Intervention de Michèle Alliot-Marie

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 1er février 2006 : 1ère réunion
Nucléaire — Défense - dissuasion nucléaire française - Audition de Mme Michèle Alliot-marie ministre de la défense

Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense :

a indiqué que la récente déclaration du Président de la République à l'occasion de son déplacement à l'Ile Longue l'avait amené à rappeler deux axes majeurs qui structurent la dissuasion française : la continuité de notre doctrine, d'une part, et la mise en perspective de l'évolution du contexte stratégique, d'autre part.

- La dissuasion nucléaire a toujours eu pour but la protection des intérêts vitaux de notre pays contre les menaces qui les viseraient directement. Les dangers liés à la montée en puissance du terrorisme et aux graves crises régionales africaines et asiatiques sont venus s'ajouter à la menace nucléaire traditionnelle et aux risques liés aux armes de destruction massive (y compris bactériologiques et chimiques), qui perdurent. Il est indispensable, dans ces conditions, de laisser planer la menace de destructions extrêmement importantes à l'égard de tous ceux qui s'en prendraient à ces intérêts vitaux.

- Cette politique de dissuasion s'inscrit aussi dans le cadre d'une stricte suffisance, c'est-à-dire l'adaptation de nos capacités, dont la crédibilité est sans cesse améliorée, à nos besoins réels. Ce principe a conduit, en 1996, à la suppression de la composante terrestre de notre force nucléaire. Les composantes air-sol et mer-sol étant conservées et les forces navales impliquées étant réduites de six à quatre sous-marins nucléaires lanceurs d'engins (SNLE).

- La logique reste celle de la prévention, c'est-à-dire du non-emploi de l'arme nucléaire, la seule menace de son utilisation permettant d'éviter d'y avoir recours.

- Sur le plan financier, le coût de la dissuasion nucléaire est désormais à un juste niveau, après avoir été considérablement réduit. Nos dépenses nucléaires représentent aujourd'hui moins de 10 % du budget total de la défense, et 18 % du coût des équipements au lieu de la moitié au début des années 70. Par ailleurs, les crédits consacrés à la recherche nucléaire soutiennent la recherche duale dans des domaines critiques (laser mégajoule ou calculateurs de grande puissance).

a ensuite évoqué les inflexions évoquées par le chef de l'Etat, qui permettront à notre politique de dissuasion de tenir compte du nouveau contexte stratégique :

- La France doit se prémunir contre des risques liés à des renversements d'alliance ou d'attitude par des puissances majeures qui disposeraient d'armes nucléaires ou d'armes de destruction massive. Face à des puissances régionales qui souhaitent se doter de l'arme nucléaire, elle doit tenir compte du danger que représente l'utilisation, par leurs gouvernements, de groupes terroristes. Face aussi à des Etats disposant d'armes de destruction massive et dont le Gouvernement serait devenu défaillant et se transformant en zones de non-droit, il faut imaginer les conséquences qu'entraînerait alors la prise du pouvoir par un réseau terroriste.

- l'intervention du Président de la République a aussi permis de préciser la définition de nos intérêts vitaux, qui vise principalement à la protection contre toute attaque sur notre territoire ou nos ressortissants, mais aussi tout ce qui pourrait nuire plus généralement à la survie de nos concitoyens, notamment dans le domaine des approvisionnements stratégiques et, en particulier, énergétiques ;

- de même, a poursuivi la Ministre, les intérêts vitaux de la France pourraient être mis en cause en cas d'agression contre des pays alliés, c'est-à-dire ceux qui ont des liens très étroits avec notre pays, même s'ils ne font pas partie de l'Union européenne. Il reviendrait en tout état de cause au Président de la République d'apprécier une telle mise en cause ;

- les modalités d'action dans le domaine de la dissuasion doivent tenir compte d'éléments psychologiques. Nos adversaires potentiels peuvent penser que, compte tenu de ses principes et de sa longue tradition de respect des droits de l'homme, la France hésiterait à utiliser toute sa puissance nucléaire contre des populations civiles. Aussi bien les capacités de frappe ont-elles été aménagées afin de cibler les centres de décision d'un éventuel agresseur ;

- enfin, le chef de l'Etat a relancé l'idée d'une offre de dissuasion concertée en Europe, après une première proposition en ce sens formulée par la France, en 1995, qui n'avait alors pas suscité de réponse de la part de certains de nos alliés. Le moment est cependant opportun pour relancer cette initiative.

La politique nucléaire française est donc marquée par la continuité, le courage et la responsabilité, conformément à l'exemple qu'a donné, en 1995, le Président de la République, en menant à leur terme les derniers essais nucléaires, qui ont contribué à asseoir la crédibilité de notre dissuasion. Cette politique doit également tenir compte de l'évolution de l'environnement stratégique. La responsabilité en la matière implique enfin que soit remplie la première exigence morale, qui est de préserver la vie de nos concitoyens.

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