a insisté sur le fait que les risques psychosociaux n'entraînent pas seulement des problèmes de santé mentale, dont l'anxiété et la dépression, mais aussi des maladies cardio-vasculaires ou des troubles musculo-squelettiques. Selon le collège d'experts précité, qui a procédé à une revue des travaux internationaux sur le sujet, l'accroissement du risque de ces pathologies est de 50 % à 100 % en cas d'exposition aux risques psychosociaux. Ainsi, au Québec, la tension au travail est un facteur de risque de maladies cardiovasculaires comparable à la sédentarité, au tabac et à l'hypercholestérolémie.
Il existe deux grands modèles d'analyse des risques psychosociaux :
- le modèle de Karasek, qui met l'accent sur l'organisation du travail et sur le déséquilibre entre les exigences du travail et l'autonomie décisionnelle. Le soutien social (collègues, hiérarchie) intervient dans ce modèle, pour limiter ou amplifier l'effet de ce déséquilibre ;
- le modèle de Siegrist, qui met l'accent sur le déséquilibre entre exigences du travail et « récompense » (salaire, sécurité d'emploi, reconnaissance par la hiérarchie).
Sur ces bases théoriques, le collège d'experts a, dans son premier rapport, distingué six composantes des risques psychosociaux :
- les exigences du travail (quantité de travail, pression temporelle, caractère haché du travail, rythme et complexité du travail, difficultés de conciliation entre vie personnelle et vie professionnelle) ;
- les exigences émotionnelles (contact avec la souffrance, tensions avec le public, obligation de cacher ses émotions, peur au travail) ;
- l'autonomie, les marges de manoeuvre dans l'organisation et l'exécution du travail ;
- les rapports sociaux en milieux de travail (absence de soutien social, violence au travail, manque de reconnaissance des efforts) ;
- les conflits de valeurs (ne pas avoir les moyens de faire un travail de qualité, devoir faire des choses que l'on désapprouve) ;
- l'insécurité de l'emploi et du salaire.
Pour lutter contre les risques psychosociaux, il faut améliorer, notamment, la prévisibilité des emplois du temps, la stabilité des équipes de travail et la coopération en leur sein, les pratiques hiérarchiques (cohérence et explicitation des consignes, réponse aux interrogations des salariés, reconnaissance du travail accompli, etc.), les conditions d'accueil sur les nouveaux postes et l'accès à la formation professionnelle, la définition des postes de travail et prévoir l'existence de lieux de discussion sur le travail.
En ce qui concerne l'éventuelle reconnaissance en tant que maladie professionnelle, non pas du stress, mais de ses conséquences sur l'intégrité physique et mentale des travailleurs, c'est une question sur laquelle il appartient aux pouvoirs publics, aux organismes de sécurité sociale et aux partenaires sociaux de se prononcer.
En septembre 2006, face à la montée des problèmes psychosociaux, le ministre du travail avait demandé à la commission spécialisée « maladies professionnelles » du CSPRP de conduire une réflexion sur la possibilité d'inscrire les psychopathologies dans les tableaux de maladies professionnelles. Dans son rapport « Psychopathologies et travail », remis le 24 août 2007, elle dresse un état des lieux des problèmes rencontrés et un inventaire des différentes approches permettant une réparation de ces risques dans le cadre de la réglementation des accidents du travail et des maladies professionnelles (AT-MP). Le rapport propose de confier d'abord à une instance médicale collégiale le soin d'établir la liste des pathologies concernées puis un groupe d'experts pluridisciplinaire, comprenant un ergonomiste, devrait examiner les situations de travail susceptibles d'être retenues.
Il appartiendrait ensuite à l'administration soit de créer un tableau de maladies professionnelles avec une liste limitative de travaux, soit d'aménager le règlement des comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles, soit d'élaborer une mesure législative originale pour tenir compte du caractère très spécifique de ces pathologies.
a ajouté que l'institut de veille sanitaire (InVS) et le ministère du travail ont mené trois enquêtes de terrain, en 2006 et 2007, fondées non sur des questionnaires mais sur plus de 33 500 consultations, obligatoires pour la plupart, effectuées auprès de 283 médecins du travail de la région Provence-Alpes Côte-d'Azur. Elles ont montré que la prévalence des maladies psychosociales est passée de 1,2 % à 1,4 %, celles-ci étant à la deuxième place des maladies à caractère professionnel, juste derrière les TMS et bien avant les problèmes auditifs et les troubles de la vue. Le réseau national de vigilance et de prévention des pathologies professionnelles indique que, en 2007, les consultations pour risque psychosocial s'inscrivent, pour la première fois, à la première place des consultations pour pathologies professionnelles en France et représentent 27 % des motifs de consultation.
Pour sa part, le rapport publié en 2008 par la commission Diricq, instituée pour évaluer le coût, pour l'assurance maladie, de la sous-déclaration des maladies professionnelles, note que la non-prise en compte des risques psychosociaux par la branche AT-MP et la sous-déclaration massive qu'elle entraîne ont des conséquences graves, en empêchant la construction d'un référentiel clinique adapté et en favorisant les insuffisances de diagnostic sur les origines des troubles psychiques et, par là-même, l'inadaptation des soins, la surconsommation de psychotropes et la chronicisation de la maladie. Elle est sans doute à l'origine d'une augmentation significative des dépenses médico-sociales afférentes. Le caractère multifactoriel de ces maladies pose cependant l'épineuse question du lien de causalité entre le travail et la pathologie.