s'est félicité de la création, par la commission des affaires économiques, en octobre dernier, d'une mission d'information sur le financement des infrastructures de transport. Constatant les délais très serrés imposés aux travaux de la mission, il a salué l'implication des sénateurs et de son président en particulier, M. Francis Grignon. Résumant la problématique à laquelle doit répondre la mission d'information, il a évoqué les besoins en infrastructures de transport en France, leur mode de financement et modalités de réalisation, dans un contexte contraint pour les finances publiques. Mentionnant le souhait de M. Jean-Louis Borloo, ministre d'Etat, ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables, de présenter au Parlement au printemps prochain un inventaire précis des projets d'infrastructures de transport à financer, M. Dominique Bussereau a déclaré qu'une loi cadre éventuellement suivie d'un Comité interministériel d'aménagement du territoire (CIADT) fixerait la liste des projets finalement retenus. Se référant au discours du Président de la République du 25 octobre 2007 à la suite des conclusions du Grenelle de l'environnement, il a réitéré l'engagement de l'Etat en faveur d'une « politique d'investissement massif dans les transports » centrée sur les infrastructures alternatives à la route. Il a insisté sur la nécessité d'un développement volontariste des transports urbains et périurbains collectifs, des lignes ferroviaires, mais également des voies fluviales et maritimes. A cette occasion, il a mis l'accent sur l'intérêt qu'il porte à la question des ports français et au report modal, rappelant sa visite la veille, au Havre, en compagnie notamment des sénateurs Charles Revet et Alain Gérard.
Faisant part de l'obligation pour la France de disposer d'infrastructures durables, dont le financement soit assuré, il a indiqué avoir mis en place, en accord avec M. Jean-Louis Borloo, 33 « comités opérationnels » chargés de décliner matériellement les décisions du Grenelle. Evoquant celui relatif aux transports urbains et périurbains, il a déclaré que, suite aux propositions du député Michel Destot, 4 milliards d'euros seraient investis par l'Etat en Ile-de-France et 4 milliards hors Ile-de-France, en complément des investissements des collectivités territoriales. Ceci concerne quasiment tous les projets existants de métropolitains, de tramways et de transport en sites propres.
A propos du deuxième volet consacré aux Lignes à Grande Vitesse (LGV) et au réseau ferroviaire, M. Dominique Bussereau a déclaré que le ministère mènerait les actions suivantes :
- la mise à niveau du réseau existant pour éviter les ralentissements des trains ;
- la construction de 2.000 kilomètres de lignes à grande vitesse d'ici à 2020, suite aux CIADT de 2003 et 2005, puis une étude sur la reprogrammation au-delà de 2020 de 2.500 kilomètres supplémentaires ;
- la poursuite des interconnexions entre les aéroports et les TGV, notamment à Orly, car aujourd'hui seuls les aéroports de Roissy et Lyon Saint-Exupéry sont correctement desservis ;
- l'organisation d'ici l'été 2008 de concertations autour du programme de LGV et l'engagement de négociations avec les collectivités territoriales, dont la Bretagne, le Poitou-Charentes, les Pays de la Loire et l'Aquitaine, sur les priorités, les tracés, les alternatives à la grande vitesse et les clefs du financement. Ce genre de concertation constitue un exercice difficile, comme l'a montré l'expérience du TGV Est.
a ensuite évoqué le dernier volet consacré au développement du fret non routier.
En matière de développement du fret ferroviaire, enfin, l'objectif fixé par le Président de la République porte sur l'augmentation d'un quart, d'ici à 2012, de la part de marché du fret non routier. Ceci suppose de :
- développer les autoroutes ferroviaires, car les deux lignes actuellement aménagées connaissent un trafic croissant. Il est prévu le lancement d'un programme complémentaire d'itinéraires (Alpes, Sud-ouest, Luxembourg-Perpignan) et La Poste souhaite désormais utiliser le train et non l'avion pour les livraisons de courte distance. En outre, le projet de TGV Fret (appelé CAREX), soutenu notamment par les élus du Val d'Oise, tend à créer à Roissy-Charles de Gaulle une gare pour des trains adaptés au transport, sur des distances moyennes, de containers pour les colis d'entreprises comme Fedex ou DHL, ce qui limiterait les nuisances liées aux vols de nuit ;
- promouvoir le transport combiné, c'est-à-dire la combinaison d'au moins deux modes de transport au sein d'une même chaîne, sans rupture de charge, tout en minimisant les trajets par route. Ce développement est essentiel compte tenu du développement mondial du transport par container. Dans cette perspective, M. Dominique Bussereau a évoqué la mise en place de « trains longs » sur les deux axes Nord-Sud car l'Espagne exprime de forts besoins en la matière, la révision du système d'aides qui est un peu ancien, le développement des capacités sur l'axe atlantique après la mise en service de la ligne LGV SEA entre Tours et Bordeaux en 2013 et, enfin, l'ouverture déjà réalisée des sillons aux opérateurs ;
- développer le transport fluvial, qui a repris des parts de marché importantes ces dernières années, à travers la signature l'an prochain du contrat relatif au canal Seine-Nord Europe, la préparation du débat public sur la liaison Saône-Moselle prévue en 2009 et le renouvellement du plan d'aide à la modernisation de la batellerie sur la période 2008-2009 ;
- lancer un nouveau programme d'autoroutes maritimes, d'une part sur la façade atlantique (France-Espagne), d'autre part sur la Méditerranée (France-Italie, France-Espagne) sans oublier l'amélioration des voies existantes entre Dunkerque-Calais-Normandie et l'Angleterre.
