Aller mal est une réponse adaptative à une situation d'impuissance liée à un mal-être. Le biologique a là sa part, avec l'appoint ou non d'éléments culturels. Les modes d'expression sont interchangeables, mais ont en commun cette destructivité. Au lieu de dire aux jeunes qu'ils sont menacés par le syndrome d'immunodéficience acquise, la drogue, le harcèlement en milieu scolaire, le harcèlement sexuel, les tentatives de suicide et l'anorexie mentale, mieux vaut leur dire qu'ils ont la vie devant eux et qu'ils ne doivent pas être tentés de la gâcher - qui plus est d'une manière non choisie, puisque fortement dépendante du tempérament, des rencontres et des effets temporaires de la culture. Il faudrait penser l'être humain dans sa globalité pour qu'il puisse réellement exercer son droit de s'épanouir. On fait comme si cet épanouissement venait de l'intérieur alors que, comme pour tout être vivant, il passe par une coconstruction avec l'extérieur. Un être vivant seul n'existe pas. Il faut donc, dès la maternelle, susciter des échanges et repérer ceux qui ont des difficultés sans que cela provoque les réactions de défiance qu'avait soulevées le fameux rapport de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale. L'enjeu est de ne pas laisser un enfant s'installer dès la maternelle dans des comportements destructeurs ou porteurs d'un risque de marginalisation. Un être humain a besoin de se nourrir et de se sentir en confiance.
Cela pourrait faire l'objet de programmes d'éducation civique - à condition qu'ils soient un peu plus vivants que les programmes actuels. L'école peut reprendre son rôle global d'aide à l'individu, ne se limitant pas à l'accumulation d'acquis, mais contribuant aussi à l'épanouissement de la personnalité sur les trois plans que j'évoquais tout à l'heure. Des expériences intéressantes ont été menées en ce sens. Les jeux de rôle sur les situations de violence expérimentés par le docteur Serge Tisseron dans les maternelles de trois départements ont réduit de 70 % les comportements violents. Toute la pathologie est, je le répète, un enfermement dans des comportements destructeurs qu'on n'a même pas choisis.