Intervention de Christian Charpy

Mission commune d'information relative à Pôle emploi — Réunion du 1er mars 2011 : 1ère réunion
Audition de M. Christian Charpy directeur général de pôle emploi

Christian Charpy, directeur général de Pôle emploi :

Certes. On peut aussi mettre à part les licenciés économiques. Mais un cadre licencié aura-t-il plus de difficulté à retrouver un emploi qu'une femme qui souhaite reprendre du travail après avoir élevé ses enfants pendant dix ans ? Est-il légitime que l'un bénéficie d'un soutien renforcé, l'autre non ? Nous souhaitons nous inspirer en ce domaine des pratiques des opérateurs étrangers.

L'efficacité de Pôle emploi est difficile à apprécier. On connaît le nombre d'offres d'emploi collectées - 3 millions en 2010 - et on sait que 85 % de ces offres d'emploi ont été satisfaites, dont 60 % grâce à un placement effectué par Pôle emploi. Mais il est plus malaisé d'évaluer le taux de retour à l'emploi. Chaque mois, 500 000 chômeurs sortent des listes de Pôle emploi ; pour 200 000 d'entre eux, c'est en raison d'un défaut d'actualisation de leur dossier ; pour 45 000 personnes, c'est à la suite d'une radiation administrative, motivée, dans 95 % des cas, par le défaut de recherche d'emploi et l'absence répétée aux entretiens. On compte un peu plus de 100 000 reprises d'emploi déclarées. Mais il ressort de l'enquête réalisée, tous les trois mois, avec la Dares que parmi les chômeurs exclus des listes pour défaut d'actualisation ou à la suite d'une radiation administrative, plus de la moitié ont retrouvé du travail et qu'ils ont négligé, pour cette raison, d'actualiser leur dossier ou de se rendre à leur entretien. Quant à l'impact de Pôle emploi dans la reprise du travail, il est difficile de l'évaluer. Une étude de 2008, portant sur trois cohortes de demandeurs d'emploi aux caractéristiques semblables, a montré que ceux qui bénéficiaient d'un suivi renforcé assuré par l'ANPE avaient plus de chances de retrouver du travail que ceux qui faisaient l'objet d'un suivi classique - l'écart constaté était de dix points ; le suivi renforcé de l'ANPE donnait également de meilleurs résultats que le suivi effectué par un opérateur privé. Au Royaume-Uni et en Allemagne, les évaluations de l'efficacité du service public de l'emploi sont beaucoup plus précises.

Les missions locales sont financées conjointement par l'Etat, les collectivités territoriales et Pôle emploi. Je ne suis pas hostile à une simplification, mais il ne faudrait pas que l'Etat se défausse sur Pôle emploi sans lui accorder de moyens supplémentaires. Je suis un peu échaudé par le transfert du personnel de l'Afpa, qui ne s'est pas accompagné du transfert des ressources correspondantes.

Pôle emploi devrait-il embaucher davantage ? Il est vrai que le chômage ne baisse encore qu'irrégulièrement. Mais outre les contraintes budgétaires de l'Etat, la suppression de 1 800 postes peut se justifier. Tout d'abord, sur 1 500 CDD supprimés, 600 étaient affectés à la gestion des contrats de transition professionnelle (CTP) et des conventions de reclassement personnalisé (CRP) ; or ces dispositifs sont moins nombreux qu'il y a quelques mois. Il faut aussi tenir compte du transfert du recouvrement aux Urssaf ; sur les mille salariés concernés, trois cents resteront affectés à des tâches de recouvrement qui vont demeurer du ressort de Pôle emploi - par exemple pour les intermittents du spectacle - et les autres seront redéployés vers les activités classiques du réseau.

Pôle emploi est-il exemplaire dans la gestion de son personnel ? Il est vrai que nous avons parfois gardé des salariés trop longtemps en contrat aidé, au lieu de les réorienter vers un emploi pérenne. J'ai nommé une dizaine de conseillers interrégionaux chargés de l'accompagnement des salariés en contrat aidé pour les aider à trouver un emploi à l'extérieur - car nous ne pourrons pas tous les garder.

Quant aux voies de recours, outre le médiateur, nous disposons de correspondants régionaux et d'un système de gestion des réclamations ; je reçois moi-même beaucoup de messages électroniques. L'ancien médiateur a rendu un rapport très intéressant, où il formulait quatre propositions relatives à l'assurance-chômage, que j'ai transmises aux partenaires sociaux, et deux propositions portant spécifiquement sur Pôle emploi. L'une concernait les courriers : j'y travaille avec la direction de la communication, et de nouveaux courriers-types entreront en vigueur le 1er avril. L'autre portait sur les interruptions de versement de prestations en cas de fraude présumée. Le problème est le suivant : si l'on applique strictement la présomption d'innocence, on continue à verser les prestations, au risque d'accumuler les indus qui ne pourront jamais être récupérés ; mais si l'on interrompt immédiatement le versement, la procédure peut prendre plusieurs mois avant qu'il soit repris, si la fraude n'est pas avérée. J'ai donc défini le principe suivant : en cas de forte présomption de fraude, le versement des prestations est suspendu pendant quarante-cinq jours au maximum ; au-delà, si nous ne disposons pas d'éléments suffisants pour porter plainte, nous reprenons le versement. M. Benoît Genuini a démissionné trois semaines après avoir remis son rapport, mais comment, en un temps si court, aurais-je pu mettre en oeuvre des propositions aussi complexes ? Son remplaçant, M. Jean-Louis Walter, est un homme très pondéré.

Le 39.49 reçoit 500 000 appels par jour, dont les deux tiers transitent par un service vocal interactif, un tiers par un opérateur, le taux d'aboutement étant de 83 % ou 84 %. Ces chiffres sont considérables, et la gestion est d'autant plus difficile que l'on connaît des pics d'appels au cours de la semaine. L'appel est obligatoire pour s'inscrire à Pôle emploi, car seul le 39.49 permet d'accéder à l'agenda de l'ensemble des agents. Mais j'ai demandé que si quelqu'un se présente directement dans une agence pour s'inscrire, on l'aide à réaliser sa préinscription sur internet. J'ai exigé qu'on ne renvoie jamais les personnes venues à l'agence sans rendez-vous vers le téléphone, comme ce pouvait être le cas autrefois - c'était souvent un agent installé dans le bureau d'à côté qui répondait... Nous avons également mis en place un accueil « coordination » pour les questions simples, et, pour les questions complexes mais urgentes, un accueil « relation clients ».

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