a enfin rappelé sa volonté de maintenir à son niveau actuel la capacité routière globale sauf pour éliminer les points de congestion, pour traiter les problèmes de sécurité ou pour répondre à des enjeux locaux. Il a précisé que selon lui le Grenelle de l'environnement ne signifiait pas la « fin de la route et de l'autoroute ».
Abordant la question du financement de ces projets, M. Dominique Bussereau a estimé qu'il avait présenté de façon objective et transparente au Parlement, lors des débats sur le projet de loi de finances pour 2008, les difficultés auxquelles il était confronté. A compter de 2009, les ressources pérennes de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) ne seront pas suffisantes non seulement pour assumer la charge supplémentaire liée aux engagements du Grenelle de l'environnement, mais encore pour financer la poursuite des programmes déjà décidés.
En effet, les produits de cession des sociétés d'autoroute, qui avaient permis une dotation exceptionnelle à l'AFITF de 4 milliards d'euros en 2006, seront épuisés dès 2009. Le produit de la redevance domaniale due par les sociétés concessionnaires d'autoroutes devrait s'élever à 180 millions d'euros, le produit de la taxe dite d'aménagement du territoire atteindrait 540 millions d'euros et le solde du produit des amendes perçues par les radars automatiques oscillerait entre 100 et 200 millions d'euros. Il en a conclu que l'AFITF, en l'état actuel des choses, ne bénéficierait que de 900 millions d'euros environ en 2009, alors que les besoins annuels de financement sont estimés à plus de 3 milliards compte tenu de l'impact du Grenelle de l'environnement.
Evoquant d'une part le contexte de très forte tension sur nos finances publiques auquel il est particulièrement sensible en tant qu'ancien ministre du budget, et, d'autre part, la distinction entre les sources de financement de court terme et celles de long terme, il a présenté trois séries de pistes de réflexion.
Tout d'abord pour « en avoir plus pour son argent », M. Dominique Bussereau s'est déclaré favorable au développement des contrats de partenariats public-privé (PPP), conformément aux orientations fixées par le Premier ministre. Ces contrats permettront non seulement d'accélérer la réalisation d'infrastructures tout en respectant les coûts et les délais, mais encore de lisser la charge de la construction, de l'entretien et de la maintenance des infrastructures sur longue période. Un projet de loi relatif à la « stimulation des partenariats public-privé » a été adopté en Conseil des ministres le 3 janvier dernier. Par ailleurs, la question du choix des investissements publics devrait être davantage guidée par des critères économiques, environnementaux et techniques. Il est envisageable d'affecter à l'AFITF le reliquat de produits de privatisation des sociétés concessionnaires d'autoroute, d'un montant de plus de 300 millions d'euros, inscrit dans les comptes de l'établissement « Autoroutes de France ». Il a par ailleurs approuvé l'idée d'affecter des produits de cessions des actifs non stratégiques de l'Etat au financement d'infrastructures de transport, une telle opération ne constituant en aucun cas un « appauvrissement de l'Etat », mais un simple remplacement d'actifs financiers peu stratégiques par des actifs créateurs de richesse. Il a ajouté que le recours de l'AFITF à l'emprunt serait de bon aloi, à condition de respecter un plafond déterminé en loi de finances. En termes financiers, cette mesure peut rencontrer quelques obstacles compte tenu du niveau d'endettement des administrations publiques et des règles budgétaires communautaires, a-t-il reconnu, mais cet emprunt est justifié en termes économiques, comme le savent les présidents des conseils régionaux et généraux, car il s'agit d'investissements structurants dont la réalisation rapide conditionne les perspectives de croissance de moyen terme du pays. Il faut également réfléchir à des solutions de financement innovantes, à l'instar du système britannique des plaques d'immatriculation personnalisées payantes, qui constituerait une éventuelle recette d'appoint.
