Intervention de mission « Défense »

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 11 octobre 2006 : 1ère réunion
Loi de finances — Loi de finances pour 2007 - mission « défense » - Audition du général jean-louis georgelin chef d'état-major des armées

mission « Défense » :

Au cours d'une première réunion tenue dans la matinée, la commission a procédé à l'audition du Général Jean-Louis Georgelin, Chef d'Etat-major des armées, sur le projet de loi de finances pour 2007 (mission « Défense »).

Le Général Georgelin a tout d'abord souligné l'évolution profonde de l'armée française depuis sa professionnalisation intervenue il y a dix ans. Elle constitue, aujourd'hui, grâce en particulier à l'effort prolongé, constant, mais raisonnable, consenti en faveur de la Défense, un atout considérable pour la France et un pôle d'excellence. La France dispose, aujourd'hui, du spectre presque complet des capacités militaires existantes, obtenues grâce à un effort budgétaire important et prolongé. La France préserve ainsi son autonomie de décision sur l'opportunité de s'engager ou non dans des opérations militaires. Elle maîtrise par ailleurs un système de dissuasion nucléaire caractérisé par sa cohérence et sa crédibilité du point de vue de la doctrine, de la technique et de l'entraînement des hommes. Les armées font également preuve d'une réactivité stratégique certaine, reconnue par nos principaux alliés. Enfin, notre armée bénéficie d'une excellente image au sein de la société française, démentant ainsi la coupure annoncée entre la nation et son armée qui aurait résulté de la professionnalisation. La traduction en est un niveau de recrutement qui reste acceptable en France, ce qui n'est pas le cas de nos principaux alliés.

Cependant, a poursuivi le Général Georgelin, notre dispositif reste marqué par certaines faiblesses : il s'agit tout d'abord d'un déficit en moyens de projection tactique et stratégique, hélicoptères ou avions de transport ; la protection des moyens de mobilité terrestre reste perfectible, et des efforts restent à fournir dans le domaine du renseignement électromagnétique d'origine spatiale et du renseignement optique. Enfin l'armée française ne dispose pas de moyens de suppression des défenses anti-aériennes hostiles (SEAD : Supression of Enemy Air Defense).

Puis le chef d'état-major des armées a souligné la difficulté des arbitrages, que l'évolution d'une armée moderne impose d'opérer, entre les nécessités nées des opérations les plus fréquentes, les plus immédiates, et la nécessité de prévoir un engagement de haute intensité, toujours possible. Ceci explique que, lors des conférences de génération de force, chaque fois qu'il faut monter une opération, fasse toujours défaut le même type de capacité -les hélicoptères et les hommes notamment- et que, dans le même temps, on ne puisse renoncer aux équipements de haute technologie. Par ailleurs, l'utilisation intensive des matériels, en OPEX, induit des problèmes de disponibilité des matériels en métropole pouvant affecter les conditions d'entraînement des troupes. La charge financière des équipements déjà commandés ne dégage qu'une faible marge de manoeuvre pour réorienter à l'avenir, si nécessaire, notre équilibre capacitaire. Les vulnérabilités des armées concernent donc moins le dispositif actuel que celui qui résultera des ressources prévisibles de moyen terme.

Le chef d'état-major des armées a ensuite insisté sur la nécessaire adaptation des capacités et des modes d'action de l'armée française aux nouveaux types de conflit. Il convient, de ce fait, de renforcer les capacités de renseignement et de communication, notamment dans les équipements spatiaux, poursuivant ainsi l'effort entrepris sous l'impulsion du ministre de la défense. Le renforcement du rôle de l'armée en matière de protection et de sauvegarde du territoire et des populations nationales est également à l'ordre du jour. Enfin, la réflexion prospective et doctrinale doit recevoir une impulsion nouvelle et être développée en coopération avec nos partenaires européens et atlantiques.

Une deuxième priorité tient à la poursuite de la réorganisation des armées pour améliorer leur fonctionnement quotidien, dont la rationalisation a été marquée tant par la refonte des attributions du chef d'état-major des armée que par la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances.

Dans la perspective d'une adaptation sans relâche à un contexte en évolution, les synergies interarmées, comme les mutualisations envisageables à l'échelle européenne, doivent être examinées avec attention, sans perdre de vue la finalité opérationnelle, ni imaginer qu'elles pourront constituer la réponse à toutes nos difficultés.

Le lien armée-nation est porté par le recrutement annuel de 30.000 jeunes gens et filles, représentant près de 5 % d'une classe d'âge, et qui s'insèrent sans difficulté dans le marché d'emplois civils au terme de leurs années de service. Cependant, il convient d'expliquer avec plus de clarté le lien existant entre les actions extérieures auxquelles participent les armées, le rayonnement de notre pays et la défense de ses intérêts.

En 2006, ce sont près de 14.000 personnels qui sont engagés en opération, soit un total de 35 000 hommes et femmes si on inclut les forces de présence et de souveraineté situées hors de la métropole, auxquels s'ajoutent les 1.300 militaires déployés sur le territoire national, au titre du plan Vigipirate notamment.

On observe que la situation politico-militaire prévalant sur la plupart des théâtres où la France est engagée tend à se durcir. C'est ainsi qu'en Côte d'Ivoire, la date prévue pour les élections, le 30 octobre prochain, ne sera pas tenable, ce qui conduit à de difficiles débats au sein de l'Union africaine et de l'Organisation des Nations unies. La France soutient, dans ce pays, un processus électoral libre, démocratique et transparent à partir de listes électorales établies de manière impartiale. Le dispositif Licorne présent en Côte d'Ivoire en appui de l'ONUCI a entraîné une dépense moyenne de 200 millions d'euros par an, soit au total 755 millions d'euros pour notre pays depuis le début de l'opération.

