Après avoir indiqué que les mutations étaient perceptibles dans tous les secteurs auxquels la délégation s'était intéressée, M. Jacques Valade, président, a abordé successivement les trois grands domaines suivants :
- l'organisation de l'enseignement en Chine, caractérisée à la fois par un système très sélectif et une évolution pragmatique ;
- l'évolution du système de recherche, qui fera peut-être de la Chine le futur laboratoire de recherche du monde ;
- et enfin, le paysage contrasté que l'on observe dans les domaines des médias, de l'architecture et de la culture.
Evoquant le parcours éducatif exigeant du jeune Chinois, il a indiqué que l'éducation en Chine était traditionnellement fondée sur une sélection sévère et une concurrence acharnée, l'admission au collège, puis l'accès à l'enseignement supérieur, s'effectuant sur la base de concours.
Il a relevé que le Gaokao (équivalent du baccalauréat) avait vu son taux d'admission diminuer (55 % en 2005, contre 60,6 % en 2002), alors même que la croissance économique du pays requiert une population de mieux en mieux formée.
Il a souligné que l'organisation même de cette épreuve contribuait au caractère inéquitable de cette sélection, moins sévère pour les jeunes urbains que pour les élèves en milieu rural.
a indiqué que le système chinois d'éducation faisait l'objet d'une réforme de très grande ampleur, qui porte sur tous les volets de l'enseignement préscolaire à l'enseignement supérieur, en passant par l'enseignement professionnel et la formation continue.
Cette réforme s'appuie sur une planification ambitieuse et la mission de la délégation s'est déroulée entre la fin du 10e plan quinquennal (2000-2005) et le lancement en début d'année, du 11e plan quinquennal (2006-2010), qui marque un effort particulier en faveur de l'enseignement professionnel.
Le président a souligné le caractère tentaculaire du défi de la formation dans un pays d'1,3 milliard d'individus. Les réformes menées ont permis une augmentation considérable du nombre de jeunes formés et le faible taux d'illettrisme pourrait couvrir de honte plus d'un pays développé.
La mise en oeuvre du 10e plan s'est traduite par d'importants progrès, notamment dans la généralisation de l'enseignement obligatoire, le développement de l'éducation dans les zones rurales, celui de l'enseignement secondaire professionnel et l'essor de l'enseignement supérieur et le budget consacré à l'éducation a enregistré une hausse considérable.
a estimé que le système d'enseignement chinois posait néanmoins question aux visiteurs étrangers. Outre le caractère inéquitable de l'accès à l'enseignement, il faut notamment relever le niveau parfois élevé des frais de scolarité.
La contrepartie positive de ce système tient à l'extrême motivation des jeunes Chinois qui arrivent à poursuivre leurs études. Leurs efforts personnels, tout comme ceux de leurs parents, les incitent naturellement à s'engager entièrement dans leurs études. En outre, la concurrence et la sélection, auxquelles ils sont soumis, conduisent à un excellent niveau académique. Il n'est pas certain, en revanche, que le système encourage la créativité et la réflexion personnelle...
a noté les progrès sensibles de la coopération éducative et universitaire entre nos deux pays. Ceux-ci se traduisent notamment par une hausse de la mobilité étudiante (avec neuf fois plus d'étudiants chinois en France en 2003 qu'en 1998 et une amélioration qualitative des populations d'étudiants concernés), la mise en place de programmes de formation d'excellence et le développement de l'apprentissage de la langue française par les Chinois.
a ensuite présenté le secteur de la recherche en Chine, certains estimant que ce pays pourrait devenir le futur laboratoire de recherche du monde. Il a brièvement présenté l'organisation du système de recherche chinois, globalement centralisé et contrôlé par le sommet de l'Etat, même s'il comporte des services déconcentrés dans le pays et si les provinces disposent de compétences propres dans ce domaine.
Il a précisé que l'un des vice-premiers ministres du Conseil des affaires d'État - correspondant au Gouvernement central - était à la tête du dispositif de recherche et d'éducation et avait compétence sur deux ministères : celui des sciences et des technologies (MoST) et celui de l'éducation. Parallèlement, certaines Académies ou fondations dépendent directement du Conseil des affaires d'Etat, et non du MoST, tandis que d'autres, plus sectorielles, dépendent de ministères techniques.
