Intervention de Daniel Reiner

Réunion du 30 novembre 2006 à 9h30
Moyens des politiques publiques et dispositions spéciales — Compte d'affectation spéciale : contrôle et sanction automatisés des infractions du code de la route

Photo de Daniel ReinerDaniel Reiner :

Le terme de ce bonheur a été fixé !

À l'origine, l'AFIFT a été créée pour sanctuariser des crédits, concourir au financement d'infrastructures essentiellement ferroviaires, fluviales ou portuaires, ainsi qu'à la création et au développement de liaisons maritimes régulières - conformément au décret de 2004 - et elle devait utiliser 80 % de son budget pour financer des projets alternatifs à la route.

Qu'en est-il à présent ? En modifiant, cet été, le décret de création de l'AFIFT, celle-ci est devenue un fourre-tout : vous avez étendu ses missions et inversé ses priorités. Désormais, elle est en charge des contrats de plan, des transports urbains et même de la protection du littoral ! Au bout du compte, la route recueillera, cette année, 45 % des crédits, les autres modes de transport se partageant le reste. Ainsi, près de 1 milliard d'euros sont inscrits à son budget pour le financement d'infrastructures routières et 1, 185 milliard d'euros pour les autres infrastructures.

Naturellement, en décidant de doter le budget de l'AFIFT d'un peu plus de 2 milliards d'euros en 2007, dont 1, 3 milliard d'euros sur les fameux 4 milliards d'euros issus de la vente des concessions autoroutières, vous présentez un budget équilibré. Mais vous pouvez ainsi vous soustraire au versement de la dotation annuelle d'État inscrite dans les statuts de l'agence.

Votre satisfaction risque d'être de courte durée, car, avec ce budget, l'AFIFT aura consommé les deux tiers des 4 milliards d'euros qui lui ont été affectés. Cela signifie clairement que, dès 2009, elle sera dans l'incapacité de financer les grands projets du CIADT. On peut faire les calculs dès maintenant : il manquera 7 milliards d'euros !

Vous avez d'ailleurs vous-même estimé, monsieur le ministre, que la France serait confrontée à un moment de vérité s'agissant du financement de ses infrastructures. Nous pensions avoir surmonté ce problème avec la création de l'AFIFT. Hélas ! deux ans après, il se pose de nouveau. Avouez qu'il est tout de même préoccupant qu'un ministre des transports se déclare inquiet, sachant que sa majorité a en main, depuis cinq ans, les clefs pour agir.

À l'évidence, les parlementaires souhaiteraient avoir connaissance du rapport sur le fonctionnement et le financement de l'agence, conformément à l'engagement qui a été pris en la matière.

J'évoquerai à présent le programme « Transports terrestres et maritimes ».

La somme dévolue à cette ligne baisse de près de 100 millions d'euros cette année : elle est dotée de 2, 5 milliards d'euros aujourd'hui, contre 2, 6 milliards d'euros en 2006. Toutefois, à bien y regarder, cette baisse est imputable à l'État, puisque la diminution de ses participations représente 300 millions d'euros, alors qu'au même moment s'ajoutent 200 millions d'euros au travers des fonds de concours.

Cette baisse de 300 millions d'euros affecte directement les infrastructures de transports en commun et le secteur ferroviaire. Une fois de plus, c'est ce dernier qui sera victime de la baisse, car même s'il est présenté comme économe en énergie et répondant en ce sens à la prise en compte du développement durable, globalement, il est insuffisamment soutenu ; je citerai quelques exemples.

Le fret ferroviaire, réelle alternative à la route, recule d'année en année. Dans un récent communiqué de presse, la SNCF constate que le plan fret, lancé voilà trois ans, n'a pas donné les résultats escomptés, puisque la diminution en volume n'a pas permis d'atteindre l'équilibre financier.

Il est tout de même désespérant de constater que la SNCF transporte moins de 40 milliards de tonnes par kilomètres aujourd'hui, contre 57 milliards de tonnes voilà une quinzaine d'années, alors même que d'autres pays font la preuve qu'il est possible de faire mieux : en Allemagne, on achemine aujourd'hui 103 milliards de tonnes par kilomètre. Même la Pologne fait mieux que nous !

La demande existe, mais elle est absorbée par le transport routier, qui connaît une ascension fulgurante et culmine aujourd'hui à plus de 214 milliards de tonnes par kilomètre !

Quant à l'équilibre financier, il semble qu'il ne soit pas au rendez-vous : la perte est évaluée entre 100 et 150 millions d'euros pour l'année 2006.

Comme nous le craignions, la mise en place du plan fret s'est traduite par la perte de clients et des milliers de tonnes de marchandises ont été transportées par la route.

S'agissant des engagements de recapitalisation pris par l'État et la SNCF, j'ai appris qu'ils avaient été tenus il y a quelques jours à peine, en contrepartie de l'engagement, à l'égard de la Commission européenne, d'ouvrir à la concurrence le fret ferroviaire quelques mois auparavant

Plus généralement, s'agissant de la SNCF, le transport de voyageurs se porte plutôt bien, grâce aux efforts des régions et des grandes villes pour développer les TER. Toutefois, deux questions demeurent.

D'abord, le problème lancinant des retraites est à l'ordre du jour depuis plusieurs années, sans que nous ayons progressé : il s'agit de 7 milliards d'euros !

Ensuite, la dette du système ferroviaire reste au même niveau, soit plus de 40 milliards d'euros, depuis cinq ans. Si cette hypothèque n'est pas levée, les difficultés du système ferroviaire s'aggraveront. En clair, les sommes qui sont affectées au désendettement du système ferroviaire sont véritablement insuffisantes, mais c'est vous qui en avez ainsi décidé.

Vous avez aussi décidé de réduire les crédits dédiés au transport combiné, qui est un transport intelligent. À l'évidence, nous ne pouvons être satisfaits de cette décision.

Il faudra également demander à RFF de mettre un terme aux hausses des péages, qui deviennent insupportables pour la SNCF et les régions.

En revanche, j'ai noté un point positif : vous êtes revenus sur la mesure inique que vous aviez prise l'année dernière en décidant de capter, en quelque sorte, le patrimoine immobilier inutile à la mission de service de RFF ; vous avez décidé, par amendement, d'en reverser non plus une partie, mais la totalité.

Tel est, monsieur le ministre, le tableau qui peut être brossé de votre politique des transports. Le bilan est assez sévère : désengagement de l'État et un budget qui n'est pas à la hauteur des ambitions que devrait servir une politique nationale des transports.

Lors du débat à l'Assemblée nationale, un député a souhaité bonne chance à votre successeur. Le moins que l'on puisse dire, c'est que la situation dont il héritera ne sera pas simple à gérer.

Vous comprendrez pourquoi, monsieur le ministre, le groupe socialiste non seulement ne votera pas les crédits de cette mission, mais s'y opposera fermement.

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