Intervention de Daniel Canepa

Délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation — Réunion du 24 mai 2011 : 1ère réunion
Rôle et organisation du corps préfectoral dans l'accompagnement de la décentralisation — Audition de M. Daniel Canepa président de l'association des membres du corps préfectoral

Daniel Canepa, président de l'Association des membres du corps préfectoral :

Un certain nombre de vos réflexions ont finalement porté sur des points majeurs pour le corps préfectoral et le président de l'association. Au fond, la question est de savoir comment obtenir un préfet qui soit de « qualité » ? Je pense que trois composantes sont essentielles : la personnalité, le parcours, et les conditions de choix dans le recrutement ou dans la nomination.

La personnalité est fondamentale. Avant de nommer une personne préfet, il faut s'assurer qu'elle ait au moins trois qualités : le courage, le respect de l'interlocuteur (écouter, comprendre et analyser les arguments avancés, etc.) et le sens de la pédagogie. Ces qualités ne sont pas les seules, mais elles me paraissent essentielles lorsque l'on procède à une nomination.

La deuxième composante d'un préfet de « qualité » est le parcours. C'est d'ailleurs assez curieux : dans tous les métiers, nous demandons une certaine expérience, alors que dans celui-ci, à un certain moment, nous estimons que ce n'est pas nécessaire. Or, je m'inscris en décalage par rapport aux habitudes, de droite et de gauche, consistant à nommer, parfois, des personnes pour des raisons autres que leur parcours précédent. Lorsque nous détectons des gens de qualité, susceptibles de devenir préfet, j'estime qu'il faut les placer dans un sas de responsabilités, en tant que sous-préfet, et à des postes exposés, pour vérifier s'ils correspondent aux critères de qualité que je viens de développer. Or, ce n'est pas toujours le cas, et je le regrette en tant que président de l'association.

Concernant la neutralité, je pense que le préfet ne doit pas être sans « odeur » ni « saveur ». Il faut avoir du caractère pour endosser de telles responsabilités : c'est un métier où nous sommes seuls, solitaires, et où nous avons une totale liberté - malgré les apparences - en tout cas, celle que l'on veut bien se donner ou prendre. Et effectivement, il y a un risque, comme dans toutes responsabilités, celui d'apprendre sa mutation soudaine un mercredi, jour de nomination des préfets. Avoir du caractère est une nécessité pour traiter les gens comme ils doivent l'être, c'est-à-dire avec équilibre et intelligence, en fonction de ce qu'ils portent comme projet et non en fonction de leurs étiquettes. C'est ma déontologie du métier.

Après, vous me direz que vous avez rencontré M. X et Mme Y qui ne correspondent pas à cette description. Bien sûr, mais dans tous les métiers il existe des différences, il y a des bons et des moins bons. J'entends bien qu'il faudrait qu'il n'y ait que des bons et être plus attentif au moment du recrutement. Je peux vous assurer que, durant les trois années où j'ai exercé mes fonctions de secrétaire général au sein du ministère de l'Intérieur, je n'ai jamais proposé quelqu'un de médiocre. Je n'ai jamais transformé mon bureau en officine de qui que ce soit. Ma conviction, c'est qu'à partir du moment où vous donnez une certaine image, vous avez en retour le respect qui fait que l'on ne vous sollicite pas de manière excessive et anormale.

Quant au nombre de préfets ou de membres du corps préfectoral qui ont intégré des collectivités territoriales, je ne peux pas vous le renseigner. Il y en a eu beaucoup en 1982/1983, il y en a peu aujourd'hui. C'est une bonne chose qu'il y en ait moins, mais il en faut. Nous assistons à une amélioration très nette de la qualité des administrateurs territoriaux. Cela n'empêche pas les turn-over, et, d'ailleurs, certains administrateurs territoriaux viennent dans le corps préfectoral pour y travailler quelques années, voire y demeurer.

Dans le corps des sous-préfets, vous avez parlé d'une dégradation. Vous avez, en partie, raison. C'est un sujet extrêmement lourd. J'ai la conviction, partagée au niveau de l'association - et elle va à l'encontre de ce que vous pensez vraisemblablement - que la carte des arrondissements n'est plus adaptée, actuellement, à un bon recrutement. Aujourd'hui, il est extrêmement difficile de dire à son époux ou son épouse que vous partez dans une ville à faible population, que vous allez y rester un peu plus longtemps que la durée habituelle - trois à quatre ans, le turn-over ayant ralenti. Or, comme votre conjoint(e) a une autre profession, vous vivrez séparés. Lorsque j'étais sergent recruteur à la sortie de l'ENA en tant que membre du corps préfectoral, j'ai entendu des jeunes femmes me confier qu'elles aimeraient exercer ce métier, mais qu'elles ne pourraient pas parce qu'elles avaient envie d'avoir une vie de famille. C'est la réalité. Nous ne pouvons pas vouloir une chose et son contraire. En clair, nous voulons améliorer la qualité du métier en diminuant le nombre de postes et en fermant des sous-préfectures. C'est un sujet qui nous oppose avec le ministère, car modifier la carte des arrondissements n'est pas très populaire. Je le comprends et le conçoit, mais si nous ne le faisons pas, la situation continuera à se dégrader.

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