Le MoST occupe un rôle central dans l'organisation du système de recherche chinois : il définit et met en oeuvre les priorités de la politique scientifique chinoise et détermine la stratégie et les grandes orientations scientifiques du pays ; il agit comme une agence d'objectifs de la recherche appliquée, mais aussi en tant que plus grande agence de moyens du pays ; en revanche, il n'exerce pas de tutelle sur les instituts de recherche. Le ministère finance les projets sur appel d'offres et labellise les projets prioritaires, ainsi que les « laboratoires clés d'Etat ».
L'Académie des sciences (CAS), qui regroupe 89 instituts, joue, quant à elle, un rôle primordial dans la recherche fondamentale de haut niveau, l'innovation et le transfert technologique vers l'industrie.
a ensuite indiqué que la recherche chinoise connaissait un nouvel élan.
Après avoir rappelé que la Chine était à l'origine de nombreuses inventions (de la boussole à l'imprimerie, en passant par l'horloge mécanique) et que la Révolution culturelle semblait avoir à la fois ralenti et accéléré la recherche, selon les domaines, il a évoqué un véritable « réveil » de la recherche du pays, depuis une vingtaine d'années.
Il a indiqué que l'impérieuse nécessité pour la Chine de poursuivre un développement économique durable contribuait à rendre prioritaire la politique de recherche et d'innovation technologique.
Puis le président a apporté les précisions suivantes :
- la Chine est désormais la troisième puissance scientifique du monde ;
- en 2004, elle a consacré 18 milliards d'euros à la recherche-développement, contre 15 milliards en 2003 et 13 milliards en 2002 ;
- elle compte aujourd'hui environ 810.000 chercheurs, soit plus que le Japon (680.000) et presque autant que l'Union européenne (1 million) ; les étudiants et chercheurs poursuivant une activité à l'étranger sont fortement incités à revenir au pays, via une politique d'aides directes.
a ensuite présenté les deux axes de développement qui caractérisent la politique scientifique du pays :
- l'un, à visées stratégiques, concerne surtout la recherche fondamentale ;
- l'autre poursuit une rentabilité économique rapide et relève, par conséquent, de la recherche appliquée. Ce second axe semble avoir été jusqu'ici privilégié. En effet, hormis certains secteurs tels que l'espace par exemple, la recherche fondamentale est faible (avec environ 6 % des dépenses).
a ensuite évoqué le rapport annuel sur les investissements internationaux présenté en septembre 2005 par la Conférence des Nations Unies pour le commerce et le développement (Cnuced), qui étudie la mondialisation des activités de R&D conduite par les entreprises multinationales. Selon cette étude, la Chine compterait d'ores et déjà 700 centres de recherche implantés par le secteur privé, alors qu'elle n'avait accueilli son premier centre qu'en 1993. Elle en conclut que la Chine deviendrait, d'ici à 2009, le premier lieu d'implantation de leurs activités de recherche.
Le président a insisté sur l'insuffisant respect par la Chine de la propriété intellectuelle. En effet, le pays dispose de textes législatifs et réglementaires en la matière et les pouvoirs publics font preuve d'une relative volonté au niveau national, mais l'application de ces textes pose problème, notamment au niveau local.
Après avoir indiqué que 70 % des contrefaçons mondiales provenaient de Chine et que ce problème touchait l'ensemble des produits, le président a estimé qu'il constituait une menace réelle pour la recherche et l'innovation des pays qui en sont victimes. Il a relevé qu'il concernait désormais également les entrepreneurs chinois, et jugé, par conséquent, que la Chine devra mettre en place une politique de protection des brevets, ne serait-ce que pour répondre à la demande des industriels chinois eux-mêmes ; si le pays échouait sur ce front, il freinerait l'innovation et le développement de nouvelles technologies et de nouveaux produits par ses propres entreprises.
s'est ensuite réjoui du dynamisme croissant de la coopération scientifique franco-chinoise, caractérisée par la multiplication des partenariats (avec 350 projets conjoints franco-chinois) : la France est le septième partenaire scientifique de la Chine et les relations se sont beaucoup développées en 2004-2005.
