Je vous remercie de votre invitation. Il y a trois ans, un dialogue économique s'est engagé entre les partenaires sociaux et le Medef, qui a conduit à la rédaction d'un document, cosigné par les participants, que nous vous ferons parvenir. Un certain nombre de points d'accord s'en dégagent.
Quelles propositions pour revitaliser notre industrie ? La dimension culturelle, vous l'avez souligné, compte beaucoup. Il doit être clair pour chacun que l'avenir de la France dépend du développement de son tissu productif, de la vitalité d'une industrie moderne articulée sur des services de qualité, y compris les services publics. L'éducation doit jouer un rôle de premier plan dans cette reconquête, sachant qu'une grande partie des ingénieurs que forme notre système éducatif s'oriente, in fine, vers la finance.
Le développement industriel est indissociable du développement social. Les emplois qualifiés doivent être développés, ce qui suppose un effort de formation, mais aussi la juste reconnaissance salariale des qualifications. Un journal, que l'on ne peut pas soupçonner d'être proche de la CGT, a récemment livré des chiffres qui témoignent d'un écart croissant entre augmentation de la productivité du travail et évolution des salaires. Se pose également la question de la « sécurité sociale professionnelle » : comment assurer à des salariés menacés dans leur parcours des formations qualifiantes et un lien maintenu avec le milieu industriel ?
La capacité des salariés à participer aux décisions stratégiques est également déterminante. Depuis quelques années, le montant des dividendes servis par les entreprises dépasse les investissements productifs. C'est bien là le résultat d'une décision prise au sein de l'entreprise, et sur laquelle les salariés devraient avoir leur mot à dire. Idem pour les politiques de formation et de recherche et développement. De la même manière, le comité d'entreprise devrait disposer d'un droit suspensif face à toute décision de délocalisation. Il devrait avoir le temps d'examiner ce que sont les conditions de travail dans le pays d'accueil.
Autre question cruciale, celle du financement. Les salariés devraient participer à la définition des priorités en matière d'aides publiques, en même temps que devraient exister des mécanismes de contrôle et de conditionnalité des aides. Nous l'avons dit lors des États généraux de l'industrie : nous sommes très critiques sur le crédit impôt-recherche, qui ne soutient pas la recherche industrielle où le besoin s'en fait sentir. J'ajoute que l'effort des entreprises elles-mêmes, en matière de recherche et développement, est insuffisant : on ne peut pas entièrement tabler sur la puissance publique. Peut-être une fiscalité incitative constituerait-elle une bonne approche.
Mobiliser l'épargne disponible est également essentiel. C'est pourquoi la CGT a proposé, lors des États généraux de l'industrie, la création d'un livret-épargne-industrie. Il nous apparaît de même indispensable de voir créer un pôle financier public, en mettant en réseau toutes les institutions financières où la puissance publique dispose d'un pouvoir d'intervention, afin de mettre en oeuvre une politique stratégique crédible en faveur des établissements industriels.
Il convient aussi de travailler sur la question des filières, en liaison avec les territoires. Non pas pour opérer des choix sélectifs entre filières, mais pour bâtir une stratégie globale. Tout ceci doit s'accompagner d'une politique énergétique cohérente propre à nous conserver notre avantage comparatif : nous sommes, à la CGT, contre les privatisations et estimons que la loi NOME ne va pas dans le bon sens. La question, enfin, des rapports, bien souvent de domination, qu'entretiennent les grands groupes avec leurs sous-traitants, mérite elle aussi d'être posée.