Intervention de Jean-Paul Delevoye

Mission commune d'information sur les conséquences de la révision générale des politiques publiques pour les collectivités territoriales et les services publics locaux — Réunion du 1er juin 2011 : 1ère réunion
Audition de M. Jean-Paul deleVoye ancien médiateur de la république président du conseil économique social et environnemental cese

Jean-Paul Delevoye, Président du Conseil économique, social et environnemental (CESE) :

Vous posez là une question essentielle. On peut concilier les deux. Le décideur politique doit poser les principes de dépenses publiques, ceux des recettes publiques mais également les principes d'organisation du service public. Il existe deux principes républicains qu'il convient de garder à l'esprit : l'égal accès du citoyen au service public, qui n'est pas forcément physique, d'une part, et l'égale qualité des réponses apportées par le service public, qui est incompatible avec l'éparpillement du service public, d'autre part.

Pour être provocateur, j'ai été frappé de constater deux absences du législateur :

- la fusion des collectivités territoriales ne s'est pas accompagnée d'une réflexion sur les conséquences sociales d'une telle politique. Fusionner les structures, c'est bien mais rassembler les hommes et les femmes qui les font fonctionner est plus difficile, comme en témoigne l'exemple de Pôle Emploi.

- on a déconnecté l'organisation politique des territoires de l'organisation administrative.

Or, il aurait fallu s'interroger de la façon suivante : sur notre territoire, quelle est la meilleure organisation de l'offre de services publics que l'on peut imaginer pour nos concitoyens, pour répondre aux exigences de proximité et de qualité. Pourquoi ne pas envisager des communes sans administration et mettre en place des maisons de services publics à l'échelle des pays, avec des urbanistes, des juristes, etc. Il est nécessaire d'avoir de la réactivité, de la sécurité juridique, de la prévention, qui passe par une autre offre de services publics que l'offre actuelle.

Les nouvelles technologies de l'information et de la communication permettent de concilier proximité et qualité, ce qui pose toutefois des questions en termes d'aménagement du territoire. La dépendance, sur laquelle le Conseil Économique, Social et Environnemental rendra un rapport prochainement, va-t-elle prédéterminer une nouvelle vague de désertification rurale ? En effet, le logement non adapté aux personnes âgées, la disparition de services de proximité risquent d'être à l'origine d'une incitation à revenir dans les bourgs-centre. Ou bien, au contraire, les nouvelles technologies vont-elles permettre le maintien à domicile en permettant une nouvelle forme de service public ? A une nouvelle société correspond une nouvelle offre de service public, ce qui nécessite de décrocher le service d'un territoire, afin d'éviter que chacun se sente propriétaire de sa maternité, de sa mairie, pour favoriser la concentration des compétences qui est un élément de réflexion central de la meilleure offre de service public.

La question proximité / qualité est un vrai sujet. Il faut permettre un accès aux services publics pour chaque personne et non favoriser des services publics dans chaque commune. Le maire est un guichet d'accès de proximité, permettant d'accompagner des personnes dans des démarches administratives de plus en plus complexes.

Sur la RGPP proprement dite, pourquoi ne sommes-nous pas capables d'avoir une réflexion au niveau régional, entre l'État, les collectivités territoriales et les différents services publics, pour organiser une offre globale et cohérente de services publics au lieu d'avoir une offre par service ? La France est un pays où la défense des structures l'emporte sur l'adaptation des structures à la société. Nous assistons aujourd'hui à un problème de gouvernance et de dialogue social. Il est nécessaire que tous les acteurs, politiques, syndicaux, etc., s'approprient l'idée de modifier l'offre de services publics. La RGPP pourrait dans ce cadre retrouver tout son sens, avec un objectif clair. Or, la pression sur le budget est forte. Elle est en revanche faible sur le dialogue social. Beaucoup de fonctionnaires subissent la RGPP sans en comprendre le sens. Ainsi, ils ne sont pas acteurs du changement. Or, il faut retrouver fierté et sens du service public. Ceci passe également par une révision culturelle des élus locaux. Je n'ai jamais compris pourquoi des élus se battaient pour le maintien de maternités dans lesquelles ils n'enverraient jamais leurs épouses. La RGPP pourrait être un outil de responsabilisation des acteurs, d'accompagnement au changement, en permettant la mobilisation des agents publics. Nous devons tous être conscients que nous ne pouvons plus jouer avec les services publics ou l'argent public.

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