La situation se dégrade en Afghanistan, tant à l'Est qu'au Sud, et le secteur de Kaboul, dont la France assume la responsabilité jusqu'en février 2007, est aussi un secteur difficile. L'OTAN, qui vient de prendre la responsabilité de l'ensemble du pays, peine à trouver des renforts. L'objectif de la communauté internationale est aussi de transférer progressivement les tâches de sécurité aux Afghans eux-mêmes. L'effort de formation accompli par l'armée française au profit de l'opération afghane, dite opération Epidote, a déjà permis la formation de 3.800 stagiaires.

Au Liban, le déploiement de la FINUL renforcée se déroule jusqu'à présent de façon satisfaisante, mais le contexte est difficile et la prudence est de mise. Il n'en reste pas moins que le retrait israélien est effectif et que l'armée libanaise, pour la première fois depuis vingt ans, a pu se déployer jusqu'à la ligne bleue de la frontière avec Israël. L'armée française appliquera les règles d'engagement robustes qui ont été négociées et les mesures de sauvegarde nécessaires.

En République démocratique du Congo, le déploiement de la force européenne (l'EUFOR) témoigne de la richesse de la coopération franco-allemande. Son désengagement est prévu pour le mois suivant le deuxième tour des élections qui devront se tenir le 30 octobre. Au Tchad, la situation reste instable, avec le maintien d'éléments rebelles à l'est et au sud du pays. Le détachement Epervier permet de répondre, dans le respect des accords passés, aux besoins du gouvernement de ce pays.

Le Kosovo reste également porteur de risques à l'approche de l'adoption de son statut final. Les déclarations récentes de l'envoyé spécial de l'ONU, sur le faible espoir d'obtenir un accord négocié, ne sont guère encourageantes.

L'ensemble de ces éléments doit conduire la France à peser soigneusement son niveau d'engagement en opérations extérieures, d'autant que leur coût est élevé. Si les effectifs de l'armée française ont diminué en 2006 de 3 % en Côte d'Ivoire, de 16 % au Kosovo et de 22 % en Bosnie, le montant des opérations extérieures, hors Liban, s'élèvera en 2006 à 557 millions d'euros.

Abordant ensuite le projet de loi de finances pour 2007, le général Georgelin a estimé qu'il était globalement satisfaisant, avec un montant de crédits de paiement de 47,7 milliards d'euros, en incluant les pensions, et de 35,3 milliards d'euros hors pensions. Il a estimé que deux points majeurs méritaient d'être soulignés. Les opérations extérieures (OPEX) sont désormais payées sur des crédits identifiés, contrairement à la pratique antérieure basée sur des gels et annulations de crédits d'investissement. De plus, un dispositif satisfaisant a été mis en place pour la consommation des crédits en gestion.

Les crédits de paiement progressent de 0,8 % en volume et de 2 ,5 % en valeur en conformité avec l'annuité actualisée de la loi de programmation militaire. En norme OTAN, ce budget représente 1,67 % du PIB français, chiffre élevé mais raisonnable au regard de l'effort consenti par nos principaux alliés. La masse salariale de 15,43 milliards d'euros permet une stabilisation globale des effectifs qui passeront de 430.740 en 2006 à 429.990 en 2007. Ces chiffres recouvrent la création de 950 postes au bénéfice de la gendarmerie, compensée par une réorganisation dans les autres armées.

Les différents plans d'amélioration de la condition militaire se poursuivent comme prévu avec 24 millions d'euros pour le plan lui-même, 24 millions également pour le fonds de consolidation de la professionnalisation, et 18 millions d'euros pour les revalorisations de grade ; le personnel civil bénéficiera de mesures de reconnaissance professionnelle d'un montant de 15 millions d'euros.

Les crédits de fonctionnement sont marqués par un accroissement des financements liés au maintien en condition opérationnelle des matériels, de 3,3 milliards d'euros en 2007, qui permettront une disponibilité supérieure à 90 % en OPEX, mais inférieure sur le territoire national. Globalement, le budget de fonctionnement des unités n'a pas été réactualisé pour la troisième année consécutive.

S'agissant des investissements, il a indiqué que le niveau des autorisations d'engagement pour 2007 avait rendu nécessaire l'étalement des commandes d'hélicoptères NH 90 et de la « future torpille lourde ».

Enfin, l'annuité 2007 reste tributaire de la gestion 2006, en particulier, du projet de loi de finances rectificative attendu pour la fin 2006, qui devra couvrir les besoins de paiement des frégates FREMM, d'un montant de 240 millions d'euros, et le surcoût des OPEX évalué à 268 millions d'euros ; il devra également apporter les 130 millions d'euros nécessaires pour couvrir les besoins en carburant opérationnel jusqu'à la fin 2006.

Les commandes comprendront 50 missiles de croisière navals, 5.000 systèmes FELIN, 117 véhicules blindés de combat d'infanterie, ainsi que les dépenses afférentes au deuxième porte-avions. Les livraisons attendues comprennent 13 Rafales, 6 hélicoptères Tigre, les 8 derniers chars Leclerc et les 358 premiers systèmes FELIN.

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