a tout d'abord rappelé que la société Alcatel Alenia Space résultait de la fusion, en 2005, d'Alcatel Space, filiale à 100 % d'Alcatel, et d'Alenia Spazio, filiale à 100 % de l'industriel de défense italien Finmeccanica. Alcatel Alenia Space, détenue à 67 % par Alcatel et à 33 % par Finmeccanica, concentre son activité sur les satellites et les segments sol associés. Les deux groupes ont également créé la société Telespazio, spécialisée dans la fourniture de service et contrôlée à 33 % par Alcatel et à 67 % par Finmeccanica. Enfin, au cours de l'année 2006, Alcatel a décidé de transférer ses parts dans Alcatel Alenia Space et dans Telespazio à Thales. L'accord entre Alcatel et Thales, finalisé en décembre dernier, doit désormais recevoir l'aval de la Commission européenne dans le cadre des procédures habituelles en matière de concurrence. La décision de la Commission européenne devrait être rendue officielle en avril 2007.
a indiqué qu'Alcatel Alenia Space était partie prenante à tous les grands programmes spatiaux européens, qu'ils soient civils ou militaires. Elle a souligné à cet égard que les seuls programmes spatiaux véritablement européens se limitaient au domaine civil, sous l'égide de l'Agence spatiale européenne, alors que dans le domaine militaire, on constate plutôt une juxtaposition de programmes nationaux, en matière de télécommunications comme d'observation. En dépit d'une certaine mobilisation, beaucoup de progrès restent à faire pour aller vers une Europe de la défense dans le domaine spatial.
a précisé que les activités d'Alcatel Alenia Space concernaient pour 96 % la réalisation de satellites et pour 4 % seulement les activités liées aux infrastructures et au transport spatial. Les satellites de télécommunications représentent à eux seuls 51 % de l'activité, Alcatel Alenia Space détenant 20 % des parts de marché mondial des satellites commerciaux de télécommunications. Les prises de commandes l'ont placée en 2006 au 1er rang européen et mondial pour les activités satellites. La société compte 7 200 salariés répartis sur 11 sites industriels, la France représentant dans cet ensemble 4 500 salariés répartis sur 3 sites.
a estimé qu'Alcatel Alenia Space détenait des compétences uniques en Europe et mondialement reconnues, mais que sur le marché international, la société était pénalisée pour le financement de la recherche et du développement, garantie de l'avenir, par la parité défavorable de l'euro par rapport au dollar, et par le fait que les industriels américains bénéficient de forts soutiens publics pour leur politique de recherche et développement. Ainsi, malgré les importants succès commerciaux enregistrés en 2006, les fonds qu'Alcatel Alenia Space parvient à dégager sur ses marges pour les affecter à la recherche-développement sont sans commune mesure avec ceux, beaucoup plus importants, dont disposent ses concurrents américains grâce aux programmes financés par le gouvernement fédéral. Dans les domaines où l'Europe a investi, à travers l'Agence spatiale européenne, les agences spatiales nationales ou les ministères de la défense, l'industrie spatiale européenne possède un très haut niveau technologique. L'Europe est en revanche absente de plusieurs domaines d'application des technologies spatiales qui sont totalement dominés par les Etats-Unis.
a ensuite évoqué les politiques spatiales mises en oeuvre aux Etats-Unis, en Chine et au Japon.
La nouvelle politique spatiale américaine rendue publique en juillet 2006 confirme les ambitions très élevées des Etats-Unis en la matière, avec une focalisation sur les applications militaires. Les Etats-Unis revendiquent une totale liberté d'action dans l'espace et attribuent à l'espace une fonction essentielle de maîtrise de l'information sur le champ de bataille. La dépense annuelle dans le domaine spatial est de 100 euros pour le citoyen américain, quand elle n'est que de 15 euros pour le citoyen européen, la disproportion étant encore plus forte si l'on considère le seul domaine spatial militaire. Les Etats-Unis y consacrent 22 milliards de dollars quand l'Europe ne dépense qu'un milliard d'euros, ce qui démontre la focalisation européenne sur l'espace civil.
La Chine est une puissance spatiale depuis les années 1970 et arrive désormais sur le marché des satellites commerciaux. Elle se mobilise sur tous les segments du secteur (lanceurs, satellites, vols habités...). Le tir d'un missile balistique antisatellite le 11 janvier dernier, confirmé par le Pentagone, pose à nouveau la question de la militarisation de l'espace. Il peut faire l'objet d'une double interprétation. Du point de vue américain, il s'agirait d'une confirmation des ambitions chinoises dans le domaine de la défense. Cette interprétation d'une Chine n'acceptant aucune contrainte permettrait aux Etats-Unis de justifier les embargos sur les entreprises du secteur. L'autre interprétation voit dans ce tir une mise en garde de la Chine vis-à-vis des Etats-Unis qui ont refusé au cours des dernières années, malgré les demandes de Pékin, de s'engager à se limiter à une utilisation non offensive de l'espace.
