Intervention de Josette Mondino

Mission commune d'information sur les conséquences de la révision générale des politiques publiques pour les collectivités territoriales et les services publics locaux — Réunion du 1er juin 2011 : 1ère réunion
Table ronde avec des associations de consommateurs et d'usagers : la confédération de la consommation du logement et du cadre de vie clcv et l'association des usagers de l'administration adua

Josette Mondino, présidente de l'ADUA :

L'ADUA a accepté d'être entendue par votre commission afin de faire valoir et de faire mieux connaître la position des usagers qu'elle représente.

Agissant depuis plusieurs années pour l'amélioration de la qualité des relations entre l'administration et les usagers, notre association intervient toujours dans l'intérêt général, sans parti pris politique, et avec pour objectif l'entraide de l'usager et la défense de ses droits.

Notre but est de remettre le service public au service du public. A ce titre, nous tentons de participer de manière constructive à toutes les réformes qui vont dans ce sens.

C'est pourquoi l'ADUA soutient le développement de l'administration électronique, qui facilite l'accès aux services publics mais ne supprime pas le besoin d'un accueil téléphonique - ou en face à face au guichet - utile pour certaines opérations et certaines catégories de population.

Un important mouvement de réformes a été entamé avec les lois de décentralisation en 1982. Ce mouvement a été amplifié depuis cinq ans et s'inscrit dans une volonté de modernisation et de simplification. Le but consiste également en la restructuration des collectivités territoriales en vue de rendre le service public plus accessible, plus efficace, plus performant et surtout moins coûteux.

Cette réforme doit en principe répondre aux aspirations des usagers. Ceux-ci considèrent que le système est actuellement très opaque, illisible et rendu très onéreux, du fait de l'empilement des structures, de l'enchevêtrement des compétences et du labyrinthe des financements croisés.

Si les usagers, qui sont des citoyens mais aussi des électeurs, sont sensibilisés à la nécessité des réformes et adhèrent pour leur grande majorité à leur principe, ils considèrent néanmoins que la démarche doit être méthodique, transparente et articulée du niveau local au niveau interministériel. Ces réformes doivent être élaborées à partir d'éléments tangibles, concrets, cohérents et logiques.

Les axes majeurs de réflexion doivent prendre en compte l'écoute, l'implication et la participation des usagers comme celle des agents publics de tous grades.

Les objectifs à atteindre sont à définir clairement. Ils doivent être délimités et ciblés précisément sans perdre de vue le souci de l'éthique. Rien n'est pire que des mesures prises à la hâte, qui risquent de générer des dommages collatéraux, comme le soulignait le Médiateur de la République, M. Jean-Paul Delevoye, dans son rapport de mars 2011.

Le constat est clair : les réformes se font trop vite. Un des exemples type des difficultés générées par la précipitation correspond à la création de Pôle Emploi, né de la fusion de l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE) et des ASSEDIC. Ce rapprochement s'est déroulé dans un climat brutal et les agents ont dû s'approprier, en urgence, de nouvelles pratiques sans un accompagnement ni une formation adaptés. Les usagers ont ressenti ce malaise, la situation a été préjudiciable pour tous et le service rendu n'a pas été de qualité. La réforme, sans doute utile dans son fondement, aurait mérité plus de souplesse dans sa mise en oeuvre.

Le désengagement de l'Etat, l'éloignement des centres de décisions - qui passent le plus souvent du niveau départemental au niveau régional ou interrégional - laissent perplexes. Par ailleurs, l'impact de la RGPP n'est pas le même suivant les territoires où elle s'applique. La proximité de l'Etat dans les départements ruraux ou urbains ne doit pas être organisée de la même manière.

Nous sommes surpris et inquiets par les conséquences de la réforme de l'administration territoriale de l'Etat (REATE) qui fait disparaître l'ingénierie publique de l'Etat, laquelle était au service des collectivités territoriales. Comment et par qui seront mis en place les plans de prévention des risques technologiques, par exemple ? Il en est de même en matière d'urbanisme et de plan local d'urbanisme (PLU).

Les départements et les communes doivent désormais faire appel à des cabinets spécialisés, des agences techniques départementales doivent être créées. On assiste à une confrontation du service marchand au service public. Où sont les économies en termes financiers et d'emplois ? Le désengagement de l'Etat au niveau des directions départementales de l'équipement (DDE) et des directions départementales de l'agriculture (DDA) a entrainé une perte de compétences et d'expertise des fonctionnaires déjà formés.

Les réductions d'effectifs n'ont pas entrainé les gains de productivité attendus, mais plutôt une dégradation de la qualité du service rendu.

S'agissant du contrôle de légalité, celui-ci n'est plus véritablement assuré. Il en résulte une insécurité ou une lenteur injustifiée, ce qui ralentit certains projets.

Actuellement, les effectifs réduits et la diminution du nombre de cadres A constituent deux facteurs fragilisant le contrôle de légalité.

Le Gouvernement propose de regrouper les collectivités territoriales autour de deux pôles : un pôle département-région et un pôle communes-intercommunalité.

A notre connaissance, aucune concertation n'a été envisagée avec les usagers à ce niveau.

Au Parlement, aucun débat public n'a été engagé à ce sujet. Les effets de la RGPP ne semblent être étudiés qu'au travers de rapports budgétaires.

Le principe d'économie prôné par la RGPP ne doit pas ressortir d'une logique purement comptable, mais être corrélé par le souci constant d'amélioration du service public et de la qualité de vie des citoyens. Les réformes impliquent des concentrations, des rapprochements, voire des fusions. Les économies se font souvent au bénéfice des communes les plus importantes, avec des conséquences sociales très pénalisantes pour les collectivités qui subissent les fermetures de services publics. A titre d'exemple, les réformes des cartes judiciaire, sanitaire ou militaire, perturbent le tissu économique et génèrent des bouleversements profonds sur le plan humain. Une ville qui perd sa maison d'arrêt, son tribunal de grande instance, son hôpital, et qui voit fondre ses effectifs de police ou de gendarmerie, subit un véritable sinistre, car les bassins d'emplois du secteur public et du secteur privé sont liés.

La tranquillité et le sentiment de « bien vivre » des citoyens sont sacrifiés sur l'autel de la logique budgétaire. Nous pensons que la qualité du service public est une exigence qui doit aussi faire une place à cet aspect sociétal et environnemental.

En conséquence, nous formulons des propositions :

- détricoter l'enchevêtrement des compétences et des financements entre les divers niveaux d'administration territoriale, en privilégiant l'intercommunalité et la région, tout en conciliant au mieux l'efficacité et la proximité pour le citoyen. Il convient en particulier de veiller à ce que cette règle soit bien mise en oeuvre dans tous les nouveaux textes ;

- imposer une phase de concertation avec les associations représentatives des usagers, lors de la préparation de tout nouveau texte ayant un impact sur ces derniers ;

- imposer, dans le rapport de présentation de nouveaux textes au Parlement ou dans celui accompagnant la signature de nouveaux décrets, que figure la liste des textes publiés depuis cinq ans sur le même thème, avec une information sur l'avancement de leur application et leurs effets. Il s'agit ici d'éviter, ou au moins de limiter, la mise en place de nouvelles mesures incohérentes, ou non compatibles, avec d'autres prises moins récemment ;

- mettre en place, dans chaque ministère, une cellule chargée de veiller à la bonne mise en oeuvre des textes votés ou décrétés, avec la possibilité de proposer des mesures correctives impératives en cas de mise en oeuvre déficiente.

Dans leur grande majorité, les usagers considèrent que les réformes s'imposent. Ils souhaitent toutefois une réflexion plus approfondie et des consultations plus élargies qui permettent de rétablir l'équilibre, la confiance et la visibilité indispensables à la conduite des réformes.

On ressent, à leur écoute, un besoin d'être informé. Chaque citoyen doit pouvoir s'approprier l'organisation administrative de son cadre de vie. L'architecture nouvelle des territoires doit être claire et les responsabilités de chaque collectivité identifiées.

Or, aujourd'hui, la vision est floue et compliquée. Le service public s'éloigne de l'usager, au lieu de s'en rapprocher. Le risque est d'aboutir à une véritable fracture sociale.

La RGPP et la REATE ont leur utilité, elles doivent stimuler les forces vives du territoire en favorisant l'émergence d'un service public moderne, efficient et solidaire. Mais les usagers, dans une forte proportion, sont aujourd'hui fragilisés par le chômage, le grand âge ou la précarité. Ils ont donc besoin d'un Etat attentif et protecteur. Le service public doit rester au plus près du public, même si cela a un coût qu'il convient de maîtriser. Il faut changer de culture et rationaliser sans déshumaniser. Voilà le défi qu'il convient de relever pour assurer le succès des réformes en cours.

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