Intervention de Jean Michelin

Mission commune d'information sur le fonctionnement des dispositifs de formation professionnelle — Réunion du 28 février 2007 : 1ère réunion
Audition de Mm. Jean Michelin directeur de la formation et benoît vanstavel responsable des relations avec le parlement de la fédération française du bâtiment

Jean Michelin :

a tout d'abord indiqué que 80 000 apprentis étaient actuellement en formation dans le bâtiment, l'objectif étant de porter ce nombre à 100 000 en 2012. Dans cette perspective, les systèmes de financement des centres de formation des apprentis (CFA) et des unités de formation par apprentissage (UFA) devront être revus.

Il a rappelé ensuite que le bâtiment était porteur d'une forte tradition de paritarisme : la gestion de l'apprentissage y est paritaire depuis 1945 et la formation continue s'y est développée de façon paritaire dès l'adoption de la loi du 16 juillet 1971. En outre, le bâtiment a décentralisé son système de formation continue dès 1971, en créant des antennes régionales et des associations régionales paritaires pour le développement de la formation professionnelle dans le bâtiment et les travaux publics (AREF-BTP). Le secteur est ainsi en mesure d'apporter un service très proche de la demande des employeurs et des salariés. Une étude récente du Centre d'études et de recherches sur les qualifications (Cereq) montre l'efficacité du service ainsi rendu dans le domaine de la formation continue aux 15 000 entreprises du bâtiment de plus de dix salariés, ainsi qu'aux 150 000 artisans ayant une moyenne de trois salariés et aux 140 000 artisans travaillant seuls.

Aujourd'hui, dans le bâtiment, 187 000 personnes bénéficient chaque année d'une action de formation continue, l'investissement des entreprises s'élevant à 260 millions d'euros, complétés pour certaines actions par des aides de l'Etat, du conseil régional ou du fonds social européen.

Il ne convient pas d'opposer branche et territoire dans le secteur du bâtiment : s'il existe une quarantaine de « leaders » nationaux qui négocient des accords sociaux en matière d'emploi et de formation, plusieurs milliers d'employeurs et de salariés entretiennent dans les régions et les départements la concertation avec l'Etat et les collectivités territoriales et gèrent des centres de formation d'apprentis et des antennes de formation continue. Un accord a été signé le 13 juillet 2004 pour décentraliser dans les régions, au travers des commissions paritaires régionales de l'emploi et de la formation, une partie des responsabilités exercées auparavant par les partenaires sociaux au niveau national. Il s'agissait de mettre la profession en mesure d'entretenir des rapports efficaces avec le conseil régional et avec les services déconcentrés de l'Etat.

Trois acteurs principaux gèrent la formation continue : les partenaires sociaux et la branche, soumis à une obligation de négocier des priorités, des financements ainsi que la construction de structures, pour une profession qui avait perdu 200 000 emplois au début des années 1990, en a recréé autant en sept ans, et se trouve ainsi en état d'adaptation permanente ; le conseil régional, auquel la loi a confié un certain nombre de missions dans ce domaine, spécialement en matière d'apprentissage ; l'Etat.

Il faut veiller au maintien, entre ces partenaires, d'un équilibre défini par la voie contractuelle. En ce qui concerne l'apprentissage, des contrats d'objectifs et de moyens engagent ainsi les branches, l'Etat et les régions sur les objectifs quantitatifs et qualitatifs. Il est important, à cet égard, que chacun respecte les limites de sa compétence. Ainsi l'apprentissage ne relève pas du seul conseil régional, certes responsable de l'ouverture ou de la fermeture des sections d'apprentissage, mais incompétent en matière de contrats de travail. Le bâtiment a pris de son côté ses responsabilités en faveur du développement de l'apprentissage en signant plusieurs accords sociaux : l'un a modernisé le statut de l'apprenti en augmentant le salaire d'accueil et en développant l'accompagnement des apprentis en matière de sécurité, de santé, de prêt à taux zéro pour l'achat d'une automobile ; un autre a décentralisé en région certaines responsabilités des partenaires sociaux exercées auparavant au niveau national ; un troisième prévoit la formation, la certification et l'indemnisation, d'ici à 2012, des quelque 40 000 maîtres d'apprentissage salariés d'entreprises. Pour augmenter le nombre des apprentis dans les proportions envisagées, il faudra reconsidérer l'affectation d'une partie du produit de la taxe d'apprentissage à des fonds nationaux gérés par l'Etat.

