Intervention de Gérard Longuet

Réunion du 30 novembre 2006 à 9h30
Moyens des politiques publiques et dispositions spéciales — Compte d'affectation spéciale : contrôle et sanction automatisés des infractions du code de la route

Photo de Gérard LonguetGérard Longuet :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la discipline du débat budgétaire me prive du bonheur de répondre à certains des intervenants : à mon collègue et ami Claude Biwer, à Jean-Pierre Masseret et, surtout, aux excellents rapporteurs des deux commissions qui, sur ce sujet passionnant des équipements d'infrastructures, ont présenté des observations, propositions, remarques ou critiques dont ma modeste expérience de président de l'Agence de financement des infrastructures de transports de France m'autoriserait à éclairer certains aspects, à défaut de me permettre d'y répondre en totalité.

Je tracerai rapidement le bilan des perspectives de l'AFITF, sachant qu'à elle seule l'Agence, dans le cadre de la mission « Transports », porte deux des principaux programmes.

L'idée même de l'Agence, voulue par Gilles de Robien et par le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, était singulière, car elle portait atteinte à l'universalité budgétaire et, d'une certaine façon, organisait une complicité, une proximité, une promiscuité entre l'exécutif et le législatif : vous le savez, le conseil d'administration de l'Agence est mixte, composé pour moitié de hauts fonctionnaires et pour moitié d'élus.

Ce n'est d'ailleurs pas complètement anormal, puisque le financement des équipements d'infrastructures de transports repose largement sur la coopération de l'État et des collectivités locales. Que des parlementaires défendent à l'échelon national, dans le cadre de l'AFITF, les politiques d'infrastructures auxquelles ils sont attachés n'est pas complètement surprenant, même si, je le reconnais, la nature de l'établissement public est particulière.

L'essentiel, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est que l'AFITF tient ses engagements et que la situation, aujourd'hui, est conforme aux objectifs de ceux qui ont voulu l'Agence, ainsi que le montre le rapport annuel prévu par la loi - c'était l'amendement Mariton -, qui a été adopté par le onzième conseil d'administration de l'AFITF, le 5 octobre dernier.

Le montre également l'excellent rapport de la commission des finances et de la commission compétente puisqu'en définitive, dans l'immédiat - et malgré le gel budgétaire, sur lequel je vais revenir -, l'Agence a les moyens de faire face aux obligations qui relèvent à la fois de l'engagement initial de 18 décembre 2003 et de la volonté du gouvernement de Dominique de Villepin d'achever les contrats de plan État-régions, et d'apporter des réponses à ce qui est manifestement un devoir absolu : traiter du problème des transports collectifs en milieu urbain.

Elle a connu un gel budgétaire : des 394 millions d'euros de subvention initialement prévus pour 2006, il n'en restera que 62 millions. On pourrait dire que c'est affreux, que l'Agence n'a plus de moyens... Non ! En réalité, dans ce domaine des investissements lourds, il est important de proportionner les engagements budgétaires aux dépenses effectivement possibles. Ainsi, en 2005, nous avions budgété 938 millions d'euros de subventions, et nous en avons consommé 912 millions, ce qui était assez satisfaisant.

En 2006, en revanche, nous avions programmé 1 894 millions d'euros de subventions, et le dernier conseil d'administration de l'année constatera, le 14 décembre prochain, un total de 1 650 millions d'euros, soit un écart de l'ordre de 240 millions d'euros répartis - je vous épargnerai la liste exacte, mais je puis la donner - sur des grands projets d'investissement qui ont été différés de quelques mois. Cela concerne notamment la ligne à grande vitesse Rhin-Rhône, la ligne à grande vitesse Sud-Est Europe-Atlantique, la ligne du Haut-Bugey, tous projets qui ont été lancés mais dont les premières dépenses seront imputées sur l'année 2007 et non pas sur l'année 2006.

En 2007, on constatera une nouvelle évolution de l'AFITF.

Le Comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire, le CIADT, de 2003 représentait 800 millions d'euros d'engagements sur un budget global de 2, 170 milliards d'euros, soit un peu moins de la moitié. Ce CIADT reste à dominante ferroviaire et, accessoirement, fluviale et maritime, la route ne représentant que moins du quart des dépenses prévues.

En effet - et certains intervenants, notamment Charles Revet, l'ont signalé - l'intégration des contrats de plan État-régions a fait mécaniquement remonter le niveau des dépenses en matière routière. Or, chers collègues, c'est la volonté même des élus de terrain, et non un oukase gouvernemental ! Le Gouvernement ne fait qu'accompagner la réalisation effective, à travers le budget de l'AFITF - et ce, à un niveau rarement atteint en matière de contrats de plan -, de ce que souhaitaient les collectivités locales. Celles-ci demandaient que, dans un ratio qui est en effet de 60/40, des dépenses soient consacrées aux routes. Cela a été rappelé à juste titre, c'est ce partenariat avec les collectivités locales, partenariat qui répond à leur attente, qui entraîne l'augmentation du niveau des interventions de l'AFITF en faveur du secteur routier.

La situation est donc équilibrée pour 2007, et l'AFITF sera en mesure de faire face à ses dépenses. Ce sera également le cas en 2008, dans des conditions comparables, compte tenu des disponibilités que laisse la consommation de la dotation de 4 milliards d'euros.

En revanche, pour l'avenir, deux questions importantes restent ouvertes, dont nous aurons à débattre collectivement.

Si 2007 n'est pas un obstacle et si l'on peut tenir en 2008, assurément, une bonne partie du chemin aura été parcourue pour la période 2005-2012. Cependant, les dernières années risquent d'être difficiles, parce que le succès mécanique de l'AFITF l'a conduite à prendre en charge des dépenses nouvelles. Ainsi, elle gérera l'achèvement des contrats de plan État-régions, je l'ai évoqué tout à l'heure, et prendra en charge les contrats de projet pour la partie concernant les transports hors routes, ces dernières relevant non plus des contrats de projet, mais bien de ce que l'on appelle les « programmes de développement et de modernisation d'itinéraire ».

Par ailleurs, dans le cadre de la mise en place du Syndicat des transports parisiens et de la région d'Île-de-France, le STIF, le Gouvernement a pris un engagement de rattrapage ; il y a d'ailleurs été conduit du fait que la région d'Île-de-France n'avait pas fait son devoir quand les autres régions de France faisaient le leur. Mais à tout pécheur miséricorde ! Toujours est-il que le STIF bénéficiera de 400 millions d'euros de subventions qui seront apportés par l'AFITF, mais ne seront pas engagés immédiatement puisqu'en matière ferroviaire, vous le savez bien, le délai est long entre la prise de commande et sa réalisation, donc son paiement.

Pour les années à venir, et jusqu'en 2012, ce sont d'ores et déjà 18 milliards d'euros de dépenses qui pourraient être engagés par l'AFITF, dont les recettes certaines s'élèvent à 10 milliards d'euros. Dès lors, le débat est ouvert, et certaines réponses sont dans l'esprit même qui a présidé à la création de l'AFITF.

La première réponse, la plus simple, est l'endettement. Je rappelle que l'AFITF avait notamment pour objet de permettre de construire un endettement adossé sur le patrimoine que représentait la part de l'État dans les sociétés d'autoroutes, ce qui était rendu plausible par les perspectives favorables d'évolution des dividendes. Cette source n'est plus.

En revanche, le produit de la TAT, la taxe d'aménagement du territoire, d'une part, et de la redevance domaniale, d'autre part, permettra éventuellement d'asseoir un endettement qui autorisera la prise en charge anticipée de dépenses d'investissement devant être effectuées d'ici à 2012 et qui, heureusement, ne sont pas récurrentes : s'il est certain que l'étalement des charges pèsera sur les générations futures, les réalisations auront été conduites à leur terme et ne seront pas à renouveler immédiatement, loin s'en faut ; je pense tout particulièrement à la route Centre-Europe-Atlantique, à l'A 75 ou à la route nationale 7.

De la même façon, l'AFITF pourrait, grâce aux recettes récurrentes que sont TAT et redevance domaniale, prendre en charge les loyers de partenariats public-privé ; mais ceux-ci reviennent également à un déplacement de dépenses s'accompagnant du bénéfice d'une réalisation immédiate.

La première voie à explorer est donc la capacité de l'AFITF à s'endetter au nom de l'État, avec des recettes identifiées, ou à prendre en charge des loyers de partenariats public-privé.

La seconde réponse est davantage une réflexion plus générale qui ne concerne pas seulement l'AFITF et que je vous propose, monsieur le ministre, de mettre à l'ordre du jour : il s'agit de l'inégalité croissante dans le mode de financement des itinéraires interurbains ; or l'AFITF est compétente en matière interurbaine.

Nous avons, d'un côté, des autoroutes à péage, payantes dès le premier kilomètre, et, de l'autre, des autoroutes de l'État gratuites, qui sont parfois et les plus coûteuses et les plus encombrées. Je pense, en particulier, non pas à la région Bretagne, sinon Josselin de Rohan « m'étranglerait », mais à la région d'Île-de-France, où l'A 104 et l'A 86 sont saturées en permanence, où les autoroutes relèvent de l'État et, à ce jour, hormis le tunnel qui doit être réalisé, ne rapportent strictement rien.

À cela s'ajoute le fait que certains itinéraires ayant des qualités autoroutières sont à la charge des collectivités locales, si bien que, en fin de compte, les Franciliens ne sont pas heureux, bien que bénéficiant d'autoroutes gratuites - je serais tenté de dire : inutilement gratuites -, tandis que les Bretons ne s'en sortent pas trop mal... Mais il faudra bien, un jour ou l'autre, réaménager le réseau breton : qui paiera ? Les contribuables nationaux se demanderont pourquoi diable financer indéfiniment un réseau autoroutier breton gratuit, alors que, pour eux, le premier kilomètre d'autoroute est payant !

Il ne faut pas négliger non plus les effets de déport, dans l'est de la France, de la circulation allemande, taxée chez elle par le péage dématérialisé.

Il est donc clair, monsieur le ministre, qu'il conviendra de réfléchir à ce que pourrait être une facturation du service interurbain, en particulier pour les poids lourds, dans des conditions plus équitables qui, sans augmenter la charge globale, auraient au moins le mérite de mieux la répartir.

J'ajoute enfin, pour répondre à mon collègue Charles Revet, qu'en effet nous avons besoin d'une stratégie ferroviaire qui ne prenne pas en compte les seules lignes TGV. Or le Gouvernement a arrêté, en matière ferroviaire et de ferroutage, des orientations qui ont l'avantage d'être d'une immense clarté avec ces deux axes Nord-Sud qui utilisent l'atout que donne à notre pays sa position centrale en Europe. Il me semble, en revanche, que les élus locaux seraient avisés de dresser, en concertation avec l'État, une liste hiérarchisée de ce qu'ils veulent vraiment conserver des réseaux ferroviaires secondaires.

Par ailleurs, la SNCF devrait accepter l'idée que les infrastructures de TGV sont ouvertes à tous, et non pas simplement aux voyageurs internationaux de très haut de gamme. Mais c'est un autre débat que je n'ai pas la prétention d'épuiser dans les dix minutes qui me sont imparties - et que j'ai d'ailleurs déjà dépassées d'une minute et vingt-neuf secondes...

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