Intervention de Michel Barnier

Commission des affaires économiques — Réunion du 23 janvier 2008 : 2ème réunion
Organismes génétiquement modifiés — Audition de M. Michel Barnier ministre de l'agriculture et de la pêche

Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche :

Soulignant que cette initiative était sans précédent sous la cinquième République, M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche, a regretté que le Parlement ait été, jusqu'alors, insuffisamment et tardivement informé de l'actualité normative européenne. Il a déclaré souhaiter mieux l'associer dorénavant, en envoyant par Internet à l'ensemble des parlementaires les comptes rendus des Conseils des ministres « Agriculture », le jour même de leur tenue, en offrant à deux parlementaires -un député et un sénateur, de la majorité pour l'un et de l'opposition pour l'autre- la possibilité d'assister auxdits Conseils et en associant une délégation plus large de parlementaires aux travaux avec les institutions européennes et leurs principaux acteurs. Insistant sur l'importance et les pouvoirs croissants du Parlement européen, notamment dans le secteur agricole, du fait de l'utilisation de plus en plus fréquente de la procédure de codécision, il a fait observer que ses travaux étaient déjà largement avancés sur le thème du bilan de santé de la politique agricole commune (PAC).

Soulignant, à titre d'introduction sur les OGM, que l'agriculture mondiale devrait, selon les projections de l'Institut national de la recherche agronomique (INRA), doubler sa production pour nourrir neuf milliards d'individus en 2050, il a insisté sur la nécessité d'intégrer le dossier des OGM dans une réflexion plus large tenant compte des perspectives de croissance forte de la demande alimentaire mondiale dans les prochaines décennies.

Appelant à donner la priorité à la recherche et à l'innovation en vue de conserver une indépendance nationale sur les biotechnologies, il a dit avoir approuvé la décision de doter de 45 millions d'euros les programmes de recherche sur les biotechnologies végétales et souhaité que soient encouragées toutes les formes de recherche, dont celle en plein champ, en 2008. Désirant que de nouveaux essais en plein champ puissent être autorisés, il a rappelé la nécessité de créer une commission ad hoc d'évaluation pour permettre de délivrer de nouvelles autorisations en attendant que la Haute autorité fonctionne. En effet, les modalités de constitution du comité de préfiguration ne lui permettent pas de jouer ce rôle et la commission d'étude de la dissémination des produits issus du génie biomoléculaire n'a pas été renouvelée. Il a indiqué que les grands principes d'action devaient être l'analyse de la stabilité du gène étudié, l'étude des disséminations possibles et des précautions prises pour éviter tout risque environnemental, ainsi que l'étude de la toxicité vis-à-vis des populations non cibles.

Précisant qu'une dizaine de dossiers était en attente d'autorisation, il a appelé à restaurer la confiance en recourant à cinq instruments :

- une loi, qui respecte les grands principes évoqués lors du Grenelle de l'environnement : précaution, transparence et indépendance de l'expertise ; tel est l'objet du prochain examen parlementaire, qui débutera le 5 février prochain ;

- une procédure d'évaluation par la Haute autorité, qui donne lieu à des analyses complémentaires scientifiques d'une part, et socio économiques d'autre part ;

- une décision de nature politique, au regard de ces analyses ;

- une mutualisation de la réflexion à l'échelle européenne ;

- le maintien d'une capacité à anticiper et suivre l'utilisation du progrès scientifique, à travers la mise en place d'un comité de biovigilance compétent au-delà des seuls OGM, et notamment pour les produits phytosanitaires.

S'agissant du projet de loi qui a été soumis à l'examen de la commission, le ministre a rappelé qu'il prévoyait d'encadrer la culture des OGM sur la base des principes définis lors du Grenelle de l'environnement : responsabilité, précaution, transparence et libre choix.

Il en a détaillé certaines dispositions portant sur :

- la Haute autorité (article 2), qui regrouperait l'ensemble des expertises jusqu'alors réalisées par divers organismes. Après avoir noté que l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) conservait son mandat d'évaluation du risque sanitaire, il a souhaité que soient distingués les avis des collèges scientifique et sociopolitique de la Haute autorité ;

- la biovigilance (articles 2 et 6), qui dépassait les seuls OGM.

Il a souhaité le maintien du comité de bio vigilance et de sa distinction d'avec la Haute autorité ;

- la transparence (article 6). Estimant que cacher des informations était illusoire et ne pouvait qu'entretenir les peurs et inquiétudes dans l'opinion publique, il a formé le voeu que celles-ci ne soient pas réservées aux seules personnes à même de prouver qu'elles en ont besoin, du fait des complications administratives que cela entraînerait. Il a tenu à ce que soient rappelées, et le cas échéant appliquées, aux personnes demandant des informations sur les plantations d'OGM, les sanctions prévues en cas de harcèlement ou de dégradation ;

- la responsabilité (article 5). Convenant que devait être précisé le champ d'application du principe de la responsabilité de plein droit dans le temps, dans l'espace et dans le calcul de l'indemnisation, il a estimé que l'obligation pour les producteurs de souscrire à une garantie financière ne devait pas être écartée de fait par une carence d'offre de produits assuranciels.

Jugeant que l'année de suspension des cultures d'OGM décidée par le Président de la République devait être utilisée pour aller au terme de l'évaluation scientifique et du débat, il a prôné la mise en place d'une structure à cet effet, à l'instar de la commission nationale du débat public dont il a rappelé avoir été à l'initiative en 1995.

A l'issue de cet exposé, un large débat s'est ouvert.

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