Intervention de Nicolas About

Commission des affaires sociales — Réunion du 28 mars 2006 : 1ère réunion
Sécurité sanitaire — Epidémie de chikungunya - compte rendu de la mission d'information à la réunion

Photo de Nicolas AboutNicolas About, président :

a ensuite décrit l'organisation du système de lutte contre l'épidémie, qui est désormais fortement structurée, après une montée progressive en puissance au fil des mois. Depuis février 2006, un plan global du Gouvernement pour lutter contre le chikungunya a été mis en oeuvre, complété lors de la visite du Premier ministre sur l'île, le 27 février. Entre décembre 2005 et mars 2006, les effectifs opérationnels ont été multipliés par dix et des réunions ont eu lieu chaque jour à la préfecture, pour faire le point de la situation, au plus fort de l'épidémie.

Le plan global de lutte est structuré en six pôles : le pôle épidémiologique, avec la cellule interrégionale d'épidémiologie de la Réunion (Cire), antenne de l'Institut de veille sanitaire (InVS) ; la lutte anti-vectorielle, avec la direction régionale de l'action sanitaire et sociale (DRASS) ; le secteur hopitaux-médecine avec l'agence régionale de l'hospitalisation (ARH) ; le secteur économique, avec le secrétariat général pour les affaires régionales (Sgar) ; l'environnement, avec la direction régionale de l'environnement (Diren) ; enfin, les affaires sociales, en liaison avec le Conseil général.

L'aspect le plus spectaculaire est celui de la lutte anti-vectorielle dont le nouveau protocole est entré en vigueur le 13 février dernier et qui est mis en oeuvre conjointement par l'Etat, la région, le département et les communes. Une cellule centrale installée à la préfecture rassemble les dispositifs d'organisation des opérations de démoustication et d'information des populations. Les secteurs géographiques y sont délimités par communes, puis quadrillés par quartiers, afin de programmer très précisément les interventions sur le terrain. Le système fonctionne de manière décentralisée puisqu'il est relayé et entrepris au niveau de chaque commune, désormais toutes impliquées dans le dispositif. L'objectif est de réduire la population de moustiques dans des proportions suffisantes pour respecter durablement « l'indice de Breteau » de dix foyers d'infection maximum pour cent maisons prospectées, qui permet de maîtriser le risque d'épidémie.

Des produits dits biologiques sont désormais utilisés pour détruire les larves (le Bti), mais le traitement des insectes adultes exige des produits plus puissants - en l'occurrence, la deltaméthrine - qui ne sont pas exempts de risques pour l'homme et son environnement. Des recherches sur l'impact des produits insecticides sont d'ailleurs conduites, notamment sur l'eau, les insectes, les oiseaux ou les poissons.

Le passage des équipes de démoustication s'effectue selon un échéancier précis, alternant le passage de véhicules de pulvérisation et les intervenants à pied. Des périmètres et des procédures particuliers sont appliqués à certains points du territoire : les captages d'eau, les ruchers, les écoles... Au 22 mars dernier, 2.669 personnes étaient engagées sur le terrain, dont 720 militaires, y compris les jeunes du service militaire adapté (SMA), 300 personnels municipaux, ainsi que les emplois aidés du conseil général (500) et du conseil régional (870) qui travaillent notamment au nettoyage des ravines et des décharges de déchets en plein air qui constituent autant de gîtes larvaires potentiels.

a ensuite souligné la très grande implication de tous, à tous les niveaux de la population, pour lutter contre le fléau, qu'il s'agisse des responsables politiques et administratifs, ou des associations caritatives et de quartier, dans un élan de solidarité très remarquable, notamment à l'égard des personnes les plus fragiles : personnes âgées, handicapées ou isolées, femmes enceintes, jeunes mères et enfants en bas âge.

Puis il a indiqué qu'un ambitieux programme de recherche est en cours d'élaboration, portant sur cinq thèmes, en coopération entre l'hôpital et les médecins libéraux : les formes cliniques de la maladie chez l'enfant ; celles observées chez l'adulte ; la transmission mère-enfant ; la comparaison des traitements classiques (paracétamol - anti-inflammatoire) avec celui par chloroquinine (traitement du paludisme) ; l'essai de chloroquinine chez l'adulte.

Globalement, on peut en attendre une meilleure connaissance d'une maladie à laquelle personne ne s'est véritablement intéressé jusqu'à présent, tant qu'elle ne touchait que l'Afrique ou certains territoires du sud-est asiatique. L'idée d'installer à la Réunion un centre de recherche spécifique est d'autant plus justifiée que toute la zone de l'Océan indien (Mayotte bien sûr, mais aussi les Comores, Madagascar, Maurice, les Seychelles...) est aujourd'hui touchée par le chikungunya, dans des proportions que l'on connaît mal, ou que certains pays sous-estiment pour ne pas décourager la fréquentation touristique.

a enfin évoqué l'impact de l'épidémie sur l'économie réunionnaise, et notamment sur le secteur du tourisme, pour signaler que le plan d'action annoncé par le Premier ministre pour apporter aux entreprises les plus touchées une compensation à 80 % des pertes de recettes est entré en application le 20 mars dernier : 1.000 dossiers sont en cours d'instruction par les chambres consulaires et la préfecture a été saisie de quarante dossiers de chômage partiel et de sept dossiers destinés au Fisac et au fonds de secours.

En conclusion, il a considéré que l'on n'éradiquera sans doute pas totalement la maladie car le moustique qui propage l'infection, l'aedes albopictus, est extrêmement résistant et utilise toutes les ressources naturelles ou artificielles pour installer ses gîtes larvaires, ce qui rend difficile leur destruction systématique. Il faut donc éduquer la population pour qu'elle prenne durablement les mesures de précaution nécessaires : vider les récipients et les bassins d'eau stagnante, éviter d'entreposer les déchets dans les ravines pour endiguer la reproduction du moustique et utiliser les produits répulsifs utiles pour se prémunir contre ses piqûres.

En outre, il faut savoir que ce même moustique a déjà été repéré dans le sud de la France, où l'on compte par ailleurs une centaine de malades venus de l'étranger et porteurs du virus. La métropole n'est donc pas à l'abri d'une contagion à venir et le ministère de la santé s'en préoccupe déjà.

Il faut donc souhaiter que cette épidémie tragique ait au moins pour vertu d'encourager à la reprise de l'enseignement de l'entomologie, que l'on a eu tendance à abandonner ces dernières années et dont les connaissances sont indispensables si l'on veut pouvoir agir aussi sur le vecteur et sur son mode de reproduction.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion