Puis la commission a procédé à l'audition de M. Alain Bauer, président du conseil d'orientation de l'observatoire national de la délinquance (OND).
Rappelant que l'Observatoire national de la délinquance avait été imaginé à la suite des travaux parlementaires de MM. Christophe Caresche et Robert Pandraud en juin 2002, M. Alain Bauer, président du conseil d'orientation de l'observatoire national de la délinquance, a indiqué que sa création effective avait eu lieu sous le gouvernement suivant, traduisant ainsi la préoccupation partagée de disposer de données fiables en matière de délinquance.
Il a souligné que la situation prévalant avant sa création n'était pas satisfaisante, l'autorité chargée de produire, diffuser et commenter les statistiques étant celle chargée de lutter contre la délinquance.
Estimant que l'examen des seuls chiffres globaux de la délinquance était insuffisant pour en saisir la réalité, il a souligné que les enquêtes de victimation développées par l'observatoire permettaient dorénavant de comparer les crimes ou délits que les victimes subissaient et la manière dont elles ressentaient ces agressions par rapport aux faits constatés par les forces de l'ordre dans l'état 4001.
A cet égard, il a rendu hommage à M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur en 1999, qui avait initié à cette époque la première enquête de victimation. Il s'est félicité de ce que ces enquêtes soient devenues régulières depuis 2003 et n'aient cessé de se perfectionner. Il a en particulier indiqué que l'enquête menée en 2007 était la plus grande enquête statistique conduite en France après celle du recensement. Il a précisé que ces enquêtes se déroulaient en face à face, ce qui permettait en particulier de sonder les violences intrafamiliales.
Indiquant que les enquêtes de victimation avaient porté pour la première fois en 2007 sur les atteintes physiques aux personnes, il a déclaré que les violences intrafamiliales constituaient à l'heure actuelle la première catégorie de violences constatées.
a expliqué que dans un premier temps l'OND avait accompli un travail d'analyse des statistiques issues de l'activité des forces de l'ordre afin en particulier de leur rendre une cohérence et une lisibilité. Ainsi, à propos des violences aux personnes, il a observé que l'état 4001 ne comportait pas un indicateur de ces violences, les vols avec violence étant par exemple comptabilisés dans les atteintes aux biens et les non-paiements de pensions alimentaires dans les atteintes aux personnes. Il a indiqué que cette situation avait conduit l'OND à créer son propre outil de mesure des violences aux personnes.
Constatant que les incertitudes sur la fiabilité des statistiques résultaient notamment de certaines pratiques des services de police et de gendarmerie, il a indiqué que la collecte des statistiques de la délinquance par ces derniers obéissait à un phénomène de « tas de sable », selon lequel pendant la première année de service, le responsable prenant ses fonctions devait apurer le tas de sable des statistiques laissé par son prédécesseur, pendant la deuxième année, les statistiques collectées étaient à peu près fiables, et pendant la troisième année, le responsable, soucieux de quitter le service en obtenant une promotion, avait tendance à reporter l'enregistrement des actes de délinquance portés à sa connaissance pour montrer une amélioration de ses résultats.
Toutefois, il a estimé que la récurrence de ces discordances statistiques n'aboutissait pas pour autant à masquer les grandes tendances de l'évolution de la délinquance sur le long terme. Il a ajouté qu'en matière de délinquance, les chiffres mensuels ou annuels étaient rarement significatifs en eux-mêmes, seules, les tendances à moyen et long terme étant véritablement intéressantes.
a précisé que l'examen des mains courantes informatisées dans les commissariats, qui recensent des faits ne donnant pas lieu à dépôt de plainte, avait permis à l'observatoire de prendre connaissance d'environ 1 million d'actes de délinquance supplémentaires et de constater l'importance des violences intrafamiliales ou de l'alcoolisme sur la voie publique.
Il a ajouté que l'observatoire avait également recueilli des informations auprès des organisations professionnelles afin de collecter les données relatives aux violences sur les arbitres, sur les sapeurs-pompiers ou encore sur les personnels hospitaliers.
Estimant que les tendances relevées par l'observatoire, issues de la comparaison entre ces statistiques et les enquêtes de victimation étaient plutôt fiables, il a noté que les atteintes aux biens étaient en diminution et que les atteintes aux personnes se stabilisaient à un niveau élevé.
Il a déclaré que le principal chantier en cours à l'OND portait sur la notion d'élucidation des crimes et des délits, cette notion étant abusivement assimilée à un indicateur de l'efficacité des services. Il a indiqué que le taux d'élucidation n'était pas un taux de succès.
a expliqué que le taux d'élucidation serait désormais analysé par catégorie d'infractions et qu'il serait subdivisé en taux d'identification, taux d'interpellation et taux de déferrement.
A plus longue échéance, il a indiqué espérer la mise en oeuvre de connexions entre les données statistiques des ministères de l'intérieur et de la justice de manière à reconstituer la continuité statistique de la chaîne pénale. Toutefois, il a fait observer que les statistiques du ministère de la justice étaient peu fiables et qu'un travail similaire à celui entrepris sur les statistiques de la police et de la gendarmerie restait à mener sur les statistiques de la justice. Il a déclaré que l'OND était prête à accomplir ce travail si on le lui demandait.
Concernant le taux d'élucidation, il a indiqué, d'une part, que pour des infractions ne nécessitant pas le dépôt de plainte, le constat de l'infraction allait de pair avec son élucidation et que le taux d'élucidation pouvait ainsi être de 100%, et, d'autre part, que l'observatoire avait même relevé des anomalies dans les statistiques de la gendarmerie nationale où les taux étaient parfois supérieurs à 100%.
Rappelant que les enquêtes de victimation actuelles ne concernaient que des personnes âgées de quinze ans et plus, il a affirmé que l'observatoire tentait de mettre en place une enquête nationale de victimation scolaire en concertation avec le ministère de l'éducation nationale, afin de répondre aux inquiétudes des personnels enseignants craignant que cette procédure ne soit à l'origine d'une stigmatisation des établissements visés par cette enquête.
Il a également indiqué que l'observatoire menait actuellement une analyse de la collecte statistique des faits de délinquance à la préfecture de police de Paris. Il a déclaré qu'entre un quart et un tiers des transcriptions des mains courantes sur document papier en mains courantes informatisées étaient entachées d'erreurs, en particulier sur les adresses. Il a notamment expliqué ces résultats par le manque de motivation et de qualification des personnels.
Il a précisé que l'observatoire travaillait à la constitution d'un dispositif de cartographie de la délinquance à Paris et qu'un tel dispositif pourrait par la suite être instauré au plan national.