Intervention de Michel Billout

Réunion du 30 novembre 2006 à 9h30
Moyens des politiques publiques et dispositions spéciales — Compte d'affectation spéciale : contrôle et sanction automatisés des infractions du code de la route

Photo de Michel BilloutMichel Billout :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant d'aborder le détail des crédits accordés à la mission « Transports », je formulerai quelques remarques préalables sur les modalités de cette discussion. En effet, pour la seconde année, la forme du budget et de sa discussion a considérablement évolué avec l'adoption de la LOLF, censée permettre une` lisibilité accrue des objectifs de la loi de finances.

Pourtant, Je souhaiterais à ce titre souligner que, à l'étude des documents budgétaires, nous sommes parfois surpris du décalage entre les objectifs affichés et les données chiffrées correspondantes. Nous estimons que ce n'est pas le signe d'une clarification.

De plus, comment ne pas douter de la sincérité des crédits annoncés alors que la pratique des gels budgétaires et la grande souplesse permise par la LOLF reviennent à donner une grande marge de manoeuvre au Gouvernement dans l'exécution de ce budget ?

Par ailleurs, je rappellerai que la création de l'AFITF prive encore un peu plus les parlementaires de tout moyen de contrôle sur les budgets effectivement consacrés aux transports, puisque, in fine, la clef de répartition est fixée par le conseil d'administration de cette structure.

Sur le fond, lorsque nous savons que la demande de transport de marchandises et que celle de transport de voyageurs devraient augmenter, respectivement, de 40 % et de 60 % d'ici à 2025, nous ne pouvons ignorer que le développement de l'offre de transport est un enjeu majeur pour les années à venir.

De plus, ces questions se posent dans un contexte bien particulier : la crise énergétique majeure due en partie à la spéculation sur le pétrole et l'impératif de développement durable inscrit dans le protocole de Kyoto, qui exige de limiter la pollution atmosphérique.

À ce titre, nous savons qu'au niveau européen le transport utilise 30 % de l'énergie totale consommée, mais également qu'il s'agit du secteur responsable de la majorité de l'émission de gaz à effet de serre, à hauteur de 28 %. Sur cette part, la route est responsable de 93 % de ces émissions, alors que le rail y contribue pour moins de 1 %.

En France, depuis vingt ans, la part modale de la route est passée de 58 % à 80 %, celle du ferroviaire de 26 % à 12 %. Il est donc urgent de procéder au rééquilibrage afin de réduire la consommation énergétique du secteur des transports, mais également de diminuer l'émission de gaz à effet de serre. Ainsi, les pouvoirs publics ont une responsabilité particulière en la matière. Cela passe par une politique ambitieuse en vue de donner concrètement la préférence au rail et au transport fluvial.

C'est sous ce prisme que les sénateurs du groupe CRC examinent les crédits alloués à la mission « Transports ».

Ainsi, au premier abord, nous ne pouvons que nous satisfaire de l'objectif général, pointé dans le programme « Transport terrestre et maritime », de mise en oeuvre d'une politique des transports contribuant au développement durable dans ses dimensions économiques, sociales et environnementales, et ce dans un espace européen et international de plus en plus concurrentiel.

Cet objectif est même explicité par la définition des leviers d'actions que sont l'organisation de la complémentarité des modes ainsi que la prime donnée aux modes alternatifs dès que cela est possible.

Pourtant, en examinant de près les propositions chiffrées, on se rend vite compte que ces belles déclarations resteront lettre morte compte tenu de la rigueur budgétaire imposée, notamment, au domaine ferroviaire. En effet, sur la totalité des crédits de cette mission, on s'aperçoit que ceux-ci sont en recul de 9, 1 % en autorisations d'engagement et de 11 % en crédits de paiement par rapport à l'année précédente.

Dans le même temps, vous multipliez les dispositions fiscales favorables au patronat routier, notamment par des mécanismes de remboursement d'une fraction de la taxe intérieure sur les produits pétroliers, la TIPP.

Ainsi, dans le document de présentation des crédits de la mission « Transports », la dépense fiscale est évaluée à 680 millions d'euros alors que, l'année précédente, elle était estimée à 380 millions d'euros.

En outre, la clef de répartition du budget alloué à l'Agence de financement des infrastructures de transports de France créée par le Gouvernement en 2004 nous laisse circonspects. Je vous rappelle que les ressources de cette dernière sont essentiellement constituées par le produit de la vente des concessions d'autoroutes, qui a rapporté 14 milliards d'euros à l'État. Sur cette somme, seuls 4 milliards d'euros seront affectés au financement de cette agence, le reste étant utilisé pour combler le déficit de la dette.

Nous ne reviendrons pas sur l'aberration de cette décision. Alors que les dividendes devaient rapporter sur le long terme des financements importants à l'État, le Gouvernement a fait le choix de céder dans la précipitation cette rente au privé. Nous sommes donc bien dans le schéma qui socialise les pertes et qui privatise les profits.

L'année passée, la loi de finances avait entériné le vote d'une dotation à l'AFITF de 2 milliards d'euros en élargissant ses compétences au financement des contrats de plan et de projet pour 1, 1 milliard d'euros. Cette année, les ressources de l'AFITF devraient s'élever à 2, 17 milliards d'euros, dont 1, 385 milliard d'euros issus du produit de la vente des concessions d'autoroute. L'État ne versera donc plus de contribution pour les charges de service public.

