Intervention de Jean Canneva

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 18 juin 2009 : 1ère réunion
Les femmes dans les lieux privatifs de liberté — Audition de M. Jean Canneva président de l'union nationale des amis et familles de malades psychiques unafam

Jean Canneva, président de l'Union nationale des amis et familles de malades psychiques (UNAFAM) :

a d'abord rappelé que l'UNAFAM était une association d'utilité publique qui regroupait 15 000 familles concernées par la maladie mentale sévère d'un proche : psychose, schizophrénie, troubles maniaco-dépressifs qui empêchent le malade de mener une vie normale, et affectent par contrecoup l'ensemble de l'équilibre familial. Il a estimé que le nombre de malades relevant de cette catégorie s'inscrivait dans une fourchette de 600 000 à 1 million de personnes, et que, si l'on prenait aussi en compte le nombre de leurs familles, c'était en totalité 2 à 3 millions de personnes qui étaient ainsi concernées par la maladie mentale.

Il a déploré que les pouvoirs publics ne consacrent pas à cette population une attention proportionnelle à son importance numérique. Il a relevé que les personnes qui étaient autrefois placées en asile, se retrouvaient aujourd'hui le plus souvent à la charge des familles, tout en convenant que cette situation présentait aussi des avantages pour les malades mentaux.

Il a cependant insisté sur l'épreuve que constitue pour une famille la confrontation avec la maladie mentale d'un proche, qu'il s'agisse du désarroi des parents qui ne reconnaissent plus la personnalité de leur enfant, ou des éléments les plus jeunes d'une fratrie qui ne peuvent plus s'identifier au modèle que constituait leur aîné devenu malade.

Il a précisé que l'association se proposait trois missions principales : l'accueil, la formation des familles et leur représentation institutionnelle.

L'accueil était assuré, notamment par un centre d'écoute téléphonique qui recevait environ 800 appels par mois, d'une durée moyenne de 20 minutes chacun ; cet accueil nécessite une grande attention, car ce n'est qu'au terme d'un cheminement difficile que la famille reconnait la réalité de la crise qui affecte l'un de ses membres, et surmontera une attitude de déni qui constitue le plus souvent la première ligne de défense de l'univers familial.

La formation des familles constitue la seconde mission de l'association : il s'agit de les aider à reconstruire un lien social, en s'adressant à eux de pair à pair, et en leur faisant sentir qu'elles ne sont pas toutes seules.

Enfin, la représentation institutionnelle des familles est la troisième de ces missions.

a ensuite évoqué les trois séries de dispositions législatives de référence que constituent les articles 440 à 476 du code civil relatifs aux tutelles et curatelles, les dispositions de la loi n° 90-527 du 27 juin 1990, relatives aux droits des personnes hospitalisées en raison de leurs troubles mentaux et à leurs conditions d'hospitalisation, qui définissent notamment le régime d'hospitalisation sur demande d'un tiers et de l'hospitalisation d'office, ainsi que l'article 122-1 du code pénal.

Il a regretté que le rapport récemment présenté par M. Alain Milon, sur la prise en charge psychiatrique en France, n'ait pas accordé au problème de l'hospitalisation sans consentement l'importance qu'il mérite à ses yeux, et reflète un point de vue qui n'est pas celui de ceux qui sont confrontés, de l'intérieur en quelque sorte, à la maladie mentale.

Tout en estimant que l'hospitalisation sous contrainte posait en effet un délicat problème de gestion de la liberté, M. Jean Canneva a considéré qu'elle répondait à une nécessité pour les personnes les plus gravement atteintes, et qui ne se rendent souvent même plus compte de la nécessité de se soigner.

Il a jugé que les développements consacrés aux hôpitaux psychiatriques par le rapport du contrôleur général des lieux de privation de liberté faisaient preuve d'une approche pertinente et subtile de la problématique de l'hospitalisation sous contrainte.

Il a ensuite énuméré les principales exigences posées par l'UNAFAM pour le secteur psychiatrique : la désignation de l'autorité de proximité responsable de la décision d'hospitalisation ; la présence de représentants de l'association dans le dispositif pour porter un regard indépendant sur le fonctionnement du système et obliger les établissements à remédier à leurs insuffisances ; le développement d'une concertation entre le secteur médical et le secteur social, ne serait-ce que pour préparer la prise en charge du patient à la sortie de l'hôpital ; l'obligation de procéder à une évaluation régulière.

a ensuite rappelé que l'UNAFAM s'était très vigoureusement opposée au projet présenté par un précédent ministre de l'intérieur qui avait envisagé d'intégrer des mesures relatives à la santé mentale dans son dispositif de prévention de la délinquance, expliquant à quel point il était insupportable pour les familles de malades que leurs proches soient assimilés à des délinquants. Il a cependant jugé souhaitable l'adoption d'une nouvelle loi sur la santé mentale.

Il a estimé que les lieux fermés étaient davantage sujets que les autres à des phénomènes d'entropie, sources de dérapages, et appelaient de ce fait une vigilance renforcée. Il a déploré un certain nombre d'évolutions tendant aujourd'hui à faire des hôpitaux psychiatriques des lieux de plus en plus fermés, alors qu'en principe un hôpital est un lieu de soins ouvert. Ainsi par exemple, dès lors qu'une personne détenue est envoyée en hôpital psychiatrique, c'est l'ensemble de l'établissement qui tend à se fermer.

Il a insisté sur le respect de la dignité du malade, estimant par exemple qu'il était préférable de les laisser porter leurs vêtements plutôt que de leur imposer des pyjamas.

Il a estimé qu'il n'était pas normal d'accueillir les jeunes patients dans les mêmes centres que des adultes gravement atteints, car ce voisinage était de nature à compromettre leur espoir de guérir.

Il a jugé que la protection des personnes devait faire l'objet d'une attention renforcée, d'autant plus indispensable que les personnes en crise ne sont pas en état de se défendre.

Considérant qu'il ne suffisait pas de fixer des normes mais qu'il convenait aussi de s'assurer de leur respect, il a insisté sur l'intérêt que pouvait présenter, dans cette perspective, la visite régulière des représentants de l'association bien au fait des réalités, et qui peuvent servir d'interlocuteurs aussi bien aux patients qu'au personnel infirmier.

Il a jugé indispensable que les représentants de l'UNAFAM ne soient pas cantonnés à une présence formelle au sein du conseil d'administration des hôpitaux, mais qu'ils soient effectivement présents dans les lieux de proximité, et dans les commissions mixtes paritaires, pour compenser le fait que les malades n'ont plus la capacité de faire valoir leurs demandes ou d'exprimer eux-mêmes leurs besoins.

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