Le portefeuille de titres des SEM détenus par la Caisse des dépôts ne s'élève qu'à 238 millions d'euros en valeur d'acquisition et à 636 millions en valeur d'actif net, sur un total de 45 milliards d'euros d'actif à long terme : les risques encourus par la Caisse sont donc limités. Toutefois j'ai été frappé en arrivant à la direction générale par le fait que nos participations au sein des SEM s'apparentaient à des biens de mainmorte : il paraissait légitime que la valeur de revente des titres aux collectivités locales n'excède pas leur valeur nominale. J'ai mis en place un système informatique qui nous permet désormais de connaître à tout moment la valeur d'actif net des SEM et leur vie sociale, c'est-à-dire les augmentations ou diminutions de capital, les distributions de dividendes, etc. Depuis, lorsque des collectivités ont demandé à la Caisse de leur revendre leurs titres, celle-ci a fait valoir ses droits, mais il nous est arrivé de les revendre à un prix inférieur au prix du marché, lorsque les autres actionnaires vendaient eux-mêmes à vil prix. Nous nous efforcerons, comme la Cour des comptes le suggère, d'améliorer encore notre connaissance de la situation financière des SEM.
La Cour recommande aussi de réduire les risques financiers, et j'en suis d'accord. Dans le cadre du programme « Elan 2020 », nous nous sommes fait une règle de ne jamais investir selon une logique de pouvoir, mais seulement si les collectivités nous le demandent, et si cela correspond aux objectifs stratégiques que nous nous sommes fixés. Nous avons établi une grille de cotation des dépenses d'intérêt général, exportée auprès du Fonds stratégique d'investissement ; les critères retenus sont, d'une part, l'intérêt général, d'autre part, ceux de « l'investisseur avisé ». Pour nos investissements dans les SEM, nous acceptons des taux de rendements équivalents aux plus bas du marché, de l'ordre de 5 % à 6 % à long terme. Nous pensons, comme la Cour des comptes, que les règles de cotation pourraient encore être affinées.
J'en viens à la question des sociétés publiques locales. Si l'on nous demande demain de revendre nos participations dans les SEM pour transformer celles-ci en SPL, nous n'y verrons aucun inconvénient. Mais le statut juridique des SEM est utile, car il permet de confronter les collectivités aux réalités du marché. Je regrette que la Fédération des entreprises publiques locales ne jouisse pas d'un plus grand rayonnement, car certaines SEM font un travail remarquable en matière d'aménagement urbain ou de développement économique local ; la Caisse serait désireuse d'établir un partenariat solide avec la fédération.
Les inconvénients de la transformation d'une SEM en SPL sont nombreux, et je me dois de les rappeler : elle prive la collectivité de l'expertise d'un partenaire motivé, qui veut être un « investisseur avisé » et qui peut apporter aux SEM des fonds propres : car les investissements dans les SEM ne représentent que 3 % à 5 % des investissements d'intérêt général de la Caisse, dont le total s'élève à 500 millions d'euros, et il ne serait donc pas difficile pour elle de doubler sa participation en cas de demande. Une telle transformation annule aussi l'effet de levier qui permet, grâce à la participation de la Caisse, d'attirer des investisseurs privés. Elle met fin au partage des risques entre des actionnaires publics et privés. Une SPL ne peut agir en dehors du champ de compétences défini par ses statuts, puisqu'il s'agit d'une société in house. L'absence de mise en concurrence nuit à la performance de l'entreprise. Enfin, les voix contradictoires des actionnaires publics et privés sont souvent éclairantes. Pourquoi se priver des SEM, qui en confrontant les collectivités au marché, renforcent l'efficacité de leurs actions ?