Dans votre présentation, vous arguez de l'effort accompli pour financer les projets ferroviaires. Cependant, pour afficher un financement de 75 % des projets ferroviaires, vous ne prenez en compte que les crédits qui serviront à financer les grands projets décidés par le CIADT de décembre 2003, soit 37 % de l'ensemble des crédits. Nous ne pouvons que constater que ces financements sont en recul par rapport à l'année précédente, passant de 890 millions d'euros à 810 millions d'euros.

Sur l'ensemble du budget de l'AFITF, nous remarquons que 45 % des crédits seront affectés à des projets routiers, tandis que 55 % d'entre eux concerneront les autres modes : ferroviaires, maritimes et fluviaux. Nous sommes donc loin des déclarations d'intention du Gouvernement.

Nous regrettons également l'absence de précision sur les sommes qui seront allouées pour le financement des transports urbains collectifs.

L'AFITF finance aussi la réalisation des contrats de plan à hauteur de 1, 367 milliard d'euros, ce qui correspond à 63 % de ses crédits.

À ce titre, je voudrais vous remercier, monsieur le ministre, d'avoir précisé que les engagements de l'État seraient tenus. Mais s'agit-il de ceux qui ont été initialement pris en 2000 ou de la décision du dernier comité interministériel d'aménagement et de compétitivité des territoires, le CIACT, à savoir que seuls les projets inscrits au contrat de plan et dont les travaux auraient commencé seraient menés à terme ?

Dans ce CIACT, comme dans vos déclarations, monsieur le ministre, les partenariats public-privé ont également été privilégiés. Si nous ne sommes pas opposés par principe à la participation du privé au financement des transports, nous pensons pour autant qu'il ne peut s'agir du modèle de référence. En effet, le secteur privé ne peut investir que dans le cadre d'opération où la rentabilité est assurée, indépendamment de toute notion service public.

En effet, nous estimons que la mise en oeuvre d'une véritable politique des transports nécessite une intervention publique importante, afin de garantir pour tous l'accès à des transports de qualité dans le cadre du développement durable. Cet objectif demande des moyens accrus pour les opérateurs publics, outil de la puissance publique pour le rééquilibrage modal déjà évoqué.

Donner la prime aux transports alternatifs passe notamment par une politique ambitieuse de financement à la fois des réseaux, mais également de l'activité ferroviaire. Mais c'est l'inverse qui est proposé avec ce budget.

Premièrement, la SNCF aussi bien que RRF sont étranglés par le poids de la dette, qui atteint plus de 40 milliards d'euros. Pourtant, d'année en année, votre budget restreint la participation de l'État au remboursement de celle-ci. Ainsi, cette année, sont confirmées les diminutions, proposées l'année précédente, de 50 millions d'euros concernant la reprise de la dette de la SNCF et de 70 millions d'euros pour la reprise de la dette de RFF. Et cela sans compter l'amendement présenté par la commission des finances tendant à réduire encore cette participation de 100 millions d'euros !

Deuxièmement, en ce qui concerne les infrastructures ferroviaires, vous essayez de faire la démonstration d'un effort particulier en faveur de la rénovation du réseau. En effet, c'est incontestable, les crédits affectés à la subvention pour la régénération augmentent de 92 millions d'euros par rapport à la loi de finances proposée l'an dernier.

Cependant, cet effort reste un simple jeu d'écriture : les 92 millions d'euros supplémentaires dégagés sont rendus possible à la fois par une baisse, à hauteur de 70 millions d'euros, de la participation à la reprise de la dette de RFF à la suite de l'adoption de l'amendement l'année précédente, et par une diminution, à hauteur de 72 millions d'euros, de la contribution aux charges d'infrastructures versées à Réseau Ferré de France.

Autrement dit, c'est principalement RFF qui financera les efforts pour la régénération du réseau. Cette baisse de crédits pour RFF trouve une justification très simple : il faut que les usagers contribuent davantage aux financements des transports.

Les péages dus à Réseau Ferré de France par la SNCF ont augmenté de 32 % depuis 2003. Ils passeront de 2, 285 milliards d'euros en 2006 à 2, 418 milliards d'euros en 2007. C'est cette augmentation des péages qui justifie la baisse de la subvention aux charges d'infrastructures de 72 millions d'euros.

Il est également fortement suggéré à RFF de se séparer de son patrimoine foncier pour financer ses activités de service public. C'est le sens de l'amendement présenté par la commission des finances.

Pourtant, selon vos propos devant les députés, monsieur le ministre, lors de l'examen des crédits de cette mission, l'effort consenti pour la régénération des infrastructures ferroviaires aurait dû atteindre, l'année prochaine, 260 millions d'euros. Nous souhaiterions des explications, car ce ne sont pas les mêmes chiffres que nous retrouvons dans les « bleus » budgétaires. Est-ce uniquement RFF qui devra financer ces 260 millions d'euros ?

Par ailleurs, l'audit de l'école polytechnique de Lausanne avait chiffré les besoins d'investissement dans les réseaux à 5, 5 milliards d'euros d'ici à 2015, ce qui correspond à un effort de 500 millions d'euros par an. On est donc loin du compte, et nous aurions souhaité une implication plus grande de la puissance publique.

Pour toutes ces raisons, pour celles que je n'ai pas eu le temps d'évoquer, et parce que ce budget, loin de permettre le rééquilibrage modal, fait le choix de la mise en concurrence entre les différents acteurs de transports, les sénateurs communistes républicains et citoyens ne peuvent approuver les orientations du Gouvernement pour cette mission.

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