Intervention de Laurent Caillot

Mission commune d'information relative à Pôle emploi — Réunion du 10 mai 2011 : 1ère réunion
Audition de Mme Agnès Jeannet inspectrice générale et M. Laurent Caillot inspecteur de l'igas auteurs du rapport « l'accès à l'emploi des jeunes des quartiers prioritaires de la politique de la ville »

Laurent Caillot, inspecteur de l'Igas :

Concernant la contribution que Pôle emploi pourrait apporter pour un meilleur accès des jeunes de ces quartiers à l'emploi, nous souhaitons rappeler, au préalable, que nous avons mené nos investigations dans un contexte difficile pour Pôle emploi, du fait de la fusion et de l'augmentation du chômage. Notre diagnostic et nos préconisations s'en sont donc trouvé nuancés.

La contribution de Pôle emploi semble pouvoir être envisagée sur deux plans. Pôle emploi joue d'abord un rôle en tant que responsable de l'intermédiation sur le marché de l'emploi. De ce point de vue, le récent accord national interprofessionnel (ANI) du 7 avril 2011 sur l'accompagnement des jeunes demandeurs d'emploi, largement partagé entre les partenaires sociaux, nous semble tracer une ligne de partage relativement pragmatique et opérante, en prévoyant d'orienter les jeunes déjà dotés d'un bon niveau d'employabilité vers Pôle emploi, ce qui correspond à sa vocation première, et les jeunes en situation de décrochage, confrontés à des obstacles sociaux ou à un manque de qualification, vers les missions locales dont ils constituent le public naturel depuis les origines de ce réseau, voilà trente ans. Compte tenu de cette orientation prise par les partenaires sociaux et de notre propre analyse, il nous semble que le problème de la contribution de Pôle emploi ne provient pas du caractère incomplet de son offre de services - il dispose en réalité d'une palette variée et graduée de prestations, allant des ateliers de recherche d'emploi au bilan de compétences jusqu'aux méthodes de recrutement par simulation, aux formations conventionnées et aux prestations d'accompagnement intensif sous-traitées à des opérateurs privés - mais plutôt de l'accès à l'offre de services de Pôle emploi à ses cotraitants. Pôle emploi devrait, en premier lieu, mettre à disposition des autres acteurs les offres d'emploi recueillies. Or nous avons constaté une réticence des services de Pôle emploi à partager ces offres, en particulier avec les missions locales.

L'autre contribution que nous pourrions attendre de Pôle emploi en tant qu'opérateur central du service public de l'emploi serait qu'il prenne l'initiative d'une clarification et d'une dynamisation de ses partenariats, pour faciliter le travail d'accompagnement mis à la charge des cotraitants. Nous avons conscience des difficultés internes et externes qui ont pu handicaper Pôle emploi. L'opérateur ne méconnait pas l'importance de nouer des partenariats mais il a sans doute fait passer cette préoccupation au second plan par rapport à sa propre installation. Nous avons été attentifs à la dissymétrie entre les deux réseaux : Pôle emploi, opérateur unique, établissement public, hiérarchisé, très centralisé, sécurisé dans ces financements, à comparer avec un réseau de missions locales hétérogène, d'ancrage local et plus fragile dans ses ressources puisque celles-ci proviennent pour moitié des contributeurs locaux et pour l'autre moitié de l'Etat et de Pôle emploi.

Pour une contribution plus efficace de Pôle emploi à l'accès à l'emploi des jeunes issus des quartiers difficiles, nous pensons que deux conditions doivent être réunies, qui tiennent au mode de fonctionnement de Pôle emploi et au rôle de l'Etat. La première condition consisterait à ce que Pôle emploi déconcentre son organisation et octroie des marges de manoeuvres à ses structures au niveau local afin que les responsables d'agence puissent nouer des partenariats et conclure des conventions sans avoir à obtenir l'accord de leur direction régionale. Le système de pilotage extrêmement descendant qui préside aujourd'hui à l'organisation de Pôle emploi freine, voire verrouille, en effet toutes les initiatives et l'action des services est centrée sur la prescription de mesures et le traitement du flux des demandeurs d'emploi, bien davantage que sur l'apport de solutions territorialisées. La seconde condition de réussite que nous avons identifiée tient au fait que l'Etat doit prendre toute sa part dans ce rôle d'animation régionale de la politique de l'emploi, via le préfet de région qui doit se saisir des conventions annuelles régionales signées avec Pôle emploi, pour garantir que cet opérateur intègre pleinement cette priorité de l'accès à l'emploi des jeunes de ces quartiers dans son action au niveau régional.

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