Intervention de Philippe Douste-Blazy

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 11 octobre 2006 : 1ère réunion
Audition de M. Philippe Douste-blazy ministre des affaires étrangères

Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères :

a alors apporté aux sénateurs les précisions suivantes :

- il est possible que la nature exacte de l'explosion intervenue en Corée du Nord ne soit jamais connue avec précision. Il reste que le seul fait que la Corée du Nord ait manifesté sa volonté d'effectuer un essai nucléaire est extrêmement grave et justifie la réaction de la communauté internationale ;

- en Colombie, un dialogue s'est enfin noué entre les FARC et le président Uribe. Il suppose que des progrès soient en particulier réalisés sur le lieu de démilitarisation, les conditions d'un cessez-le-feu et la présence d'observateurs, ainsi que sur le volet humanitaire. La France entend faciliter et appuyer ce dialogue qui, à lui seul, est un élément essentiel ;

- l'assassinat en Russie de la journaliste Anna Politkovskaïa est un crime qui en soi suscite l'horreur et qui, au-delà, met en cause la liberté de la presse. Une enquête criminelle a été diligentée, placée sous le contrôle direct du procureur général de Moscou et la France sera très attentive à son déroulement. L'OSCE et le Conseil de l'Europe, dans le cadre de leur mission spécifique concernant la liberté de la presse et les Droits de l'Homme, pourront concourir à la recherche de la vérité ;

- les menaces exercées à l'encontre du professeur Redecker pour ses écrits ne sont pas tolérables ; cela est incompatible avec les valeurs de la société française ;

- c'est bien l'ONU qui détient la responsabilité du dossier nord-coréen. C'est d'ailleurs dans ce cadre que les Etats-Unis ont déposé un projet de résolution qui pourrait être adopté à la fin de cette semaine ;

- dans le dossier israélo-palestinien, toute négociation suppose que l'esprit des accords d'Oslo soit respecté, sur la base du principe « la paix contre les territoires ». La libération du soldat israélien enlevé à Gaza est également un préalable et la relation entre le Fatah et le Hamas doit être réglée, pour aboutir soit à un gouvernement d'Union nationale, soit à un gouvernement de « techniciens ». Cela implique que le Fatah trouve un terrain d'entente avec le Hamas concernant la reconnaissance d'Israël et la renonciation à la violence ;

- les électeurs palestiniens n'ont pas à être « punis » pour le vote qu'ils ont exprimé, mais toute négociation véritable supposera la reconnaissance d'Israël ; ce sont les électeurs du Hamas qui sont aujourd'hui en grève à Gaza. Le Hamas palestinien lui-même a évolué face à la défiance exprimée par la communauté internationale et a paru prêt à constituer un gouvernement d'union nationale qui aurait, fût-ce implicitement, abouti à la reconnaissance d'Israël. Il semblait cependant, depuis quelques jours, être revenu sur cette position ;

- les conditions de l'accueil réservé au président Abbas à New-York en septembre dernier n'ont pas aidé à renforcer son statut intérieur, ce qui constitue une priorité pour la France ;

- face à la situation dramatique de la population palestinienne, la Commission européenne s'est largement impliquée dans le mécanisme temporaire d'aide qui lui est destinée ; elle a notamment permis d'assurer la fourniture d'aide humanitaire et sociale pour un montant de 330 millions d'euros en 2006. L'aide bilatérale française, qui vient en plus de notre part dans l'aide européenne, a atteint pour sa part 20 millions d'euros pour cette même année, recouvrant l'aide humanitaire, alimentaire et sanitaire ainsi que les infrastructures de base ;

- le fait que des parlementaires et ministres palestiniens restent détenus en Israël n'est pas acceptable ;

- la situation en Afghanistan se détériore, en particulier dans le Sud et l'Est du pays, même si les actions récentes de l'OTAN ont infligé de sérieux revers aux Talibans. Les autorités afghanes doivent s'investir davantage, en particulier pour corriger la faiblesse de leur police et de leur système judiciaire et accroître leur action contre la drogue. La communauté internationale s'est engagée à aider les autorités afghanes pendant encore cinq années, afin de permettre la stabilisation du pays ;

