Puis la commission a procédé à l'audition de M. Etienne Apaire, président de la mission interministérielle de lutte contre les drogues et la toxicomanie (MILDT).
a observé qu'au cours des quinze dernières années, quel que soit le gouvernement, la lutte contre la consommation de drogue avait privilégié une approche sanitaire dirigée principalement contre les consommations abusives révélatrices d'une addiction, les consommations occasionnelles étant considérées comme moins graves.
Il a estimé que le bilan de cette stratégie démontrait ses insuffisances et son échec. Il a ainsi souligné que la France figurait parmi les plus gros consommateurs de cannabis, en particulier pour les moins de dix-sept ans -seuls les jeunes espagnols et tchèques en consommant plus- et que la consommation de cocaïne et de drogues de synthèse avait été multipliée par deux depuis 2002. En revanche, concernant l'héroïne, il a indiqué que 100.000 personnes étaient désormais sous produits de substitution et que la consommation était stabilisée.
A propos des drogues licites, s'il a jugé que des résultats encourageants avaient été enregistrés contre le tabagisme, en revanche, il a déploré le bilan en matière d'alcool. Il a indiqué que quatre millions de personnes avaient une consommation excessive supérieure à quatre verres d'alcool par jour. Il a également souligné l'évolution des modes de consommation avec la diminution chez les jeunes d'une consommation traditionnelle, dite « conviviale », au profit d'une consommation de « défonce » dont le seul but était de parvenir le plus rapidement possible à une ivresse très élevée. Il a relevé que cette tendance provenait des pays de l'Europe du nord.
a jugé que la distinction entre les drogues licites et illicites n'était pas le seul critère pertinent pour définir les priorités de la lutte contre les drogues. Il a notamment considéré que l'impact sur l'ordre public était une donnée essentielle et qu'à cet égard, l'alcool posait de très grandes difficultés et représentait un coût énorme pour la société. En outre, il a attiré l'attention sur le développement de la polytoxicomanie, notamment la consommation simultanée d'alcool et d'autres substances, laquelle tendrait à brouiller la frontière entre drogues licites et illicites. Il a indiqué que l'absorption concomitante d'alcool et d'autres drogues était à l'origine de près de 20 % des accidents du travail.
Après plus de quinze années d'une stratégie ciblée sur les consommations abusives, il a déclaré que l'adoption de la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance avait constitué une rupture importante marquée par le souci que chaque infraction constatée en matière d'usage de stupéfiants reçoive une réponse pénale ferme et adaptée.
Il a ainsi rappelé que la loi du 5 mars 2007 :
- avait élargi la possibilité de prononcer une injonction thérapeutique rénovée à tous les stades de la procédure, y compris à l'égard des mineurs ;
- permettait de prononcer une mesure d'injonction thérapeutique dans le cadre d'une composition pénale, désormais ouverte aux mineurs de plus de treize ans, en cas d'usage de stupéfiants ou de consommation habituelle et excessive de produits alcooliques ;
- avait étendu le champ d'application de la procédure de l'ordonnance pénale à l'usage de stupéfiant ;
- avait érigé en une circonstance aggravante le fait de commettre certaines infractions en état d'ivresse manifeste ou sous l'emprise manifeste de produits stupéfiants ;
- avait introduit à titre de peine complémentaire l'obligation d'accomplir un stage de sensibilisation aux dangers de l'usage de produits stupéfiants.
Concernant ces stages, M. Etienne Apaire a précisé qu'ils se mettaient progressivement en place et qu'ils seraient à la charge de la personne condamnée. Il a indiqué que sur 100.000 personnes actuellement interpellées chaque année pour usage de stupéfiants, 80.000 faisaient l'objet d'un simple rappel à la loi ou d'une admonestation. Ces personnes seraient désormais condamnées à accomplir ce stage de sensibilisation d'un coût estimé à 250 euros. Il a relativisé ce coût relativement élevé en le comparant avec les dépenses mensuelles moyennes d'un consommateur de cannabis et/ou de tabac comprises entre 80 et 160 euros.
Il a ensuite annoncé la présentation d'un plan gouvernemental à la fin du premier semestre 2008, ce plan devant s'inscrire dans la perspective d'une stratégie européenne de lutte contre les drogues.
Il a indiqué que ce plan serait en particulier axé sur la réaffirmation de la prohibition de toute consommation de stupéfiants. Il a estimé que chaque adulte devrait faire respecter l'interdit. Il a constaté que de nombreux parents avaient abandonné ce rôle, certains pensant même que la consommation de cannabis était désormais autorisée. Il a enfin déclaré que beaucoup d'adultes commettaient l'erreur de considérer la consommation de drogues comme une simple passade de jeunesse, alors que les études scientifiques démontrent qu'une addiction est d'autant plus forte et durable que la première consommation est précoce.
a ensuite expliqué que dans la lutte contre les stupéfiants la France devait faire face à plusieurs attaques extérieures.
Il a ainsi indiqué que notre pays devait se préparer à affronter un « tsunami de cocaïne », rappelant que d'ores et déjà la consommation de ce stupéfiant avait été multipliée par deux depuis 2002. Il a précisé que les cartels sud-américains considéraient l'Europe comme un nouveau marché à conquérir en raison de la stagnation, voire de la diminution, de la consommation aux Etats-Unis et du cours élevé de l'euro par rapport au dollar. Il a expliqué que l'essor de la cocaïne en France et en Europe était d'autant plus rapide que les réseaux de distribution étaient ceux du cannabis. Il a en outre ajouté que cette drogue et ses dérivés, comme le crack, risquaient de provoquer, dans certains quartiers difficiles aujourd'hui épargnés, des problèmes majeurs d'ordre public, en raison des propriétés excitantes de ces substances à l'inverse du cannabis.
Concernant l'héroïne, bien que l'Europe soit jusqu'à présent épargnée, il a observé que la production record de pavot en Afghanistan constituait un danger potentiel à moyen terme.
a conclu en soulignant la nécessité de mutualiser la lutte contre la drogue, la France ne pouvant seule faire face au défi.