Intervention de Benoist Apparu

Commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire — Réunion du 26 avril 2011 : 1ère réunion
Urbanisme de projet et plan logement île-de-france — Audition de M. Benoist Apparu secrétaire d'état auprès de la ministre de l'écologie chargé du logement

Benoist Apparu, secrétaire d'État au logement :

La réforme que nous entreprenons vise à passer d'un urbanisme de normes à un urbanisme de projet.

A la suite du Grenelle de l'environnement, le Parlement a habilité le Gouvernement à prendre cinq ordonnances en matière d'urbanisme, dont l'une vise à recodifier à droit constant. Nous avons également installé quatre groupes de travail, coïncidant avec l'objet des quatre autres ordonnances, ainsi qu'un groupe « miroir », composé de quatre sénateurs et de quatre députés désignés officiellement, en application de l'engagement pris par le Gouvernement, lors du vote de la loi, d'associer étroitement le Parlement à la rédaction même des ordonnances. Nous avons encore installé un groupe de sages, composé d'experts aussi bien que d'élus, et placé sous la présidence du conseiller d'État Thierry Tuot. Les ordonnances seront publiées fin juin. Des mesures sur la fiscalité urbaine ont déjà été adoptées dans la loi de finances rectificative, pour entrer en vigueur au 1er janvier 2012.

Le dernier comité de pilotage des groupes de travail se réunira demain 27 avril, chacun y présentera ses conclusions sur les ordonnances. Fin mai, nous organiserons un séminaire de deux jours, très ouvert, avec l'objectif de parvenir à un consensus.

La première ordonnance porte donc sur la recodification du code général de l'urbanisme, à droit constant.

La seconde ordonnance concerne les procédures d'élaboration, d'adoption et de modification des documents d'urbanisme. Notre objectif principal est de mieux distinguer ce qui relève de la révision des plans locaux d'urbanisme (PLU) et ce qui relève de leur simple modification. Le projet d'aménagement et de développement durable (PADD), qui constitue la première partie du PLU, doit en être la pierre angulaire : c'est le lieu où le pouvoir politique local énonce son projet pour le territoire. Or, nous constatons que, trop souvent, la seconde partie, c'est-à-dire le règlement du PLU, a pris le dessus, conduisant à multiplier des règles superflues, tatillonnes et sources de retard dans les opérations, quand ce n'est pas de contentieux. Une première piste consiste à distinguer trois ensembles, en les définissant le plus précisément possible : les règles relatives au PADD, qui seraient modifiables par la procédure de révision ; celles relatives au règlement du PLU, modifiables par la procédure plus légère de modification ; enfin, les autres dispositions, qui relèveraient de la procédure de modification simplifiée, plus souple encore.

La troisième ordonnance vise les établissements publics fonciers : elle est particulièrement technique, je vous dispense de sa présentation.

La quatrième ordonnance est relative aux calculs des surfaces. Ils sont aujourd'hui très complexes, en particulier dans le passage entre la surface hors oeuvre brute (SHOB) à la surface hors oeuvre nette (SHON) et nous déplorons que les catégories utilisées aillent à l'encontre des objectifs du développement durable - on le voit par exemple avec l'isolation, dont on a calculé qu'elle fait baisser la surface de construction au sens urbanistique - ce qui la rend d'autant moins intéressante, alors qu'elle est l'un des objectifs du Grenelle en matière de logement. Nous envisageons en conséquence de remplacer ces catégories par la notion de surface de plancher de construction, qui aura l'avantage de ne pas pénaliser le développement durable, qui a déjà reçu le soutien de tous les professionnels consultés et qui ferait gagner 10 % de surface au sens urbanistique.

La cinquième ordonnance, enfin, porte sur les permis de construire et les autorisations d'urbanisme, suite à la réforme de 2007. Plusieurs problèmes ont été identifiés. Sur les permis de construire des lotissements, d'abord, il faudra modifier les règles. Nous voulons également poursuivre l'effort engagé en 2007 pour diminuer les délais de la délivrance des permis de construire : la réforme n'a pas concerné les zones atypiques, par exemple les zones classées, nous devons les y inclure. Enfin, nous nous interrogeons sur le seuil de 20 mètres carrés pour le passage d'une déclaration préalable à un permis de construire : nous souhaitons le faire passer à 40 mètres carrés, voire 60 mètres carrés sur décision communale en cas de PLU intercommunal.

Hors du champ couvert par les ordonnances, nous avons repéré d'autres réformes importantes à conduire - quand je dis « nous », ce n'est pas le Gouvernement, ce sont les groupes de travail.

D'abord la fiscalité de l'urbanisme, en particulier la fiscalité foncière : nous voulons qu'elle incite davantage à mettre du foncier non bâti sur le marché de la construction. Actuellement, l'abattement fiscal sur la plus-value foncière est d'autant plus avantageux que la durée de conservation du bien est longue, ce qui revient à défiscaliser la spéculation puisqu'il suffit d'attendre suffisamment de temps que son bien augmente pour voir sa plus-value échapper à l'impôt. Nous proposerons que la fiscalité devienne neutre dans le temps. Nous souhaitons également engager en priorité la révision en valeur des terrains non bâtis. Le mouvement de révision a été lancé pour l'urbanisme commercial, je crois qu'il faut aller plus loin ; on sait le caractère délicat de la révision du foncier bâti mais on ne peut attendre qu'elle ait eu lieu pour s'attaquer au foncier non bâti. Autre piste de réforme, nous proposerons de rationaliser et d'homogénéiser le partage de la plus-value lors de la vente de foncier.

