Intervention de Philippe Marini

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 29 septembre 2010 : 1ère réunion
Régulation bancaire et financière — Examen des amendements au texte de la commission

Photo de Philippe MariniPhilippe Marini, rapporteur :

L'amendement FINC 4 vient affiner la rédaction de l'article 3 sur la question de la responsabilité des agences de notation. Lors de la précédente réunion de commission, avec l'accord du Gouvernement, nous avions voté le texte suivant :

- nous avons maintenu la disposition selon laquelle les agences de notation sont responsables des fautes et manquements qu'elles commettent dans l'application du règlement européen sur les agences de notation ;

- nous avons affirmé le principe de l'interdiction des clauses exonératoires de responsabilité dans les contrats de notation. Ainsi, une agence ne pourra s'exonérer a priori et manière absolue de sa responsabilité ;

- et nous avons érigé cette règle en « loi de police », c'est-à-dire que nous l'avons rendue applicable quelles que soient les stipulations contractuelles.

Je crois néanmoins qu'il est possible de modifier l'articulation juridique du dispositif. En effet, nous nous sommes principalement concentrés, jusqu'à présent, sur la responsabilité contractuelle, c'est-à-dire la relation entre l'agence et son client. Or il est délicat de trop s'immiscer dans les relations contractuelles, dès lors que deux parties contractent dans un cadre communautaire qui les autorise à choisir le droit sous lequel elles se placent.

Par conséquent, je vous propose de replacer la réflexion sur le terrain de la responsabilité délictuelle, afin de nous intéresser à la responsabilité des agences vis-à-vis de l'ensemble de la communauté financière. C'est le sens du I de mon amendement qui précise que les agences engagent leur responsabilité « délictuelle et quasi-délictuelle » à raison des fautes et manquements qu'elles commettent dans la mise en oeuvre du règlement européen sur les agences de notation.

Cette qualification n'est pas anodine. En effet, le droit communautaire (règlement dit « Rome II ») prévoit que, dans un contentieux relatif à la responsabilité délictuelle, la loi applicable est celle du lieu du dommage. Ainsi, un investisseur qui s'estime lésé en France pourra poursuivre une agence de notation selon les règles du droit français quel que soit le lieu de localisation de l'agence ou de ses équipes.

Dans un deuxième temps, je vous propose d'ajouter un alinéa qui interdit qu'un contrat de notation donne compétence à un juge situé hors de l'Union européenne pour examiner un différend portant sur la responsabilité de l'agence de notation. Cette possibilité est tout à fait conforme au droit communautaire. En revanche, un contrat pourra toujours prévoir la compétence d'un juge de l'Union européenne. Le mal sera alors limité puisque ce juge sera tenu par le critère de la loi applicable que j'évoquais à l'instant : un juge anglais doit appliquer la loi française si le dommage est subi en France.

Enfin, dans un troisième temps, je vous propose de supprimer la référence à la loi de police. En effet, celle-ci ne peut être invoquée que pour défendre les intérêts supérieurs d'un Etat membre. Elle conduit de facto à faire une entorse aux principes du droit communautaire. Dès lors, la Cour de justice de l'Union européenne en fait une interprétation très stricte. Nous ne sommes pas certains que le raisonnement qui nous avait conduits à introduire cette référence serait entériné par la Cour de justice.

Avec cette nouvelle rédaction, nous garantissons une protection élevée aux émetteurs et aux investisseurs. Nous ne dissuadons pas les agences de s'intéresser au marché français. Enfin, notre solution apparaît beaucoup plus solide en termes de droit communautaire.

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