a tout d'abord estimé que l'examen de ces accords destinés à améliorer le système de responsabilité civile en matière nucléaire mis en place dans le cadre de l'OCDE prenait un relief particulier, vingt ans après la catastrophe de Tchernobyl, survenue le 26 avril 1986. Il a rappelé la gravité exceptionnelle et sans équivalent dans l'histoire de l'énergie nucléaire de cet accident, dont le bilan demeure aujourd'hui encore difficile à établir. Il a cité une étude réalisée sous l'égide des Nations unies et de l'AIEA, publiée en septembre 2005, et faisant état d'un total d'environ 4 000 décès par cancer, dont 60 déjà constatés et 3 940 pouvant potentiellement survenir au cours des prochaines années. Il a précisé que l'Organisation mondiale de la santé évoquait pour sa part 9 000 décès potentiels pour les populations d'Ukraine, de Biélorussie et de Russie, l'une de ses agences spécialisées, le Centre international de recherche sur le cancer, considérant quant à elle que 16 000 décès pourraient intervenir dans l'ensemble de l'Europe.
La rapporteur a estimé que les conséquences d'un tel accident dépassaient largement les frontières d'un Etat, rendant de ce fait nécessaires des règles internationales, tant en matière de prévention que de réparation des dommages. Il a ajouté que les deux protocoles soumis à l'approbation du Parlement portaient sur le régime de responsabilité civile applicable en cas d'accident, et visaient à l'améliorer, même si ce système de réparation ne peut prétendre à couvrir intégralement les dommages d'une catastrophe d'ampleur comparable à celle de Tchernobyl. Il a également rappelé qu'en 1986, la question de la réparation des dommages aux pays tiers ne s'était pas posée, puisque l'URSS ne souscrivait à aucun instrument international.
a présenté le cadre régissant, sur le plan international, la responsabilité civile pour les dommages nucléaires. Ces questions ont été débattues dans deux enceintes internationales distinctes - l'Agence de l'énergie nucléaire (AEN) de l'OCDE et l'Agence internationale pour l'énergie atomique (AIEA) - jusqu'à la conclusion de deux conventions internationales : la convention de Paris du 29 juillet 1960 sur la responsabilité civile dans le domaine de l'énergie nucléaire, qui relève de l'OCDE et à laquelle la France est partie, et la convention de Vienne relative à la responsabilité civile en matière de dommages nucléaires du 21 mai 1963, qui relève de l'AIEA.
Bien que distincts pour des raisons historiques, ces deux dispositifs se sont considérablement rapprochés. Un protocole commun entré en vigueur en 1992 établit une « passerelle » entre les deux conventions, de sorte que les victimes de dommages nucléaires subis dans un Etat partie à l'une de ces deux conventions bénéficient d'un droit à réparation même si l'accident est survenu dans un Etat partie à l'autre convention. D'autre part, les deux conventions reposent sur les mêmes principes de base, qui sont les suivants :
- la responsabilité objective, c'est-à-dire indépendante de toute faute, de l'exploitant en cas de dommage nucléaire, afin d'éviter aux victimes d'avoir à établir la preuve d'une faute ;
- la responsabilité exclusive de l'exploitant, toute action ne pouvant être intentée qu'à son encontre afin d'éviter la multiplication des procédures impliquant le constructeur, les fournisseurs ou des sous-traitants ; l'exploitant n'est exonéré de sa responsabilité que dans des cas très limités, comme l'action intentionnelle d'un tiers ;
- la limitation de la responsabilité de l'exploitant en montant, par la définition d'un plafond d'indemnisation, et en durée, les actions en réparation devant être intentées dans un délai de 10 ans après l'accident ;
- l'obligation pour l'exploitant de couvrir sa responsabilité par une assurance ou toute autre garantie financière ;
- l'unité de juridiction, les seuls tribunaux compétents étant ceux situés sur le territoire où s'est produit l'accident ;
- enfin, l'égalité de traitement entre toutes les victimes, quel que soit leur Etat d'appartenance.
Abordant les deux protocoles adoptés le 12 février 2004, M. Roger Romani, rapporteur, a indiqué qu'ils modifiaient la convention de Paris de l'OCDE, à laquelle adhèrent la France et les autres pays d'Europe occidentale. Il a précisé qu'une mise à jour comparable avait été effectuée par l'AIEA pour les pays de la convention de Vienne, les deux régimes internationaux continuant d'évoluer en parallèle et de manière cohérente.
Le rapporteur a énuméré une première série d'améliorations apportées par les protocoles s'agissant de l'étendue du risque couvert. Ainsi, le champ des activités concernées est élargi à toutes les installations en lien avec une activité nucléaire, comme celles dédiées à l'évacuation des déchets radioactifs ou celles en cours de démantèlement. La notion de dommage comprend désormais le coût des mesures de sauvegarde prise par les autorités, celui de la restauration de l'environnement, ainsi que les dommages économiques dits « immatériels », c'est-à-dire par exemple le manque à gagner en relation directe avec la dégradation de cet environnement. Certains pays qui ne disposent pas d'installations nucléaires et ne sont donc partie ni à la convention de l'OCDE, ni à celle de l'AIEA, pourront demander réparation des dommages subis sur leur territoire, par exemple en cas d'accident lié à un transport international de matières nucléaires. Enfin, le délai de prescription des actions en responsabilité reste de 10 ans dans le cas général, mais il est porté à 30 ans lorsque l'action concerne un décès ou un dommage aux personnes.
a indiqué qu'une seconde série d'améliorations portaient sur le montant des indemnisations. Les trois niveaux de réparation existant, à savoir l'intervention successive de l'exploitant, de l'Etat de l'installation puis d'un fonds international, sont maintenus, mais le montant de chacune des trois tranches d'indemnisation est revalorisé. La responsabilité de l'exploitant, dont le montant minimal est actuellement de 18 millions d'euros, est portée à 700 millions d'euros au minimum. Celle de l'Etat de l'installation est désormais comprise entre les 700 millions à charge de l'exploitant et 1,2 milliard d'euros. Le fonds international interviendra entre 1,2 et 1,5 milliard d'euros, soit une garantie maximale de 300 millions d'euros au lieu de 152 millions d'euros dans le régime actuel.
En conclusion, le rapporteur a précisé que les deux protocoles imposaient à la France de revoir sa législation sur la responsabilité civile en matière nucléaire, et qu'à cet effet, le Sénat avait adopté le 8 mars dernier un amendement au projet de loi relatif à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire. Il a souligné que, d'une manière plus générale, la France continuait d'améliorer le cadre législatif, réglementaire et administratif, déjà très étoffé, régissant les activités nucléaires, notamment par le projet de loi sur la transparence et la sécurité et par le projet de loi sur la gestion des déchets radioactifs. Il a jugé indispensables l'amélioration des législations nationales et le renforcement de l'encadrement international des activités nucléaires, alors que l'on constate, de par le monde, un regain d'intérêt pour cette forme d'énergie. Il a cité à ce propos les débats en cours dans plusieurs pays européens.
a souligné que les deux protocoles du 12 février 2004 modifiant les conventions de l'OCDE sur la responsabilité civile nucléaire constituaient une avancée positive, tout en considérant que leur élaboration aurait sans doute mérité d'être plus rapide. Il a demandé à la commission d'adopter le projet de loi autorisant leur approbation.