Hors du champ des ordonnances est apparue aussi la nécessité d'adapter la partie réglementaire des documents d'urbanisme. Le cas des PLU est exemplaire : le règlement prend le pas sur le PADD, les règles tatillonnes l'emportent sur la stratégie territoriale, alors que la loi n'a rendu obligatoires que deux articles du règlement : sur l'implantation des constructions par rapport aux limites séparatives et par rapport aux voies et emprises publiques. Une première piste consiste donc à rappeler la primauté de l'énoncé stratégique des PLU. Ensuite, nous proposerons la mise en place d'un outil nouveau : les secteurs de projet. Dans ces secteurs, définis par l'autorité politique locale, il s'agirait de suspendre le règlement du PLU, pour que le projet d'urbanisme génère lui-même les règles d'urbanisme, en conformité avec les énoncés du PADD. A condition d'un accord avec l'autorité politique locale, l'État pourrait alors lui-même suspendre certaines de ses réglementations, je pense en particulier au livre I du code de la construction et de l'habitation à certaines servitudes d'urbanisme, ou encore à la partie construction du code civil, notamment les règles liées aux relations de voisinage. Cette adaptation des règles au projet urbain, vaudrait bien entendu pour des projets structurants et non pas pour la construction d'un immeuble en particulier : l'adaptation vise par exemple l'urbanisation de berges, ou encore les zones caractérisées par la présence d'un équipement commercial de grande envergure. Enfin, toujours dans l'adaptation de la partie réglementaire des documents d'urbanisme, nous nous sommes posé la question du devenir des plans d'occupation de sols (POS). Ils auraient dû tous être remplacés par des PLU, mais cela n'est pas toujours le cas : dans les communes qui n'ont pas adopté de PLU subsistent des POS dont les objectifs sont parfois très éloignés de nos ambitions actuelles, en particulier en matière de densification urbaine. Faut-il mobiliser la loi ? Nous aurons à en débattre.

Troisième domaine de réforme nécessaire en dehors du champ des ordonnances, le contentieux de l'urbanisme. Vous savez combien ce contentieux peut concrètement retarder, voire empêcher des opérations. Nous connaissons les recours abusifs, dit de voisinage, qui visent l'annulation pour vice de forme, mais nous déplorons également un contentieux d'origine mafieuse, où des groupes lancent des procédures dans le seul but d'obtenir de l'argent des promoteurs, contre le renoncement à leur plainte. Il s'agit donc de trouver des parades, qui préservent les projets de ces recours abusifs, sans attenter au droit constitutionnel de déposer un recours. Le groupe de travail présidé par Thierry Tuot propose d'expliciter l'intérêt à agir, de faciliter les recours en annulation partielle, de limiter les cas d'annulation pour vice de forme, d'encourager la consultation, ou encore de créer un rescrit juridictionnel qui protégerait l'opération et un calendrier de procédure, par lequel le tribunal serait lié par une date d'examen du dossier.

S'agissant du Grand Paris et du Plan logement en Île-de-France, nous poursuivons l'objectif de produire des logements en zone tendue, et, en zone rurale, d'encourager la reconquête des centres bourgs, par la réhabilitation. Nous avons mis en place des outils puissants pour la réhabilitation énergétique des logements en zone rurale, avec une enveloppe de 1,3 milliard et nous en attendons de grands résultats. En Île-de-France, nous voulons encourager les maires bâtisseurs, sachant que 80 % des permis de construire sont déposés par seulement 20 % des communes - ce qui revient à dire que 80 % des communes ne construisent pas assez. Les maires qui ne construisent pas se justifient en disant qu'il n'y a pas de foncier, mais ce n'est pas vrai : les PLU de la région recensent 13 500 hectares de zones constructibles disponibles où rien n'est bâti, à quoi s'ajoutent 7 000 hectares mobilisés par le schéma directeur, au total, c'est trois fois la superficie de Paris hors les bois ! Les parkings de surface représentent à eux seuls 5 000 hectares, à comparer aux 8 500 hectares que représente la capitale. S'agissant de Paris strico sensu, le cabinet Cantal-Dupart a estimé que « les dents creuses » de douze rues de Paris représentaient un potentiel de 466 000 mètres carrés constructibles. Le stock potentiel de constructions en surélévation représente à long terme 2 millions de m² de toits terrasses. Dans la petite couronne, les marges de manoeuvre de densification par rehaussement deviennent gigantesques. Enfin, les berges représenteraient 2 500 hectares constructibles en Île-de-France...

Le foncier est donc disponible pour accélérer la densification. Nous savons, bien sûr, toute la place que peut prendre le foncier public. Il nous faut encore travailler sur un parc locatif plus adapté : en Île-de-France, entre le parc social dont les loyers sont compris entre 5 et 12 euros du mètre carré, et le parc privé, entre 20 et 25 euros, nous manquons de loyers intermédiaires. A Paris, il est devenu très difficile de louer sans gagner au moins 5 000 euros par mois, et 7 000 euros pour acheter : les classes moyennes sont littéralement exclues de la capitale.

Enfin, sur la méthode, les efforts devront porter sur la gouvernance du logement en Île-de-France et sur la mise en place d'outils adaptés.

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