Intervention de Catherine Tasca

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 14 juin 2006 : 1ère réunion
Traités et conventions — Diversité des expressions culturelles - examen du rapport

Photo de Catherine TascaCatherine Tasca, rapporteur :

a rappelé combien la préservation du patrimoine commun de l'humanité constituait, dans un monde de plus en plus globalisé, un impératif éthique, culturel et démocratique. L'UNESCO, dans sa déclaration universelle du 2 novembre 2001 sur la diversité culturelle, a confirmé l'importance d'un engagement international en faveur de la « féconde diversité des cultures », face aux risques d'homogénéisation et de repli identitaire liés à la mondialisation. La convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles a été adoptée par l'UNESCO, le 20 octobre 2005, à une écrasante majorité (148 Etats pour, 2 Etats contre, Etats-Unis et Israël et 4 abstentions, Australie, Honduras, Libéria, Nicaragua). Elle comble un vide juridique en instaurant un cadre mondial de promotion de la diversité culturelle.

a souligné qu'au niveau international, l'Organisation de la francophonie et tout particulièrement son secrétaire général, Abdou Diouf, avaient soutenu efficacement l'avant-projet de cette convention à l'UNESCO. L'Union européenne, après quelques tergiversations, a adopté cette convention lors de la réunion du conseil des ministres de la culture les 18 et 19 mai 2006. Un rôle moteur a été joué par le Canada, le Québec et la France, qui a mené une politique publique volontariste continue à travers les alternances politiques. Elle a souligné qu'au cours des dernières années, il s'était avéré nécessaire de dépasser le débat sémantique entre « exception culturelle » et « diversité culturelle », cette dernière expression recueillant à l'évidence une plus large adhésion. Elle a mis en lumière le risque réel que constituait l'uniformité culturelle, incarnée par la disparition de nombreuses langues et la prééminence culturelle des Etats-Unis, pour qui la diffusion des produits cinématographiques, télévisuels et musicaux constitue une source de profits économiques et un réel pouvoir d'influence. Face à ce déséquilibre, chaque pays doit pouvoir participer au développement de ses propres industries culturelles et aider les Etats qui n'ont pas, économiquement, les moyens de soutenir ou diffuser leurs expressions culturelles.

a insisté sur le caractère novateur de la convention, consacré par la reconnaissance de la nature spécifique du champ culturel et celle du droit souverain des Etats d'adopter et mettre en oeuvre des politiques culturelles. Ce droit consiste en une permission d'agir donnée au gouvernement, l'aspect « protectionniste » que pourrait, aux yeux de certains, présenter cette convention étant compensé par le développement de la coopération internationale en faveur, notamment, des pays les moins bien dotés.

Elle a souligné que la diversité culturelle recouvrait l'ensemble des formes par lesquelles les cultures des sociétés s'expriment et reposait sur tous les supports technologiques utilisés, aujourd'hui ou demain.

Elle a fait état des éventuelles faiblesses que pouvait néanmoins comporter cette convention : les ressources du fonds international pour la diversité culturelle, l'interaction de cette convention avec le traité de l'organisation mondiale du commerce (la convention ne préjugeant pas de l'inclusion ou de l'exclusion des biens et services culturels dans les accords commerciaux) ; une procédure de résolution des litiges laissée à la discrétion des parties et non assortie de clauses contraignantes. Toutefois, ces faiblesses ne doivent pas masquer le progrès incontestable que représente cette convention : si le mécanisme de règlement des différends n'est pas contraignant, il amène toutefois les Etats à soumettre leurs litiges à un mécanisme spécialement prévu pour que des considérations culturelles et non commerciales soient prises en compte.

a exprimé le souhait que le poids de la convention soit renforcé par une mobilisation internationale. La convention pourra entrer en vigueur trois mois après la date du dépôt du trentième instrument de ratification. La communauté européenne s'est engagée, le mois dernier, dans la voie de la ratification et a exprimé le souhait que le plus grand nombre de ses Etats membres dépose rapidement leurs instruments de ratification. Le Canada, l'Ile Maurice et le Burkina Faso ont déjà ratifié cette convention. Il est indispensable que le plus grand nombre d'Etats possible adhère officiellement à la convention, afin de lui conférer une autorité politique internationale s'appuyant sur une véritable masse critique afin, notamment, d'envoyer un signal fort aux Etats économiquement fragiles qui pourraient se laisser tenter par les conventions bilatérales de libéralisation des biens culturels proposées par les Etats-Unis. La communauté francophone, au sein de laquelle la France a toujours un rôle moteur devra, avant le sommet de Bucarest (septembre 2006), ratifier cette convention et convaincre le plus grand nombre de ses interlocuteurs francophones à s'engager au plus vite dans la même voie. La France pourrait également, afin d'accroître l'efficacité de cette convention, proposer la création d'observatoires régionaux, qui permettraient d'effectuer des comparaisons entre les actions menées par les différents Etats pour promouvoir la diversité culturelle. La France sera d'autant plus crédible dans son rôle moteur en faveur de cette convention qu'elle saura fortifier sa propre politique au niveau national (avances sur recettes, fonds Sud cinéma, plan image-archives...) et qu'elle sera vigilante, au plan européen, pour que l'Union tire toutes les conséquences de cette convention (directive Télévision sans frontières, programme Média...).

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