a tout d'abord précisé la mission qui lui a été confiée par le Premier ministre : celle-ci consiste à élaborer des propositions pour mettre en place un service public de l'orientation rénové et améliorer l'orientation au cours de l'enseignement scolaire et supérieur. Il a souligné qu'à l'heure actuelle, de nombreuses administrations avaient d'ores et déjà pris des initiatives pour faire évoluer la situation, notamment afin d'inciter les jeunes filles à s'orienter davantage vers les carrières scientifiques.
Illustrant par quelques chiffres le constat des inégalités existant entre filles et garçons en matière d'orientation, il a particulièrement insisté sur le problème de l'accès des jeunes filles aux classes préparatoires : bien que les filles représentent 45,5 % des effectifs de la terminale « S », on ne retrouve pas cette proportion dans les classes préparatoires aux grandes écoles et dans les écoles d'ingénieurs, qui sont les débouchés les plus recherchés après le baccalauréat S ; les filles ne sont que 29,2 % dans les classes préparatoires scientifiques et ne représentent que 18,5 % des élèves des écoles d'ingénieurs. Il a précisé qu'au total les femmes ne représentaient que 25 % des ingénieurs diplômés d'une grande école ou d'une université, chaque année.
S'attachant à écarter certaines fausses raisons parfois invoquées pour expliquer cette situation, M. Bernard Thomas a observé que la difficulté des filles à accéder au métier d'ingénieur n'était pas la conséquence de leurs résultats scolaires, qui sont en général meilleurs que ceux des garçons : les filles devancent ainsi largement les garçons pour le taux de réussite au baccalauréat dans toutes les séries, y compris S, en particulier pour la proportion des mentions bien et très bien, qui atteint 22 % pour les filles, contre 16 % pour les garçons au baccalauréat S. Il a ajouté que cette situation n'était pas non plus imputable à la crainte du travail intense, ni des filières sélectives, comme en témoigne l'engouement des filles pour la médecine, où elles réussissent massivement, puisqu'elles constituent 60 % des diplômés chaque année. Il a également indiqué qu'on pouvait constater une quasi-parité dans les écoles de commerce, avec 55 % de femmes dans les classes préparatoires économiques et 49 % de diplômées des écoles de gestion, tandis que les femmes constituent 53 % des docteurs en lettres, mais seulement 34 % des docteurs en sciences.
Il a ensuite évoqué les disparités entre les genres dans les formations de niveau IV et V, les filles représentant, par exemple, 92 % des élèves accédant en classe de première dans la filière de sciences médico-sociales, mais moins de 10 % des élèves entrant en classe de première dans la filière de sciences et technologies industrielles.
Examinant dans un état d'esprit pragmatique les causes de cette situation, M. Bernard Thomas a tout d'abord mis l'accent sur les représentations que se font des métiers et des entreprises les jeunes, leurs parents et, dans une large mesure, les professeurs et les autres acteurs de l'orientation, ainsi que sur les préjugés qui subsistent souvent. Il a estimé que ces représentations sociales et culturelles étaient largement dues à une information insuffisante sur la réalité de l'emploi, des métiers et de l'économie. Il a cependant noté que jusqu'à présent les actions conduites n'avaient pas obtenu les résultats espérés.
a ensuite insisté sur deux autres conséquences des préjugés et d'une orientation défaillante, en mentionnant tout d'abord le déficit de femmes qui se destinent à la recherche, aux métiers scientifiques et aux métiers de l'industrie et du bâtiment, les filles représentant moins de 30 % des effectifs des filières des sciences fondamentales et appliquées des universités. Puis il a souligné la faiblesse de la présence des femmes au sommet de la hiérarchie, en citant une brochure récente de l'Office national d'information sur les enseignements et les professions (ONISEP), intitulée : « Au lycée, préparer l'avenir », à destination des professeurs et des conseillers d'orientation, aux termes de laquelle : « si les femmes représentent aujourd'hui 45 % de la population active, elles sont moins nombreuses à accéder aux plus hautes strates des hiérarchies professionnelles. Dans les entreprises du secteur privé, les femmes représentent 24 % de l'encadrement (soit 1,7 million de femmes) (...). Dans la fonction publique, les femmes sont majoritaires (55 %), mais encore peu présentes dans les emplois de direction (14 % en 2000 pour l'ensemble des emplois de direction et d'inspection, 11 % pour les emplois laissés à la décision du gouvernement)».
S'agissant des pistes de rééquilibrage, M. Bernard Thomas a évoqué tout d'abord la mise en place de « parcours de découverte des métiers » tout au long de la scolarité, et ensuite le développement des contrats d'objectifs conclus entre les collèges ou les lycées et le rectorat avec la fixation d'obligations de moyens, voire de résultats en matière d'information sur les métiers et sur l'emploi. Il a estimé envisageable de fixer des objectifs chiffrés pour que les jeunes filles accèdent en plus grand nombre aux classes préparatoires scientifiques.
Il a également souligné la responsabilité incombant aux enseignants dans ce domaine, car la mission des professeurs consiste aussi à faire connaître aux élèves et aux étudiants le monde du travail et l'entreprise, tout en les aidant à s'orienter dans leur formation et leurs perspectives professionnelles, ainsi que le précise d'ailleurs le « cahier des charges de la formation des maîtres » rédigé en application de la loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école du 23 avril 2005.
Puis M. Bernard Thomas a présenté un certain nombre d'actions ciblées, sous la forme de campagnes d'information, dans certains secteurs professionnels rattachés aux sciences en général et aux sciences de la vie en particulier, les filles montrant un intérêt particulier pour ce dernier secteur où la France a pris du retard. Il a jugé pertinent de conduire une action renforcée, dans les quartiers en difficulté des zones urbaines sensibles (ZUS), en direction des jeunes filles issues de l'immigration, qui sont, plus que les autres encore, victimes des préjugés évoqués ci-dessus.
Abordant la question de l'opportunité de la fixation de quotas et se disant alarmé de la gravité d'une situation qui perdure, il s'est demandé, en raison de l'importance de l'enjeu et compte tenu de la lenteur des évolutions, s'il ne pourrait pas être envisagé, dans des domaines choisis et pour une durée déterminée, de réserver des places aux femmes, par exemple pour l'accès aux classes préparatoires scientifiques et aux concours des grandes écoles.
Un débat s'est ensuite instauré.