En ce qui concerne la formation continue, les partenaires sociaux, et non le conseil régional, sont les chefs de file. La fédération française du bâtiment met à la disposition des entreprises une information importante destinée à favoriser la modernisation des ressources humaines en s'appuyant sur l'accord national interprofessionnel de décembre 2003. La philosophie de celui-ci est de « rendre la formation continue à l'entreprise », à travers la construction d'un dialogue entre l'employeur et le salarié. La création du DIF est emblématique de cette démarche. Dans cette logique, le concept d'une « offre de formation, continue » devrait céder la place à celui de « réponse à un besoin » exprimé par l'employeur et le salarié au cours de l'entretien professionnel. La définition des modalités de la formation, puis la recherche d'un prestataire, interviennent en fonction des conclusions de ce premier échange.

Cependant, on voit apparaître dans certaines régions des initiatives tendant à « sortir la formation continue des entreprises ». Certains conseils régionaux ont ainsi créé, indépendamment de la négociation sociale, des dispositifs tels que le « compte formation universel », porteurs de confusion au regard de l'idée de mettre l'entreprise au coeur de la démarche de formation des salariés. Il faut réaffirmer, face à ces tendances, que la formation continue ne relève pas de l'initiative individuelle pure et simple, mais intéresse la compétitivité de « l'entreprise France » à travers la recherche d'une relation « gagnant gagnant » entre l'employeur et le salarié. De même, le DIF ne doit pas être interprété comme une obligation pesant unilatéralement sur l'entreprise, mais doit entretenir une relation directe avec l'exercice du métier : c'est pour cette raison qu'il doit faire l'objet d'un accord entre l'employeur et le salarié. Il est peu explicable, dans ces conditions, que certaines régions créent un numéro vert destiné à leur permettre d'intervenir dans la mise en oeuvre du DIF. Des régions instituent par ailleurs une « conférence des financeurs » à l'occasion desquelles les organismes collecteurs, qui ne peuvent refuser d'y participer, peuvent être conduits à souscrire à des priorités susceptibles d'entrer en contradiction avec les stratégies de formation d'entreprises que ces organismes ne représentent pourtant pas.

En fin de compte, il faut prendre garde à ne pas contourner l'entreprise, et l'objectif de « rendre gagnante l'entreprise France » ne doit pas être perdu de vue.

Par ailleurs, la formation continue répond à une autre logique que la formation initiale et l'articulation des deux systèmes apparaît improbable. La seule véritable articulation est à ce jour la validation des acquis de l'expérience (VAE), qui s'appuie sur des référentiels de diplômes conçus pour la formation initiale, ce qui n'est pas réaliste. En effet, les référentiels de diplômes ne sont pas conçus pour des travailleurs dont la reconnaissance dans l'entreprise résulte de nombreuses années de pratique professionnelle. Ces travailleurs peuvent souhaiter obtenir une reconnaissance sous la forme d'un document, sans qu'il s'agisse nécessairement d'un diplôme de la formation initiale.

Rappelant que les grandes entreprises disposaient souvent de leur propre système de formation, M. Jean-Claude Carle, président, a demandé si cela ne traduisait pas une forme d'échec de la formation professionnelle, dans la mesure où le rôle de l'entreprise est de produire et de vendre plus que de former.

a estimé que les grands groupes avaient les moyens de travailler directement avec les organismes de formation et disposaient de directeurs des ressources humaines capables de définir leurs besoins et de monter des formations. Ils n'ont donc pas besoin de l'appui des organisations de branche. Tel n'est pas le cas des PME, auxquelles les organismes de branche doivent apporter un appui permanent.

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