources fiscales sont sensibles à la conjoncture puisque les ressources des États sont principalement constituées de l'impôt sur la consommation et le revenu, et les ressources des collectivités des taxes sur l'immobilier. Sur ces dernières années, les subventions fédérales sont d'ailleurs en croissance constante (386 milliards de dollars en 2005, 478 milliards de dollars en 2009) alors que les taxes ont subi un revers en 2009 (715 milliards de dollars, contre 782 milliards en 2008). Entre le 2e trimestre 2008 et le 2e trimestre 2009, les recettes fiscales des États fédérés et des collectivités ont chuté de 9 %.
Dans ce contexte, on observe des politiques contraires au niveau fédéral et au niveau des États fédérés avec un État fédéral largement plus endetté que les États fédérés et les collectivités : une politique contra-cyclique menée par le gouvernement fédéral, le Trésor et la FED ; une politique pro-cyclique menée par les États et les collectivités avec un effet de neutralisation. En effet, l'État fédéral se limite à combler une partie des « manques à gagner » (un tiers pendant la crise).
Dès février 2009, le congrès a adopté l'ARRA (American Recovery and Reinvestment Act) avec pour objectif de relancer la croissance et l'emploi par un plan de relance de 787 milliards de dollars, soit 5,6 % du PIB de 2009. L'impact de l'ARRA peut être mesuré ainsi : la préservation de 1,2 à 3,3 millions d'emplois, ce qui conduirait à une baisse du taux de chômage comprise entre 0,7 et 1,8 % ; une aide aux États de plus de 160 milliards de dollars sur plus de deux ans - soit 30 à 40 % des déficits projetés pour les exercices 2009 à 2011 - ; cette aide doit être échelonnée de 2009 à 2012 (31 milliards de dollars en 2009, 68 milliards en 2010, 59 milliards en 2011, 6 milliards en 2012).
Les effets de la politique pro-cyclique des États et des collectivités conduisent à une compression des dépenses avec des mesures d'austérité qui pèsent sur la demande, directement et indirectement, avec des dépenses locales de consommation et d'investissement qui amputent la croissance du PIB (entre 0,1 point et 0,2 point). En 2011, 14 États ont réduit leur budget, pour un montant total de 4 milliards de dollars. Il en avait déjà été de même en 2010 pour 39 États, pour un montant de 18 milliards de dollars. Cette politique pro-cyclique a également conduit à la suppression de 450 000 emplois publics depuis septembre 2008 (15 000 par mois), dont les principales victimes sont les comtés, les municipalités et les districts, ainsi que le secteur éducatif (50 % des suppressions de postes). Cette tendance n'est pas près de s'inverser puisque 710 000 suppressions de postes sont prévues en 2012. Au final, le service public est à l'abandon et des conflits sociaux naissent dans divers États comme le Wisconsin, l'Ohio, l'Indiana, le New-Jersey...
Cet état des lieux conduit à s'interroger sur le risque d'une crise majeure des finances locales aux États-Unis. Les motifs d'inquiétude sont nombreux dans la mesure où :
- les fonds de réserve s'épuisent : ils ne représentent plus que 5,6 % des dépenses des États en moyenne, contre 11,6 % en 2006 ; si on exclut le Texas et l'Alaska (65 % des réserves), le solde passe à 2,4 % ;
- des déficits importants ont des conséquences calamiteuses : 44 États et le district de Columbia sont en déficit budgétaire pour l'exercice 2012 (112 milliards de dollars de déficit, avec 6 milliards d'aide fédérale seulement) ; on observe des records de déficit pour le Nevada (1,5 milliard de dollars et 45,2 % du budget), le New Jersey (10,5 milliards de dollars et 37,4 % du budget), la Californie (25,4 milliards de dollars et 29,3 %), l'Oregon (1,8 milliard de dollars et 25 %) et le Texas (13,4 milliards de dollars et 31,5 %). A cet égard, l'exemple du Texas est paradoxal comme l'indique Paul Krugman « [...] c'est au Texas qu'a été appliquée à la lettre la théorie budgétaire conservatrice moderne, cette croyance qu'il ne faudrait augmenter les impôts sous aucun prétexte, qu'on peut toujours équilibrer le budget en réduisant les dépenses inutiles. Si la théorie ne fonctionne pas là-bas, elle ne peut fonctionner nulle part [...] » ;
- l'aide fédérale est en voie de disparition (6 milliards de dollars en 2012 avant la fin de l'ARRA).
