Intervention de Xavier Bertrand

Mission commune d'information sur le bilan et les conséquences de la contamination par l'amiante — Réunion du 29 juin 2005 : 1ère réunion
Audition de M. Xavier Bertrand ministre de la santé et des solidarités

Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités :

La mission a ensuite procédé à l'audition de M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités.

a d'abord noté que l'ampleur du drame sanitaire de l'amiante dépassait largement le seul cadre national, puisqu'environ 100.000 personnes dans le monde décèdent, chaque année, d'une pathologie liée à cette fibre. Il a rappelé que les dangers liés à l'amiante avaient été identifiés de façon progressive en fonction de connaissances scientifiques qui se sont affinées avec le temps. Il a indiqué que la France était passée d'une interdiction partielle à une interdiction généralisée de l'usage de l'amiante. Rappelant que la première réglementation d'ensemble concernant l'amiante datait de 1977, il a précisé qu'elle avait été progressivement durcie au cours des années 1980 sur la base des données scientifiques disponibles à cette époque. Il a ainsi souligné l'interdiction de l'emploi des formes les plus nocives d'amiante, ainsi que de certains procédés d'utilisation de cette fibre. Il a indiqué que la France avait rompu avec la politique de « l'usage contrôlé » de l'amiante en 1996 et qu'elle avait opté pour une interdiction généralisée à partir du 1er janvier 1997. Il a fait observer que les connaissances scientifiques sur l'amiante se sont précisées à partir du milieu des années 1990 et a rappelé qu'à cette époque, l'Organisation internationale du travail (OIT) préconisait encore l'usage contrôlé. Il a mentionné les travaux effectués par des experts français et britanniques, qui ont mis en évidence l'apparition de mésothéliomes pour un niveau d'exposition beaucoup plus faible que ce que la réglementation communautaire considérait alors comme dangereux. Il a également cité un rapport de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) de juillet 1996 sur l'ensemble des risques liés à l'amiante et a noté que cette étude avait conclu, notamment, à la nécessité de rompre avec l'usage sécuritaire de l'amiante. Il a noté que la France présentait aujourd'hui une situation comparable à celle de ses voisins européens, même si la Grande-Bretagne avait adopté les premières mesures de restriction dans les années 1930 et si l'Allemagne avait interdit l'amiante à la fin des années 1980. Il a toutefois rappelé que d'autres pays industrialisés continuaient d'utiliser ce matériau, de manière contrôlée, notamment les Etats-Unis, le Canada et la Russie.

a présenté les estimations relatives au nombre de mésothéliomes, indiquant que 1500 à 2000 cas par an apparaissaient en France et en Allemagne, et 2500 à 3000 cas au Royaume-Uni. Il a fait observer que les Etats-Unis, qui utilisent toujours l'amiante, présentent un nombre de cas de mésothéliomes inférieur à celui observé en Europe, relativement à leur poids démographique. Il a rappelé que seuls 40 pays, dont les 25 Etats membres de l'Union européenne, avaient interdit l'usage de l'amiante. Il a fait état du décès de 35.000 personnes en France, entre 1965 et 1995, du fait de pathologies liées à l'amiante et estimé que, d'après des études médicales, le nombre de ces décès s'établirait entre 60.000 et 100.000 au cours des vingt prochaines années. Il a également précisé que le coût complet de la prise en charge des victimes pourrait s'établir, selon un rapport remis au Parlement en octobre 2003, entre 27 et 37 milliards d'euros.

Il a ensuite présenté les différents dispositifs de prise en charge des victimes. Il a rappelé que le fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (FCAATA) avait été institué en 1999 au profit des salariés et anciens salariés d'entreprises fabriquant des matériaux contenant de l'amiante, et a noté que ce dispositif avait été progressivement étendu à d'autres catégories. Il a rappelé que plus de 1500 établissements et 11 ports sont inscrits sur les listes ouvrant droit à ce dispositif de préretraite. Il a ajouté que, depuis la création du FCAATA, plus de 36.000 personnes, dont 4000 malades, avaient bénéficié du dispositif et que 29.059 personnes percevaient une allocation de cessation anticipée d'activité, soit un effort financier total de 2,84 milliards d'euros pris en charge par la branche accidents du travail et maladies professionnelles de la sécurité sociale. Il a ensuite évoqué le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA), créé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001. Il a indiqué que ce fonds, qui permet une réparation rapide, intégrale et équitable de l'ensemble des victimes, avait versé, depuis sa création, 1,238 milliard d'euros pris en charge à la fois par la branche accidents du travail et maladies professionnelles et par le budget de l'Etat. Il a précisé que plus de 22.000 demandes d'indemnisation avaient été présentées au FIVA qui a proposé 16.000 offres, dont 95 % sont acceptées par les victimes ou leurs ayants droit, pour un montant de 723 millions d'euros. Il a noté que l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) avait été chargée, sur la base du rapport de la Cour des comptes remis à la commission des affaires sociales du Sénat, de réfléchir aux réformes possibles du FCAATA et qu'elle devait remettre ses conclusions à la fin du mois d'octobre prochain. S'agissant du FIVA, il a précisé qu'une réflexion était en cours sur l'évolution du dispositif afin d'assurer une meilleure cohérence entre les indemnisations accordées par le Fonds et celle des tribunaux.

a réaffirmé le caractère prioritaire, en termes de santé publique, de la prévention des risques liés à l'amiante, notamment du fait de la présence d'amiante résiduel dans les bâtiments. A ce titre, il a rappelé que la Direction générale de la santé (DGS) avait largement participé à la rédaction de la réglementation de 1996 concernant les bâtiments, en collaboration avec le ministère du logement. Il a cité les mesures successives prises pour limiter le risque d'exposition, par exemple, l'obligation de réaliser, depuis 2001, un diagnostic technique amiante afin de gérer le risque dans le bâtiment. Il a estimé que le risque d'exposition passive à l'amiante était encore réel, comme l'avaient récemment montré les 19 cas de maladies professionnelles observés à l'hôpital Saint-Louis de Paris.

Le ministre a ensuite présenté les trois axes de travail du ministère de la santé en termes de prévention du risque « amiante ». Au titre du diagnostic, il a rappelé que, d'après une enquête réalisée par la SOFRES en mars 2005 sur 1986 établissements de santé, sur les 4.000 existants, 73 % d'entre eux ne présentaient plus d'amiante dans leurs locaux. Quant aux autres, 81 % déclaraient que l'amiante encore présent était dans un bon état de conservation. Au total, 79 % des établissements ont réalisé un diagnostic technique amiante. 3 % d'entre eux ont détecté des situations classées 3, c'est-à-dire requérant une intervention de mise en sécurité, ce qui est actuellement en cours dans 87% des cas. 3% des établissements de santé ont déclaré avoir eu des cas de maladies professionnelles liées à l'amiante dans leurs établissements. 12 % de ces maladies liées à l'amiante sont des mésothéliomes, essentiellement contractés par les personnels travaillant dans les locaux techniques. Il a ensuite abordé le cas des 25.000 établissements sociaux et médico-sociaux, qui vont faire l'objet de tableaux de bord régionaux de suivi de l'application de la réglementation amiante. Une enquête exhaustive sur tous les points de la réglementation leur sera très prochainement adressée. Puis il a évoqué la mission confiée à l'Institut de veille sanitaire (InVS) du suivi épidémiologique des pathologies liées à l'amiante dans 21 départements, qui a révélé l'existence de 606 cas de mésothéliomes.

Il a rappelé que la responsabilité de l'application de la réglementation incombait aux propriétaires mais que l'Etat avait pour mission de s'assurer du respect de sa réglementation. Les pouvoirs juridiques de l'Etat en matière de contrôle restent faibles. Néanmoins les tableaux de bord régionaux des établissements de santé contribueront à définir une politique de contrôles ciblés.

Enfin, pour l'avenir, il a indiqué que le ministère de la santé avait saisi l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement (AFSSE) sur les risques des fibres courtes d'amiante. Il a estimé que la question de l'amiante devait également être abordée d'un point de vue prospectif en définissant la manière de gérer les risques résiduels à long terme. Quoiqu'il en soit, l'objectif doit rester la protection de la santé des populations.

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