Evoquant la visite par la délégation de l'Institut Pasteur de Shanghai, récemment créé en collaboration avec l'Académie des sciences de Chine (CAS), le président a cependant regretté que la montée en puissance de l'institut soit freinée, notamment pour des raisons de lenteur administrative. En effet, alors qu'il devrait disposer d'un statut juridique propre et d'une autonomie de gestion, il est toujours rattaché à la CAS et n'est donc pas formellement un laboratoire commun franco-chinois. Cette situation est regrettable, car elle retarde d'autant l'avancement des recherches dans un domaine pourtant crucial.
a ensuite brossé un tableau contrasté de la situation des médias, de l'architecture et de la culture en Chine.
Relevant le caractère très contrôlé de l'accès à l'information dans ce pays, le président a indiqué que les médias étaient en effet sous tension et sous contrôle, qu'il s'agisse des organes de presse, comme des médias audiovisuels ou d'Internet. Ils sont confrontés à l'ambiguïté d'un régime en transition. En effet, parallèlement aux réformes et à l'ouverture qu'ont connues ces secteurs, les autorités politiques contrôlent et censurent les informations diffusées.
Le nombre d'internautes a littéralement explosé (100 millions), ouvrant à la société civile de nouveaux espaces de liberté, avec notamment le développement des « blogs » et des forums de discussion, mais les autorités chinoises ont mis en place un système de censure en ligne et de blocage.
a rappelé que les médias occidentaux s'étaient d'ailleurs émus de l'engagement des grandes sociétés mondiales du secteur, comme Google, Microsoft et Yahoo! à pratiquer l'autocensure sur leur portail.
Il a ensuite estimé que le secteur de l'édition se situait entre mirage et mutation :
- mirage, parce qu'une grande partie de la population chinoise ne lit pas et que la Chine achète un nombre limité de droits de traduction ;
- mutation, parce que le potentiel de développement est important.
Il a présenté les facteurs dont semble dépendre l'avenir du livre étranger en Chine : l'efficacité de la lutte contre le piratage, l'évolution du prix public du livre (2 euros seulement en moyenne aujourd'hui), l'amélioration de la distribution et les progrès en matière de traduction.
S'agissant du secteur de la musique, le plus touché par le piratage, il a indiqué que l'avenir passerait sans doute par le numérique (téléchargement payant et sonnerie de téléphone portable).
a souligné que le domaine de l'architecture avait beaucoup retenu l'attention de la délégation, sans doute parce qu'il s'agit du secteur pour lequel les transformations sont les plus visibles, qu'elles soient négatives ou positives :
- côté négatif, il a évoqué les destructions massives et rapides des anciens quartiers de Pékin et de Shanghai ;
- côté positif, il s'est réjoui du récent souci de préserver certains quartiers de « hutong ». Ces réhabilitations - malheureusement peu nombreuses - sont inspirées à la fois par des considérations de salubrité publique et d'apaisement social, les mouvements de contestation se multipliant contre les expulsions d'habitants liées aux démolitions, mais aussi par un intérêt touristique bien compris.
Le président s'est ensuite déclaré séduit par l'architecture ultra-moderne qui se développe dans les « villes-vitrines » que sont Pékin et Shanghai, la « fièvre » immobilière laissant quand même place à une véritable politique urbanistique et architecturale.
Il a indiqué que l'organisation des Jeux olympiques de 2008, à Pékin, contribuait à la transformation de cette ville.
Il a relevé que les autorités chinoises n'hésitaient d'ailleurs pas à confier la construction d'un certain nombre d'édifices publics (musées, théâtres et opéras) à des architectes étrangers, dont certains Français (tels que M. Paul Andreu pour l'Opéra de Pékin et M. Jean-Marie Charpentier pour celui de Shanghai).
Si les autorités attachent de l'intérêt au domaine muséographique, l'expression artistique lui a semblé être en revanche le parent pauvre de cette société.
s'est enfin réjoui du « grand bond en avant » des relations culturelles franco-chinoises.
Le bilan des « Années croisées » entre les deux pays est globalement positif, même si la France a du mal à se départir de son image imperturbablement « romantique ».
Le président a estimé néanmoins possible, et souhaitable, de valoriser au mieux nos atouts culturels -ceci passe aussi partiellement par cette image- et de transmettre une vision plus moderne de la réalité de la France d'aujourd'hui. Ces deux visions sont d'ailleurs proposées par le biais de notre cinéma, qui s'exporte de mieux en mieux en Chine.
a conclu ainsi : « la Chine est bel et bien éveillée. Il appartient à la France de ne pas s'endormir ! ».