Il existe néanmoins des raisons d'espérer dans la mesure où il y a :
- de moins en moins d'États en difficulté. Le nombre d'États en déficit est en lente amélioration (48 en 2010, 44 en 2011, 26 prévus en 2013) ;
- des déficits budgétaires locaux relativement modestes. Le montant des « manques à gagner » rapporté au PIB reste faible. Seuls 7 États ont un écart budgétaire supérieur à 1 point du PIB (dont la Californie avec 2 points du PIB) ;
- une dette globale relativement limitée. Fin 2010, l'encours de la dette des États et collectivités s'élève à 2 450 milliards de dollars, soit 16,5 % du PIB. Il s'agit par conséquent d'une dette locale modérée comparée à la dette fédérale (63,2 % au même moment, et 70 % aujourd'hui) ;
- un endettement qui a peu évolué avec la crise. En effet, depuis le début de la récession fin 2007, l'endettement des États et des collectivités locales a très peu varié (+ 1,2 point). Ce constat souligne que l'endettement ne constitue pas, pour les administrations locales, une « variable d'ajustement » en cas de difficultés budgétaires, comme c'est le cas au niveau fédéral (où le ratio d'endettement est passé de 35,9 % à 63,2 % dans le même temps) ;
- un coût de la dette supportable. Le montant des intérêts payés demeure légèrement inférieur à celui des intérêts reçus (115 milliards de dollars en termes annualisés en 2010, contre 119 milliards de dollars). C'est un montant qui représente seulement 5,3 % des recettes totales (5,5 % en 1950) ;
- une dette gagée sur des actifs suffisants. Les actifs financiers détenus en 2010 représentent, hors fonds de retraite, 2 739 milliards de dollars, soit 18,4 % du PIB.
Tous ces éléments, qu'il s'agisse des raisons de craindre ou des raisons d'espérer, constituent cependant la partie émergée de l'iceberg. La partie immergée ne doit pas être oubliée et elle n'est pas particulièrement réjouissante.
Il y a d'abord une véritable incertitude sur le montant exact de la dette des États et des collectivités : l'estimation courante tourne entre 2 400 et 2 600 milliards de dollars, mais la FED a annoncé, en septembre 2010, le chiffre de 4 200 milliards de dollars. Le différentiel s'explique par le fait qu'il est très difficile de mesurer le montant des dettes des petites collectivités et des innombrables « entités hors budget », par la titrisation de certains bonds et, surtout, par une dette virtuelle liée au sous-financement des caisses de retraites et de santé estimée entre 2 000 et 3 000 milliards de dollars. Ce montant de la dette publique pourrait d'ailleurs atteindre 7 200 milliards de dollars, c'est-à-dire être trois fois supérieur au chiffre officiel, ce qui constitue un défi effrayant pour les collectivités locales américaines.
Une épée de Damoclès pèse donc sur ces dernières, liée à la dette à court terme. On peut en mesurer l'ampleur en regardant la progression de l'endettement à court terme auprès des banques, à hauteur de 122 milliards en 2008, pour pallier l'effondrement de la demande sur le marché des muni-bonds. Aujourd'hui, les lettres de crédit arrivent à expiration. Soit les collectivités payent leur dû, soit elles renégocient avec les banques - moyennant un coût supplémentaire -, soit elles tentent d'emprunter des muni-bonds sur le marché.
La partie immergée de l'iceberg, c'est aussi la bombe à retardement des fonds de pension, retraite et maladie. Les plans de retraites concernent 19 millions de fonctionnaires locaux et représentent 28 % du total des actifs des fonds de pension. Ils sont alimentés par les contributions régulières des États, des collectivités et des employés, soit 30 à 35 milliards de dollars annuels selon les catégories. Avec la crise, les revenus du capital qui constituaient l'essentiel des recettes ont fondu (+ 400 milliards de dollars en 2007, - 39 milliards en 2008, - 520 milliards en 2009). Cela conduit à un sous-financement qui occasionne un besoin estimé entre 700 et 2 900 milliards de dollars. La situation n'est guère meilleure pour les caisses de santé où 5 % des 635 milliards de dollars ont été financés en 2009, sans obligation constitutionnelle de financer ni d'honorer ce type de dette.
Par ailleurs, le marché des muni-bonds est dans la tourmente. Comme je l'ai dit, le volume d'encours est habituellement estimé entre 2 500 et 2 800 milliards de dollars, alors que M. Bernanke, le Président de la FED, a annoncé un chiffre de 4 200 milliards de dollars. Il existe, en outre, des zones d'ombre, liées au nombre important d'émetteurs (70 000 émetteurs distincts). Or ce marché est historiquement stable et défiscalisé, car il s'adresse aux ménages américains, mais il attire désormais les fonds de pension et hedge funds. Avec la crise, l'explosion des déficits a réduit l'attractivité des titres et a fait imploser le système de garanties offert par les rehausseurs de crédit. De même, les monolines ont été gagnés par la fièvre spéculative, et les aventures de la filiale américaine de Dexia en ont été un exemple marquant. Après la chute des monolines, les Build American Bonds (BABs) ont constitué un système de garantie fédérale, mais le marché des muni-bonds demeure encore sous tension avec des taux d'intérêt très hétérogènes. Le système de financement de la dette s'est stabilisé, au moins temporairement, et le risque de défaut à l'échelon local, qui était considéré comme probable, semble s'éloigner un peu.
Une distinction doit cependant être opérée entre les États fédérés et les collectivités locales. Les collectivités locales américaines souffrent en effet de deux handicaps par rapport aux États fédérés : d'une part, des revenus basés davantage sur les taxes foncières (elles devraient subir l'ajustement à la baisse des valeurs immobilières de façon plus brutale) et, d'autre part, une dépendance par rapport aux États car elles doivent encaisser les effets de l'austérité décidée par ces derniers.