Intervention de Évelyne Didier

Réunion du 30 novembre 2006 à 9h30
Moyens des politiques publiques et dispositions spéciales — Compte d'affectation spéciale : contrôle et sanction automatisés des infractions du code de la route

Photo de Évelyne DidierÉvelyne Didier :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'interviendrai ici en lieu et place de M. Robert Bret, retenu par ailleurs.

En octobre 2005, fort de sa décision de privatiser la Société nationale maritime Corse-Méditerranée, la SNCM, mesure sur laquelle je ne reviendrai pas bien que mon opinion n'ait pas changé en la matière, le Gouvernement prenait certains engagements en vue d'assurer la pérennité et le développement de la compagnie maritime, au travers d'un projet industriel que l'État, les groupes Veolia Transport et Butler s'appliquent à mettre en place depuis.

Au nombre de ces garanties, que je n'énumérerai pas, figure notamment, et surtout pour l'heure, celle de la prééminence du rôle de l'État tout au long de la procédure de renouvellement de la délégation de service public sur laquelle repose le principe de la continuité territoriale entre le continent et la Corse.

De fait, l'appel d'offres et le cahier des charges qui lui est attaché définissent les obligations de service public du délégataire et régissent l'organisation des liaisons maritimes entre Marseille et les six ports corses pour lesquelles ce même délégataire percevra 90 millions d'euros de subventions annuelles payés par l'État et attribués par la collectivité territoriale de Corse.

Cette mission de service public vise - dois-je le rappeler ? - à réduire les handicaps liés à l'insularité en confiant à une compagnie maritime le trafic fret et passagers entre le continent et la Corse pour assurer un service de qualité efficace et régulier douze mois sur douze, incluant sécurité et respect de l'environnement.

J'insiste, monsieur le ministre, mes chers collègues, sur le fait que la continuité territoriale est inséparable de l'objectif de développement social et économique de la Corse. De fait, la dimension de service public s'y rattachant justifie pleinement et consécutivement le choix d'une entreprise en partie nationale.

En outre, j'insiste sur le fait que l'enveloppe affectée à la continuité territoriale demeure - n'en déplaise à certains ! - une ligne spécifique du budget de la nation. En aucun cas, elle n'est alimentée par le trafic entre la Corse et le continent ; elle est l'expression de la solidarité nationale à l'égard d'une région dont le handicap d'insularité doit être compensé.

La mission de service public cadre mal avec les règles de la concurrence. En témoignent les affrontements auxquels nous assistons depuis le mois d'août entre les différentes compagnies qui aspirent à obtenir cette délégation de service public.

En effet, force est de constater que la mise en concurrence de la SNCM, de la compagnie Corsica Ferries et de la Compagnie méridionale de navigation, la CMN, pour l'obtention de la liaison maritime entre Marseille et les ports insulaires ne constitue en aucun cas une avancée pour l'intérêt général de la collectivité territoriale de Corse et de la région PACA, et, en définitive, du pays.

La bataille que mènent ces compagnies pour remporter le marché de la desserte maritime corse est significative : désalliance entre la SNCM et la CMN, alliance entre la CMN et la compagnie Corsica Ferries qui contestent les modalités de l'appel d'offres, remettent en cause son principe de transparence, assignent en justice, etc.

Bref, tous les coups sont permis pour récupérer l'enveloppe de continuité territoriale, et ce en raison de la logique libérale voulue par la Commission européenne, qui a conduit à tronçonner la desserte et à favoriser des calculs de rentabilité par ligne au détriment d'une offre globale.

Or, je trouve inconvenant et mal venu d'entendre certains prétendants, comme Corsica Ferries pour ne pas la nommer, mettre en doute la transparence de la procédure de délégation de service public, la DSP, alors que ses propres sources financières sont parfaitement opaques et n'ont jamais été présentées ! Rappelez-vous, mes chers collègues, que la demande d'une commission d'enquête parlementaire n'a pas abouti, ce qui est regrettable.

Cette compagnie privée low cost connaît, on le sait, de réelles difficultés financières avec des pertes égales aux trois quarts de son capital et une quasi-absence de fonds propres : 11 millions d'euros, soit dix fois moins que la SNCM. Cette entreprise, au bord de la faillite, est l'une des quinze sociétés détenues par la holding la LOZALI, véritable nébuleuse basée en Suisse, qui domine déjà le marché entre Nice, Toulon et la Corse.

Comment comprendre que Corsica ferries n'ait pas été écartée de la procédure d'appel d'offres ? L'application de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993, dite loi Sapin, relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, serait particulièrement opportune dans le cas présent. En effet, il revient au Gouvernement, au titre de son engagement pris lors de l'annonce de la privatisation de la SNCM, de faire respecter la procédure et d'établir toute la clarté nécessaire, en commençant par demander plus de transparence sur les origines de Corsica Ferries.

Monsieur le ministre, comment imaginer un seul instant que l'argent public qui est destiné à assurer la continuité territoriale soit attribué à une concurrence telle qu'elle vient d'être décrite ? Cette orientation serait tout simplement inacceptable. De plus, elle aurait pour effet d'aggraver le plan social de la SNCM, qui est déjà lourd de conséquences : 400 suppressions d'emplois, même s'il n'y a pas de licenciement sec.

Si l'on s'en tient au simple principe du bon usage des fonds publics et de la continuité territoriale, ce système devait être dénoncé !

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