- à l'égard de la Corée du Nord, la fermeté et l'unité de la communauté internationale sont nécessaires, ne serait-ce que pour ne pas donner à l'Iran un sentiment d'impunité face à la prolifération. Pour autant, la seule action de l'ONU ne suffira pas à modifier la position iranienne d'intransigeance qui s'appuie aussi sur des éléments de politique intérieure ; des sanctions ont déjà été votées le 5 juillet 2006 par le Conseil de sécurité à l'encontre de la Corée du Nord après ses tirs de missiles balistiques, décidant d'empêcher tout Etat à transférer vers ce pays une assistance liée à ce type d'armement. Après le récent essai nucléaire, l'ONU pourrait décider d'exiger le démantèlement complet et contrôlé du programme nucléaire nord-coréen, de renforcer l'interdiction de transfert à la Corée du Nord de missiles ou d'armes de destruction massives, enfin d'interdire tout transfert financier lié à ces activités. Bien évidemment, l'association de la Chine à un tel dispositif constituerait un élément clé de la politique qui sera adoptée à l'égard de la Corée du Nord ;

- s'agissant de la Côte d'Ivoire, une résolution discutée fin octobre fixera un nouveau calendrier, qui décidera de prolonger de nouveau, ou non, le mandat du président Gbagbo. La séquence désarmement/identification des électeurs et constitution des listes électorales est complexe, mais reste indispensable pour le succès du processus électoral. La Côte d'Ivoire est le sixième pays d'immigration du monde, accueillant pour l'essentiel des migrants venus des Etats voisins, qui sont ainsi très impliqués dans la situation ivoirienne ;

- après la réunion de la CEDEAO, l'Union africaine se prononcera à la mi-octobre avant de transmettre le dossier à l'ONU à la fin du mois. Une nouvelle résolution établira une feuille de route prévoyant un nouveau calendrier électoral, afin de préparer les élections et de désarmer les milices. La CEDEAO a conclu sa récente réunion en des termes très proches de la position du groupe de travail international (GTI) : il ne peut y avoir de solution militaire durable et l'objectif reste des élections ouvertes sur la base de listes électorales fiables ;

- au Tchad, les différentes formations politiques ne se sont pas accordées pour participer à la « table ronde » que la France appuie. Le rôle de la France est bien d'éviter tout risque de déstabilisation du pays ;

- au Kosovo, la France apporte tout son soutien à M. Ahtisaari, envoyé spécial des Nations unies, qui va prochainement remettre une proposition globale sur le statut final de la province. La France plaide pour une solution négociée et équitable, répondant aux aspirations d'une immense majorité de la population favorable à l'indépendance, mais qui respecterait la minorité serbe et notamment son patrimoine culturel et cultuel. Une présence civile et militaire étrangère sera donc encore longtemps indispensable, la KFOR pouvant ultérieurement être relayée par une force européenne ;

- au Mali, après plusieurs incidents survenus dans le Nord du Pays, des négociations ont permis un certain apaisement et les Touaregs ont réintégré le cadre légal. Mais de nouveaux affrontements ne peuvent être totalement écartés ;

- la résolution 1701 sur le Liban est désormais mise en oeuvre. Israël a évacué le sud du pays, à l'exception du village de Ghajar, mais les survols du territoire libanais par des appareils israéliens restent une source de préoccupation. Pour leur part, la FINUL et l'armée libanaise parachèvent leur déploiement. Pour autant, les conditions du dialogue politique restent à réunir et supposent la libération des deux soldats israéliens et la solution à la question des fermes de Chebaa ;

- en Haïti, un peu moins d'une centaine de gendarmes et policiers français sont présents en soutien à la force de l'ONU. Les élections ont permis la désignation du président Préval et l'impératif est aujourd'hui de rétablir la sécurité, de renforcer les institutions et de poursuivre la lutte contre la pauvreté ;

- au Sénégal, le président Abdoulaye Wade n'a pas remis en cause le calendrier électoral et ce pays reste un modèle de démocratie dans l'Afrique francophone. La France y suivra avec attention le processus électoral à venir.

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