Intervention de Serge Vinçon

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 14 juin 2006 : 1ère réunion
Défense — Dissuasion nucléaire française - table ronde sur la dissuasion nucléaire

Photo de Serge VinçonSerge Vinçon, président :

a ensuite ouvert la discussion sur le deuxième thème retenu pour le débat, à savoir les moyens consacrés à la dissuasion nucléaire française et leur adaptation aux menaces actuelles. Il a rappelé que la question de la part du nucléaire dans le budget de la défense était régulièrement posée et il a souhaité que des précisions soient apportées sur le rôle respectif de nos deux composantes, sur la nécessité des améliorations apportées par les nouveaux missiles en cours de fabrication, sur les adaptations apportées aux armes nucléaires en vue de répondre à notre doctrine, qui ne privilégie plus de frappes massives, et enfin, sur le rôle de la simulation pour la mise au point des armes nucléaires.

Le général Henri Bentegeat a tout d'abord indiqué que, face aux menaces présentes ou à venir, le modèle d'armée 2015 faisait l'objet d'une actualisation régulière. Il a rappelé que ce modèle reposait sur un équilibre entre quatre fonctions -prévention, dissuasion, projection-action et protection - et que le discours du chef de l'Etat du 19 janvier avait apporté une clarification importante en qualifiant la dissuasion d'expression ultime de notre stratégie de prévention, cette dernière reposant également sur une capacité autonome de renseignement et sur des forces prépositionnées. Rappelant que le nucléaire représentait 20 % des crédits d'équipement militaire - contre 50 % à l'époque où il avait lui-même entamé sa carrière militaire, il y a près de quarante ans - et moins de 10 % du budget de la défense, il a considéré qu'il était abusif de prétendre que l'effort financier pour la dissuasion était réalisé aux dépens des forces conventionnelles. La France a dimensionné ses forces nucléaires à un niveau de stricte suffisance, avec notamment l'abandon de la composante sol-sol du plateau d'Albion et des missiles préstratégiques Hades ainsi qu'avec la fermeture du Centre d'expérimentation du Pacifique.

Le général Henri Bentegeat a souligné que le maintien de deux composantes était indispensable pour la permanence et la crédibilité de notre dissuasion nucléaire. Les sous-marins nucléaires lanceurs d'engins (SNLE) garantissent la permanence ainsi que la capacité de frappe en second, du fait de l'invulnérabilité que leur confère leur grande discrétion. Par ailleurs, seuls les missiles balistiques de portée intercontinentale dont seront dotés les SNLE possèdent l'allonge nécessaire pour assurer la crédibilité de la dissuasion d'où que vienne la menace. La composante aéroportée, pour sa part, permet des frappes de précision sur des centres de pouvoir de puissances régionales animées d'intentions hostiles. Elle offre par ailleurs une capacité dite de « gesticulation » consistant à donner à l'adversaire des signes visibles d'une riposte éventuelle, à travers la préparation aux missions de combat sur les bases aériennes ou le porte-avions.

Signalant que la suppression de la composante aéroportée par le Royaume-Uni étant souvent évoquée à l'appui de questions sur la nécessité de son maintien dans les forces nucléaires françaises, le général Henri Bentegeat a ajouté que le missile balistique Trident II D5 en service dans la Royal Navy était beaucoup plus précis que ceux embarqués sur nos SNLE.

Il a ensuite estimé que le rôle dévolu à la dissuasion nucléaire face à des puissances régionales avait constitué une inflexion majeure de notre doctrine, formulée lors du discours du Président de la République du 8 juin 2001 et confirmée le 19 janvier dernier. Il est en effet apparu que la crédibilité de la dissuasion vis-à-vis de ces puissances impliquait de pouvoir cibler avec précision des centres de décision ou des centres d'activité économiques ou militaires, avec des effets collatéraux limités, ce qui n'était pas le cas à l'époque de la stratégie anti-cités. Le souhait de pouvoir moduler la puissance d'une frappe nucléaire ne reflète toutefois en aucun cas une évolution vers une doctrine d'emploi. Au demeurant, une limite inférieure a été volontairement imposée à la puissance de nos armes nucléaires de manière à bien marquer que, pour la France, l'arme nucléaire reste bien, par sa nature même, différente. Conçue pour infliger des dommages inacceptables, elle ne saurait être utilisée sur le champ de bataille.

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