Après avoir indiqué à titre introductif que les bouleversements formels induits par la loi organique sur les lois de finances rendaient parfois complexes l'identification et la comparaison de certaines masses financières autrefois singularisées, M. Jean-Marc Pastor, rapporteur pour avis, a d'abord exposé le volet « développement rural » du projet de loi de finances. Après en avoir mentionné les aspects positifs, tels que la revalorisation de 5 % de l'enveloppe affectée à la prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes (PMTVA) où l'effort substantiel est réalisé pour le secteur forestier, en particulier à travers l'augmentation de 45 % des crédits affectés à la modernisation de la filière bois, il a énuméré certaines évolutions lui semblant inquiétantes :
- si les ICHN, permettant de maintenir les activités d'élevage dans des zones où les conditions de production sont particulièrement défavorables, telles que la montagne, sont revalorisées, cela ne permettra pas d'atteindre l'objectif consistant à porter à 50 % d'ici à 2007 le différentiel d'indemnisation des 25 premiers hectares par rapport aux hectares suivants, auquel s'était engagé le précédent ministre de l'agriculture ;
- les 118 millions d'euros mobilisés pour la PHAE, dispositif soutenant les productions extensives sur l'ensemble du territoire, financeront pour l'essentiel des contrats territoriaux d'exploitation (CTE) arrivant à expiration. Seuls 17 millions d'euros sont ouverts au titre des nouveaux contrats 2007, ce qui paraît très largement insuffisant au regard des attentes ;
- de la même façon, les 78,3 millions d'euros prévus pour les CAD permettront de gérer les stocks, mais pas de financer de nouveaux contrats ;
- les 12 millions d'euros d'autorisations d'engagement pour la mesure rotationnelle représentent une simple reconduction du budget des précédentes années. Cette enveloppe ne permettra pas d'étendre ce dispositif de diversification de l'assolement au-delà des neuf régions en bénéficiant aujourd'hui, contrairement à ce à quoi l'Etat s'était engagé.
Abordant ensuite la nouvelle programmation de développement rural pour 2007-2013, il a d'abord souhaité faire le point sur celle l'ayant précédée, au cours de la période 2000-2006. Rappelant que la mise en place d'un deuxième pilier de la PAC constituait, au début des années 2000, une innovation majeure, et que l'enveloppe sécurisée jusqu'en 2006 s'élevait à 6,4 milliards d'euros, il a précisé les trois axes poursuivis par cette politique -le développement d'une agriculture durable, le maintien des populations sur les territoires ruraux et la préservation de l'environnement-, ajoutant qu'ils avaient été structurés par quatre grands principes -la prise en compte de la multifonctionnalité, une démarche multisectorielle, la décentralisation des lieux de décision et la simplification des procédures. Estimant qu'il serait intéressant d'obtenir un bilan de la mise en oeuvre de ces principes directeurs, et plus spécialement du dernier, il a rappelé que la programmation de développement rural 2000-2006 avait bénéficié du financement de quatre fonds européens -Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (Feoga), section orientation ; Fonds européen de développement régional (FEDER) ; Fonds social européen (FSE) et Instrument financier d'orientation de la pêche (IFOP)- et donné lieu à deux procédures de mise en oeuvre administrative dans chaque Etat membre -au niveau national, la définition d'un plan de développement rural national (PDRN), et au niveau régional, l'élaboration des documents uniques de programmation (DOCUP).
Indiquant que la création l'année dernière du Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) marquait une importante inflexion dans la politique communautaire de développement rural pour la période 2007-2013, en simplifiant les procédures et en regroupant les sources de financement tout en conservant les mêmes principes d'organisation, il a ajouté que la France, comme les autres pays membres, avait mis au point un plan de développement rural qu'elle avait transmis à la Commission européenne au mois de mars de cette année. Soulignant que notre pays éprouvait régulièrement des difficultés à utiliser entièrement et opportunément les financements européens, il a regretté que les acteurs socioprofessionnels concernés par ce programme n'aient pas été davantage consultés lors de son élaboration et que le Parlement n'ait pas été en mesure d'en discuter.
Précisant qu'étaient distingués deux niveaux de programmation -l'un dit « hexagonal », les autres relatifs aux départements d'outre-mer et à la Corse- et trois axes d'action -le renforcement de la compétitivité des secteurs agricole et forestier, la préservation de l'environnement et de l'espace rural, ainsi que l'amélioration de la qualité de la vie en milieu rural et la diversification de l'économie rurale-, il s'est inquiété de ce que l'enveloppe octroyée à la France pour la période 2007-2013, soit 6 milliards d'euros, soit inférieure à la totalité des crédits consommés par notre pays durant la période précédente, soit 6,4 milliards d'euros. Faisant état de l'engagement du Gouvernement à compenser le différentiel en mobilisant des financements nationaux, il s'est dit sceptique à cet égard, relevant que le projet de loi de finances pour 2007 ne semblait pas comporter de tels abondements.
Il a ensuite souhaité évoquer les conclusions qu'il retirait de la mission sur l'utilisation des financements européens que lui avait confiée le ministre de l'agriculture et de la pêche, M. Dominique Bussereau, auquel le rapport avait été remis il y a trois semaines. Indiquant avoir étudié les systèmes en vigueur dans cinq pays -Ecosse, Finlande, Allemagne, Autriche et Espagne-, il a insisté sur les enseignements retirés de l'étude de ces deux derniers Etats membres.
S'agissant de l'Autriche, il a concentré son propos sur trois points :
- l'importance des groupes d'action locale (GAL) dans l'élaboration des programmes des Länder, marquée par une recherche approfondie du consensus et une réelle volonté de parler d'une seule voix ;
- la mise en oeuvre de plans de fabrication d'huile végétale, vendue dans les stations service à des prix attractifs, permettant au monde agricole, structuré en exploitations d'une vingtaine à une trentaine d'hectares, de bénéficier d'une forte visibilité vis-à-vis de la société ;
- un système de répartition des médecins ruraux qui, en réservant le remboursement des frais de santé aux seules consultations de professionnels accrédités par les caisses d'assurance selon un zonage déterminé, permet d'éviter les zones blanches médicales.
Quant à l'Espagne, il a insisté sur les trois points suivants :
- l'importance, comme en Autriche, de l'intervention des acteurs locaux dans la mise au point des programmes locaux, donnant lieu à une forte implication de la population dans les questions européennes ;
- l'existence de coopératives rurales, fort différentes de celles que nous connaissons, gérant des services de proximité très divers (production et transformation agricoles, mais aussi crèche ou banque rurale) ;
- une prise de relais des instances communautaires par les pouvoirs publics lorsque les financements européens tardent à être octroyés, là où de nombreuses personnes renoncent en France à élaborer des dossiers de financement du fait de la longueur, de la complexité ou de l'incertitude des procédures.
Pour conclure, il a proposé, à titre personnel, de voter contre l'adoption des crédits de la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales ».