a rappelé que la discussion sera organisée en trois séquences, la première consacrée à une analyse du contexte stratégique présent et prévisible à moyen terme, ainsi qu'aux conséquences à en tirer sur le rôle de la dissuasion, afin d'apprécier en quoi notre doctrine de dissuasion répond ou non aux menaces actuelles et à celles qui se profilent ; une deuxième séquence portera plus précisément sur les moyens consacrés à la dissuasion, leur adéquation à la doctrine et leur compatibilité avec les autres priorités de défense, la troisième séquence étant consacrée à l'examen de la situation au Royaume-Uni et au sein de l'OTAN, ainsi qu'aux perspectives offertes dans le cadre d'une Europe de la défense plus affirmée.
Introduisant le premier débat sur l'évolution du contexte stratégique et le rôle que peut y jouer la dissuasion nucléaire, M. Serge Vinçon, président, s'est interrogé sur les menaces identifiables, à l'horizon de 20 à 30 ans, et sur les évolutions induites par l'apparition de menaces nouvelles, notamment celles qui proviennent d'entités non étatiques. Le nucléaire militaire verrait-il son rôle décliner ou conserverait-il sa pertinence ? Il s'est interrogé sur la conciliation de la dissuasion et de la lutte contre la prolifération nucléaire et sur le point de savoir si les réponses apportées par le discours du Chef de l'Etat du 19 janvier marquaient une inflexion ou plutôt une confirmation de la doctrine française.
Le général Henri Bentegeat, chef d'état-major des armées, a tout d'abord noté que des interrogations nombreuses avaient surgi après le discours du Président de la République du 19 janvier 2006. Le débat public s'est ouvert avant même qu'il ne se soit instauré chez les responsables chargés de l'application de cette politique. Il a souligné combien l'exercice de prospective pouvait se révéler périlleux en matière stratégique. L'issue du conflit Iran-Irak ou le devenir du pacte de Varsovie donnaient ainsi lieu à des pronostics dans les années 1983-1985 qui se sont révélés hasardeux. Il s'agit cependant d'un exercice salutaire.
Il a indiqué qu'en première analyse peu de ruptures semblaient prévisibles, tant sur le plan stratégique que sur le plan technologique, à l'horizon de 20 ou 30 ans. Les Etats-Unis devraient rester la puissance dominante, ce qui limite le risque de conflit majeur. Le repli de ce pays dans une posture isolationniste pourrait cependant faire ressurgir une menace majeure de conflit en Europe. Le terrorisme international devrait constituer la toile de fond majeure des menaces et la prolifération des armes de destruction massive devenir non plus un risque, mais bien une menace véritable. Les conflits locaux nourris notamment par les tensions sur les matières premières, liées à la croissance de la Chine et de l'Inde, devraient s'accentuer.
Le général Henri Bentegeat a considéré que trois types de menace pouvaient être identifiés. Un chantage ou une agression émanant d'une puissance nucléaire ne pouvant être totalement exclus et, dans ce cas, le recours à la dissuasion reste la seule garantie suffisante. Plus vraisemblable, la menace constituée par un chantage ou une agression d'une puissance régionale dotée de missiles balistiques à tête biologique ou chimique peut être contrée par une dissuasion nucléaire crédible ou une défense antimissile efficace, cette dernière relevant de l'hypothèse. Enfin, la menace terroriste appelle des réponses multiples, mais ne relève pas de la dissuasion nucléaire, sauf dans le cas de la complicité démontrée d'un Etat.
Le général Henri Bentegeat a souligné que des arsenaux nucléaires considérables étaient actuellement en service et en cours de modernisation aux Etats-Unis, en Russie, en Chine, ainsi qu'au Royaume-Uni. Il a rappelé que certains Etats cherchaient à se doter de l'arme nucléaire, comme l'Iran et la Corée du Nord, et que d'autres y étaient déjà parvenus, comme le Pakistan ou l'Inde. Ceux qui considèrent que cette arme n'est plus pertinente hors du contexte de la guerre froide devraient ainsi s'interroger sur l'attrait qu'elle conserve visiblement pour ces pays. Il a ainsi considéré que l'arme nucléaire conférait aux Etats qui la possèdent un statut, indéniable pour les Etats membres du Conseil de sécurité, et qu'elle sanctuarisait un territoire. Il a noté que d'aucuns considéraient, vraisemblablement avec raison, que si l'Irak avait disposé de l'arme nucléaire, il n'aurait pas subi d'invasion. L'arme nucléaire reste liée à des enjeux de sécurité et de puissance considérables et la réduire ou la laisser vieillir serait prendre un risque très important.