La Fédération française d'éducation physique et de gymnastique volontaire, qui compte aujourd'hui 540 000 licenciés, se classe parmi les poids lourds, au cinquième rang des fédérations françaises. Nous étions naguère au troisième, mais l'équitation est passée devant et nous venons juste de nous faire rattraper par le judo. Visant essentiellement l'entretien physique, la fédération, qui se définit comme non compétitive, est aussi la plus féminisée, puisqu'elle compte 94 % de femmes.
Cette fédération, aujourd'hui la plus féminisée, était il y a un siècle masculine, hygiéniste, marquée par quelques accents militaires, bien que fondée par un médecin, le docteur Philippe Tissié, qui poursuivait déjà un objectif, fondamental, de remise en santé de la population. La gymnastique volontaire est venue après un contact avec la Suède de Pehr Henrik Ling, avec les lendits, le collectif, les mouvements cadencés. En raison de fusions entre fédérations, la dénomination actuelle s'est imposée en 1972.
La féminisation s'est poursuivie après guerre, et l'équilibre a été atteint dès les années 1950. De cette époque aux années 1970, la femme s'est émancipée : elle dispose d'un carnet de chèque et a accès à la banque. Au cours de la première moitié des années 1970, les directions départementales de la Jeunesse et des Sports ont reçu mission de créer des clubs. Les « conseillers de secteurs » hommes s'orientaient plutôt vers le foot, qui disposait déjà d'une fédération emblématique et permettait d'offrir une activité physique de proximité aux jeunes garçons, leurs homologues femmes étaient naturellement plus enclines à préférer la gymnastique d'entretien. C'est ainsi que l'institutrice que j'étais est entrée à la fédération, riche d'un encadrement féminin déjà très présent sur le territoire, pour y devenir très vite animatrice.
De 1975 à 1980, nous sommes passés à 80 % de recrutement féminin, à la suite du choix fédéral de privilégier la formation des pratiquantes en interne pour devenir animatrices. Quelques hommes se hasardaient dans mes cours, attirés par la promesse d'un match de basket ou de volley, après la séance de gymnastique. Nous avons ainsi atteint des taux de féminisation de 97%. Même si la féminisation paraît irréversible, je défends en effet la mixité en même temps que l'objectif d'offrir dans un esprit convivial une activité de sport santé accessible à tous.
Si le souci de la forme, du bien être et de l'entretien est d'abord féminin - ce n'est qu'après 50 ans que les hommes, davantage portés au défoulement et à la compétition, en viennent à ce souci de soi -, il est clair, à la lumière de mon expérience, que le sexe des encadrants a une influence sur le recrutement des pratiquants. Aujourd'hui, la majorité des animateurs sont des femmes, mais la tendance est en train de s'inverser chez les formateurs, où se pressent désormais, le marché du travail étant devenu ce qu'il est, les candidatures de jeunes hommes diplômés en STAPS (sciences et techniques des activités physiques et sportives). Notre pyramide des âges veut que nous recrutions beaucoup, ce qui tend à infléchir l'équilibre au profit des hommes. Je serai attentive aux évolutions. Ce changement d'équilibre aura-t-il une influence sur celui des pratiquants ? Nous ne le saurons que dans une dizaine d'années. Mais il me semble dès à présent que l'influence de l'encadrement est profonde, et que l'animateur est un modèle auquel on s'identifie.
Notre fédération a longtemps été dirigée par des hommes. La première femme à accéder à la présidence fut Nicole Dechavanne, qui disposait d'une grande expérience tant nationale qu'internationale. Les femmes n'ont depuis refait leur apparition aux postes à responsabilité qu'il y a six ans, alors même que la fédération comptait depuis longtemps plus de 90 % de femmes. Aujourd'hui, une femme est présidente. Et paradoxalement, le premier dossier que j'ai eu à traiter portait sur la mixité des effectifs dirigeants. Une application stricte de la loi du 6 juillet 2000 sur le sport et du décret du 7 janvier 2004 garantissant aux femmes une proportionnalité entre le nombre de licenciées et le nombre de sièges dans les instances de direction des fédérations aurait abouti à ce que nous n'ayons qu'un homme au comité directeur. Il me semble, et je crois avoir convaincu, qu'un meilleur équilibre au sein des instances représentatives est souhaitable au sein d'une fédération qui n'est pas par essence féminine. Un homme, aussi fort soit-il, ne saurait représenter à lui seul toutes les aspirations des hommes. J'ai présenté ma position au ministère, engagé la discussion au sein de la FFEPGV en proposant un compromis à 30 %, car seul un groupe peut représenter une minorité. J'ai obtenu 20 %, le pourcentage qui prévaut au Comité international olympique, soit cinq hommes sur vingt-trois. Cela me paraît essentiel pour que les hommes puissent enrichir la réflexion en apportant leur point de vue. Mme Chantal Jouanno, ministre des sports, m'a fait observer malicieusement qu'aucune fédération majoritairement masculine n'était venue lui présenter une telle requête en faveur de la présence de femmes. J'ai saisi la balle au bond en lui suggérant de la leur soumettre. Car l'objectif de la loi n'est certes pas, à l'inverse, de placer quelques femmes-alibi pour solde de tout compte.