Messieurs les Présidents, messieurs les sénateurs, nous menons un combat juste. Ce combat a une dimension historique mais il permet surtout d'asseoir une véritable politique d'avenir. Jusque là, les régions européennes se partageaient en deux blocs en fonction de l'éligibilité aux objectifs « compétitivité » et « convergence », mais le nombre de régions européennes a beaucoup augmenté et il est difficile de concevoir la même politique de cohésion à 27 États membres qu'à 15 membres. En outre, la crise a beaucoup affecté les vieilles régions industrielles, notamment le Nord-Pas-de-Calais, la Lorraine..., ainsi que les régions qui, comme la Basse-Normandie, dégagent peu de valeur ajoutée dans leurs secteurs de production. Dans ces régions, le taux de chômage est supérieur à celui de la moitié des régions européennes. Cela concerne 50 régions en Europe. En France, seraient susceptibles d'appartenir à la catégorie des « régions intermédiaires » 7 régions métropolitaines, auxquelles il faudrait ajouter la Martinique, voire 9 régions si l'on en croit les dernières statistiques. Ces régions ont en commun de voir leur PIB chuter. Ce sont 17 millions de Français qui sont concernés. Quel est l'enjeu ? Ces régions, si elles continuaient à ne relever que de l'objectif « compétitivité », recevraient 3,3 milliards d'euros ; ce montant serait porté à 5,6 milliards d'euros si une aide spécifique pour les régions intermédiaires était créée.
Le commissaire Johannes Hahn, qui a considéré impossible de rester dans la situation actuelle, est notre allié. Comme Jean-Paul Emorine, je considère que toutes les régions ont le droit de bénéficier des fonds structurels, même l'Île-de-France où le fonds social pour l'emploi doit jouer un rôle important. La création d'une catégorie de régions intermédiaires n'enlèvera rien à chacune des régions françaises, mais viendra soutenir spécifiquement celles qui souffrent le plus. La politique de cohésion est une politique d'avenir qui permet de ne pas laisser à la traîne les wagons de queue. Je me réjouis que le commissaire Barnier soutienne les propositions du commissaire Hahn. Ces propositions honorent un principe fondamental de l'Europe qui est le principe d'équité. Comment comprendre que des Länder allemands qui sortent de l'objectif « convergence » parce qu'ils se sont enrichis soient mieux aidés que celles de nos régions qui relèvent aujourd'hui de l'objectif « compétitivité » mais qui sont en voie d'appauvrissement ? Avocat de profession, je m'interroge même sur ce que dirait la Cour de justice de l'Union européenne si elle était saisie d'une telle situation.
La Basse-Normandie a fédéré les régions françaises susceptibles de rejoindre les « régions intermédiaires ». Les neuf régions métropolitaines déjà évoquées ont reçu le soutien de l'Association des régions de France et du Comité européen des régions, par la voix de son rapporteur Michel Delebarre. D'autres régions sont concernées en Europe : en Belgique, au Royaume-Uni, en Grèce, en Irlande, en Espagne et en Allemagne. Le gouvernement français est visiblement hésitant : la sortie de certaines régions de l'objectif « convergence » devrait dégager environ 40 milliards d'économie pour la politique de cohésion. La question est de savoir si on redistribue cette somme ou si on la soustrait au budget européen de la cohésion. Nous défendons simplement la redistribution interne de ces fonds, sans rien prendre à personne. Moi qui ai été député du bocage normand, je souligne que nous ne retirons rien à la PAC, politique fondatrice de l'Union européenne. La Commission nous fait une proposition : il nous faut la saisir et ce projet a besoin de l'appui des parlementaires français au Parlement européen comme au parlement national. Comme l'a souligné Michel Barnier, l'idée européenne ne peut être à deux vitesses. La Basse-Normandie est donc d'une absolue détermination pour fédérer à présent les régions européennes autour du projet de régions intermédiaires.