Monsieur le président, merci. J'ai grand plaisir à être aujourd'hui devant vous.
Je suis avant tout un médecin dont l'objectif a toujours été l'amélioration des soins. Persuadé que la confrontation des cultures est une source d'enrichissement, j'ai choisi d'entamer mon parcours par une formation aux soins, à l'éthique, à l'enseignement et à la recherche à l'université René-Descartes Paris-5 - aujourd'hui dénommée Paris-Descartes - puis à l'université Johns Hopkins de Baltimore aux États- Unis. Je suis cardiologue et réanimateur, professeur à l'université Paris-Descartes en thérapeutique et en réanimation médicale, praticien hospitalier au centre hospitalo-universitaire Cochin depuis 1988. J'ai été chef du service de réanimation médicale de l'hôpital Cochin de 1992 à 2007 et du service d'accueil des urgences de 2003 à 2007.
Durant cette période, persuadé que seules l'évaluation et la comparaison des pratiques permettent de progresser, j'ai participé à la mise en place d'audits hospitalo- universitaires en France et dans le monde pour améliorer la qualité des soins et l'enseignement au plus près du lit du malade. Dès 1986, j'ai été membre fondateur de l'institut Maurice Rapin pour l'éthique médicale ; j'ai contribué à de nombreux travaux pluridisciplinaires associant juristes, psychologues, philosophes, sociologues, représentants des patients, et assuré de nombreux enseignements dans ce domaine.
A mes yeux, la recherche clinique n'a d'intérêt que si le patient peut en bénéficier en toute sécurité. J'ai donc participé aux débats sur la loi de bioéthique, et donné des enseignements sur la pratique « raisonnée » de la recherche clinique et le rôle de la médecine dans la société. J'ai toujours poursuivi cette réflexion sociétale dans mon métier d'enseignant et de chercheur, à la présidence de la commission de pédagogie de 1989 à 1995, puis en tant que directeur d'une unité de recherche associée à l'Institut Cochin de 1997 à 2003. Mon expertise scientifique concerne les infections graves et leurs traitements ainsi que la prédisposition génétique à ce type d'infection ; je compte à mon actif 175 publications à ce sujet.
La réanimation nécessite une technologie dont la sécurité ne peut faillir. Tout au long de ma carrière de médecin, j'ai vu cette technologie devenir de plus en plus performante, mais de moins en moins française. M. François d'Aubert, alors ministre de la recherche, que j'avais averti de cette évolution, m'a confié en 1997 une mission d'étude sur les conditions d'implantation des entreprises de biotechnologies au sein des Centres hospitalo-universitaires (CHU). J'ai ensuite porté sur les fonds baptismaux le bio-incubateur « Paris Biotech Santé » de l'université Paris-Descartes en 1999, puis la Pépinière d'entreprises « Cochin-Paris » dont l'objectif était de faire bénéficier le patient des nouveaux médicaments et des aides pour faire face à des handicaps rapidement et en toute sécurité. J'ai été président du comité médical consultatif de l'hôpital Cochin de 1996 à 1999, doyen de la faculté de médecine Cochin Port-Royal de 1999 à 2004, puis président de l'Université Paris Descartes de 2004 à 2007, avant d'accepter la charge de présider l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (AERES).
A la tête de cette agence, le premier défi était de vaincre la crainte de l'évaluation répandue parmi les enseignants-chercheurs et de travailler en toute transparence et indépendance vis-à-vis des ministères comme des établissements et organismes d'enseignement et de recherche. Le deuxième était de maîtriser les risques de conflits d'intérêts - l'Académie des sciences a loué notre succès dans ce domaine. La Conférence des présidents d'universités, mais aussi le président de la Conférence des directeurs d'écoles d'ingénieurs se sont félicités de l'action de l'agence. L'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) a fait de même; et je saisis cette occasion pour remercier les parlementaires de leur soutien constant : sans eux, jamais nous n'aurions pu réaliser 10 000 évaluations en quatre ans.
C'est à une toute autre fonction que j'aspire aujourd'hui, la présidence du Haut conseil des biotechnologies, mais elle ne s'inscrit pas moins dans le parcours que je viens de décrire. Mes fonctions passées m'ont donné la hauteur de vue nécessaire : j'ai appris à travailler dans le respect de chacun, en toute transparence et indépendance. C'est essentiel pour faire fonctionner cette institution qui comprend à la fois un comité scientifique et un comité économique, éthique et social, ce comité rassemblant les parties prenantes. Nul besoin d'insister sur mon intérêt soutenu pour les questions qui relèvent du Haut conseil : pendant une grande partie de ma vie professionnelle, je me suis intéressé aux technologies sanitaires, à leurs bénéfices individuels et collectifs, à leurs impacts socio-éthiques. C'est dire mon enthousiasme.
J'ai pris connaissance des termes de la loi et des premières réalisations du Haut conseil. Sous la présidence de Catherine Bréchignac, en collaboration avec Christine Noiville et Jean-Christophe Pagès, un important travail a été réalisé dans des conditions difficiles : je fais allusion non seulement à la mise en place, toujours ardue, d'une instance nouvelle et atypique, mais aussi à des épisodes conflictuels comme l'arrachage des vignes transgéniques dans le cadre de l'expérimentation menée par l'Institut national de la recherche agronomique (Inra) à Colmar.
A mon sens, le rôle du président du HCB est pluriel. Il doit veiller à ce que les procédures soient clairement définies, appliquées dans la transparence et leurs résultats correctement suivis, les conflits d'intérêts évités autant que possible et les dossiers traités dans les meilleurs délais. Il doit s'assurer que les questions soulevées ont été envisagées sous tous leurs aspects, et que des réponses argumentées y ont été apportées : le travail doit être étayé par les connaissances disponibles et reposer sur une démarche analytique plutôt que sur des arguments d'autorité. Toute la difficulté est de formuler des propositions applicables et efficaces à la fois. Le nouveau président devra aussi consolider le dialogue entre les membres des deux comités, mettre en place des groupes de travail communs et des réunions thématiques éventuellement ouvertes à des experts extérieurs. Il appartient au président de faire état de l'accord ou du désaccord des deux comités sur telle ou telle question, sans préjuger de la décision du pouvoir politique. Enfin il doit travailler avec les instances européennes, renforcer le dialogue avec l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) et clarifier les méthodes d'évaluation, mais aussi promouvoir l'originalité de l'approche du Haut Conseil au plan européen, fondée non seulement sur l'évaluation des risques mais aussi sur l'analyse des impacts et enjeux socio- économiques et le débat sociétal.
Je suis convaincu, en effet, que l'objectif cardinal du HCB et de son président est d'ouvrir un débat aussi constructif et transparent que possible, pour gagner la confiance de l'ensemble des parties prenantes. C'est seulement dans un climat apaisé que nous pourrons faire face aux défis d'aujourd'hui et de demain, et que la France pourra de nouveau tenir son rang dans la compétition scientifique et technologique.