Le Japon dispose quant à lui du deuxième budget mondial pour les activités spatiales civiles après les Etats-Unis et il envisage de lever les restrictions qui limitaient jusqu'à présent ses activités spatiales aux domaines non militaires afin de permettre une utilisation à des fins de défense non offensive (sécurité, surveillance, alerte...).
Pour ces puissances spatiales, l'espace apparaît bien comme un outil de souveraineté. Telle est également l'approche de la France, alors que d'autres pays européens n'ont visiblement pas la même perception des enjeux stratégiques de l'espace, notamment en ce qui concerne les applications militaires. Pour la France, qui a réalisé des investissements très lourds dans le domaine des lanceurs, il est important de montrer que les enjeux de souveraineté s'appliquent non seulement à l'accès indépendant à l'espace, mais encore à l'utilisation de l'espace, à travers les capacités duales offertes par les satellites. Mme Pascale Sourisse a regretté que, dans un contexte budgétaire difficile, les investissements se soient majoritairement portés sur les lanceurs et le fonctionnement de la base de Kourou au détriment des moyens très insuffisants consacrés aux applications satellites.
a ensuite évoqué les différents programmes spatiaux intéressant la défense et la sécurité dans lesquels Alcatel Alenia Space était impliquée : pour les télécommunications spatiales militaires, les programmes français Syracuse, italien Sicral et allemand Satcom BW ; pour l'observation et le renseignement, le programmes de satellites radar italien Cosmo-Skymed et allemand Sar-Lupe, l'instrument haute résolution du satellite français Helios et le démonstrateur d'alerte Spirale ; pour la navigation, le programme Galileo et la première capacité offerte par Egnos.
Puis elle a insisté sur les trois défis à très court terme qui, à ses yeux, se présentent à la politique spatiale française dans le domaine de la défense.
Le premier défi vise à répondre au besoin confirmé, dès 2010, de capacités supplémentaires en matière de télécommunications, en complément de celles offertes par les deux satellites Syracuse III. Des besoins analogues apparaissant également à la même échéance en Italie, Mme Pascale Sourisse a souligné l'intérêt d'une solution franco-italienne qui constituerait le premier programme en coopération européenne dans le domaine des télécommunications spatiales militaires. Sur la base des compétences détenues par Alcatel Alenia Space, un satellite Sicral 2 pourrait ainsi être développé par les deux pays. Une entrée en service fin 2010 impliquerait un lancement du programme dès 2007.
Le deuxième défi vise à garantir la continuité du service en matière d'observation spatiale après 2014, lorsque le système Helios II arrivera en fin de vie. Mme Pascale Sourisse a estimé qu'il fallait impérativement lancer dès cette année les premiers développements technologiques avec les pays partenaires du programme FCOS (future capacité d'observation spatiale). Elle a plaidé pour un schéma industriel valorisant les investissements déjà réalisés dans le cadre du programme Helios pour lequel EADS Astrium avait réalisé la plate-forme et Alcatel Space l'instrument haute résolution. Elle s'est inquiétée des risques d'une compétition destructrice entre les deux industriels européens, plaidant au contraire pour une répartition des tâches s'appuyant sur les compétences déjà développées par chaque partenaire.
Enfin, le troisième défi concerne le domaine du renseignement d'origine électro-magnétique, pour lequel le ministère de la défense a affirmé un besoin opérationnel pérenne, qui nécessiterait d'aller au-delà du stade des simples démonstrateurs. Mme Pascale Sourisse a estimé qu'une coopération européenne était envisageable sur un futur satellite d'écoute. Elle a également souligné qu'Alcatel Alenia Space pourrait bénéficier dans ce domaine des compétences de son nouvel actionnaire Thales dans les systèmes de renseignement.
En conclusion, Mme Pascale Sourisse a évoqué les prochaines échéances décisives pour l'avenir des activités spatiales françaises, notamment la future loi de programmation militaire, la définition en mai prochain par le Conseil des ministres de l'Union européenne d'une politique spatiale européenne et le prochain conseil interministériel de l'Agence spatiale européenne prévu en 2008.
Elle a estimé que la France avait toujours joué un rôle moteur en Europe dans le domaine spatial et qu'elle devait demeurer très mobilisée, car il lui incombera sans doute encore de prendre l'initiative. Elle a jugé indispensable que les autres pays européens reconnaissent pleinement le caractère dual des applications spatiales permettant ainsi d'investir dans des programmes intéressant la sécurité. Elle a plaidé pour une approche pragmatique privilégiant la coopération entre les pays européens les plus motivés.