Abordant la deuxième série de pistes de réflexion consacrée à la contribution des sociétés d'autoroutes, il a rappelé l'impératif pour l'Etat de respecter l'équilibre des contrats de concession. Il s'est interrogé sur les possibles aménagements de la redevance domaniale ou de la taxe dite d'aménagement du territoire, sur la hausse de certains tarifs, la modification du rythme de leur versement pour financer à court terme l'AFITF et sur le recours à un système d'enchères lors du renouvellement des concessions.
La troisième série de réflexions sur les ressources nouvelles de l'AFITF s'articule autour de trois thèmes : allouer à l'Agence une dotation budgétaire ; lui affecter des ressources existantes ; créer de nouvelles taxes. S'agissant des dotations budgétaires, M. Dominique Bussereau a précisé que ce moyen avait déjà été utilisé en 2006 à hauteur de 62 millions d'euros. L'affectation à l'AFITF de ressources existantes pourrait concerner le reliquat de taxes sur les bureaux, bénéficiant actuellement au fonds d'aménagement pour l'Ile-de-France, le produit des amendes forfaitaires majorées liées à la police de la circulation ainsi qu'une fraction de la taxe sur les véhicules des sociétés, modulée en fonction des émissions de CO2.
a ensuite évoqué la création de nouvelles taxes pour financer l'AFITF, rappelant l'engagement du Président de la République, lors des conclusions du Grenelle de l'environnement, sur la mise en place d'une taxe kilométrique sur les poids lourds, rapportant environ 900 millions d'euros par an dès 2011. Conformément à la directive communautaire « Eurovignette », cette taxe sera payée par les véhicules de plus de 12 tonnes qui circuleront sur les autoroutes non concédées et sur les routes nationales. Cette taxe pourrait s'appliquer sur certaines routes départementales congestionnées si le conseil général le souhaite, auquel cas il pourrait récupérer les sommes collectées. Dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne, le Gouvernement essaiera de faire évoluer la directive « Eurovignette ». D'autres types de prélèvement ont été ensuite évoqués, comme le prélèvement sur les plus-values foncières résultant de la réalisation de nouvelles infrastructures terrestres afin qu'une part des bénéfices issus de la construction d'infrastructures puisse revenir au financement de ces infrastructures, ou encore un prélèvement appelé « ad valorem » sur les chargeurs au titre des factures de transport terrestre acquittées. Ce dernier constituerait une recette transitoire en attendant 2011. M. Dominique Bussereau a mentionné enfin la proposition de la mission d'information d'instaurer une taxe additionnelle à la taxe sur les conventions d'assurances, mais il a considéré que cette mesure, en dépit de son fort rendement, devait être étudiée avec prudence pour tenir compte de son impact sur le pouvoir d'achat des Français et de sa compatibilité avec la création récente du bonus/malus sur les véhicules légers.
Il a rappelé enfin le très grand besoin de financement d'infrastructures nouvelles dans les collectivités ultra-marines.
Evoquant le projet de relance des ports français annoncé récemment par le Premier ministre, M. Dominique Bussereau a rappelé que la France avait perdu la moitié de son trafic de containers, que le port de Marseille était distancié notamment par Barcelone et Rome et que la SNCF avait acheté de nouvelles locomotives pour tirer les trains de fret à Anvers ou Rotterdam alors que techniquement le port du Havre, par exemple, pourrait réaliser le même type de prestation. Il a ajouté que l'objectif du plan de relance des ports français était la création de 30.000 emplois et l'augmentation du trafic de containers. Alors que la moitié du trafic de containers du port d'Hambourg passe par le fret ferroviaire, ce taux varie entre 13 et 16 % pour le port du Havre.
Insistant sur la nécessité d'imaginer de nouvelles sources de financement pour l'AFITF, il a indiqué que le projet de loi instituant la redevance poids lourds serait bientôt débattu par le Parlement. Comme cette redevance ne pourra couvrir à elle seule l'ensemble des besoins évoqués, M. Dominique Bussereau a conclu en déclarant se mettre à l'écoute des sénateurs pour obtenir des idées nouvelles de financement.