a fait observer que la notion de « mal-être au travail » ou de « souffrance au travail » ne se réduit pas aux risques psychosociaux ; elle revêt diverses formes, qui tendent toutes à remettre en cause la « valeur travail ».
Historiquement, la perception du travail a évolué et n'est pas allée sans contradictions. Condamnation divine ou torture, le travail a été sublimé dans la figure du « prolétaire infatigable », qui exprimait la fierté du travailleur-producteur mais pouvait se concilier avec l'éloge du « droit à la paresse ». Poussées par la nécessité et, dès 1914-1918, par les besoins de l'industrie de guerre, les femmes, en se portant massivement aux postes de travail, ont lié l'obligation de travailler pour vivre avec la conquête d'une des bases de la liberté : la capacité de subvenir seules à leurs besoins. Elles ont, en même temps, pris conscience de la dureté des conditions de travail avait pu faire oublier, à savoir que le travail est un facteur d'équilibre, d'ouverture sur le monde et d'insertion sociale. La réalité des conditions de vie et de travail va cependant encore trop souvent à l'encontre de cette vision positive, même si la plus grande aliénation reste celle des victimes de l'exclusion ou de la désinsertion professionnelle.
La souffrance physique directe, liée à la fatigue musculaire ou aux accidents du travail, tend à se stabiliser, voire à diminuer, du fait de la désindustrialisation, de l'automatisation de nombreuses tâches et des efforts de prévention des risques professionnels. En revanche, les maladies professionnelles engendrées par des produits ou des processus, dont les effets nocifs sont parfois différés, sont préoccupantes : elles résultent de risques biologiques, cancérigènes, bactériologiques, génétiques, neurotoxiques ou de troubles musculo-squelettiques (TMS). D'autres souffrances sont liées au développement des tâches productives intellectuelles et immatérielles, à l'intensification du travail et au retentissement sur la vie personnelle de modes d'organisation tels que le travail en « flux tendu » ou la flexibilité.
a indiqué que c'est cette approche large de la souffrance au travail qui sous-tend l'enquête Sumer (Surveillance MEdicale des Risques professionnels) en cours. Cette enquête a pour objectif de décrire l'ensemble des expositions liées aux postes de travail auxquelles sont soumis les salariés, de caractériser ces expositions (durée et intensité) et de décrire les protections collectives ou individuelles mises en place par les entreprises. Les thèmes abordés sont les contraintes organisationnelles et relationnelles, les ambiances et contraintes physiques et l'exposition à des produits chimiques. Par ailleurs, un auto-questionnaire porte sur la vision qu'a le salarié de son travail. Le champ de l'enquête a été étendu à certains segments de la fonction publique d'Etat et territoriale.
La deuxième vague de l'enquête Sip (santé et itinéraires professionnels), impulsée par la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) et la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) avec le concours de l'Insee, va avoir lieu en 2010 et comprendra un questionnaire renforcé sur les risques psychosociaux. Cette enquête permettra de faire le lien entre itinéraires professionnels, pénibilité du travail et état de santé.
L'enquête « Conditions de travail » de 2005, conduite par la Dares et l'Insee, a établi des comparaisons entre les risques psychosociaux chez les salariés et les non-salariés. Elle met en évidence une exposition comparable sur certains aspects - intensité, exigences émotionnelles, insécurité - mais ses résultats restent à approfondir.
Sur un champ plus restreint, l'enquête Eva (Vieillissement en agriculture), menée par la mutualité sociale agricole (MSA) auprès des salariés agricoles, a montré un lien entre l'insuffisance ressentie de la reconnaissance du travail accompli, la consommation de psychotropes et la fréquence des consultations médicales.
Le collège sur les risques psychosociaux rassemble des experts indépendants internationaux, qui ont pour premier objectif de préciser ce qui doit être mesuré pour mieux apprécier le niveau des risques psychosociaux au travail. Il a examiné le questionnaire de la deuxième vague de l'enquête Sip et établi une liste d'indicateurs provisoires. Il rendra, en fin d'année 2010, un rapport conclusif qui précisera les évolutions à apporter au dispositif d'enquêtes pour appréhender de façon satisfaisante les risques psychosociaux en France dans l'ensemble de la population active.
Les travaux réalisés par l'institut national de recherche et de sécurité (INRS), en 2007, sur le coût du stress professionnel en France l'évaluent, a minima, entre 1,9 et 3 milliards d'euros, en incluant le coût des soins et la perte de richesse pour cause d'absentéisme, de cessation précoce d'activité et de décès prématuré.