Intervention de Michel Moreigne

Réunion du 30 novembre 2006 à 9h30
Moyens des politiques publiques et dispositions spéciales — Compte d'affectation spéciale : contrôle et sanction automatisés des infractions du code de la route

Photo de Michel MoreigneMichel Moreigne :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'ai l'honneur de remplacer à cette tribune M. Kratinger, empêché, et à qui j'adresse en notre nom à tous mes meilleurs souhaits de rétablissement.

Les crédits de la mission « Transports » pour 2007 sont placés sous le signe des économies de personnels, ce qui est très inquiétant pour les collectivités locales, notamment pour les conseils généraux car, conformément à la loi du 13 août 2004, le transfert des routes nationales aux départements devrait s'accompagner du transfert concomitant des ressources nécessaires à leur entretien.

Or, le montant qui sera versé aux départements sous forme de recettes fiscales pour compenser le transfert des routes nationales d'intérêt local s'élèvera à 182, 3 millions d'euros, ce qui ne semble pas correspondre à l'attente des conseils généraux.

C'est une mauvaise opération pour les départements, et ce pour quatre raisons : l'application pratique du principe de décroisement des financements pour les investissements routiers, la question très sensible des transferts de personnels, les craintes sur l'avenir du réseau scientifique et technique, le devenir des parcs de l'équipement.

J'aborderai, tout d'abord, le problème du décroisement des financements.

S'agissant des investissements destinés au développement du réseau et réalisés dans le cadre des contrats de plan, l'État n'a transféré aucun moyen financier aux départements, validant ainsi l'idée d'un décroisement des financements entre lui et les départements, les masses financières en jeu paraissant à peu près équivalentes.

L'État considérait que les régions et les agglomérations continueraient à participer au financement des investissements sur les routes transférées aux départements. Mais, pour ce faire, il semble qu'il n'ait apporté jusqu'à présent aucune garantie légale.

Sur la période 2000-2006, les régions s'étaient engagées à être le premier contributeur net au financement des routes dans les contrats de plan État-régions, en investissant 1, 6 milliard d'euros dans le réseau transféré aux conseils généraux, alors que les départements ont versé 988 millions d'euros et l'État, 860 millions d'euros.

Un des enjeux était de savoir si les conseils régionaux contribueraient encore aux efforts de modernisation du réseau transféré aux départements et si elles contractualiseraient avec l'État sur le réseau d'intérêt national. Sauf quelques exceptions, la nouvelle distribution des compétences va conduire les régions à ne plus participer aux investissements sur les routes transférées.

L'état de ce réseau et la demande sociale croissante font que les départements sont largement perdants dans cette affaire, d'autant que l'État invite les présidents de conseils généraux à participer aux programmes de développement et de modernisation d'itinéraires, les PDMI, ce qui semble en contradiction avec la règle qu'il a lui-même édictée.

En ce qui concerne les personnels, le nombre d'emplois dont le transfert est prévu par le ministère de l'équipement s'élève à 30 700, dont 24 500 pour les routes départementales.

L'objectif fixé par le ministère est que les services créés ou reconfigurés, tant ceux des conseils généraux que ceux de l'État, soient constitués avant la fin de l'année 2006. Ce sera, certes, le cas dans un grand nombre de départements, mais le périmètre pris en compte n'est pas satisfaisant.

Le rapport entre le nombre de cadres A+, A, B+ et celui des agents de travaux transférés n'est pas convenable. On peut constater, en effet, un très gros déficit de cadres dans les services transférés. Avant ce transfert, la proportion de cadres et de cadres supérieurs pour l'ensemble des directions départementales de l'équipement de France était d'environ 6 % de l'effectif total ; la part de l'encadrement sur l'ensemble des emplois transférés aux départements - cadres A+ et A - est évaluée, en moyenne, à moins de 4 % au titre des routes nationales transférées et à un peu plus de 1 % au titre des routes départementales...

Cette situation n'est pas satisfaisante pour les conseils généraux, dont la plupart connaissent des difficultés de recrutement pour trouver un encadrement de qualité. Avec les DDE, ils ont préparé leurs organigrammes : les effectifs proposés par l'État sont le plus souvent inférieurs à leur attente. En moyenne, les différences varient de 4 % à 10 %, soit une moyenne de dix à quinze agents par conseil général.

La décision de l'État de transférer des postes d'ingénierie au prorata des travaux effectués durant les cinq dernières années a conduit à des anomalies, sinon à des aberrations, dans quelques départements. Ainsi, la Moselle, avec 400 kilomètres de routes transférées et pas de travaux sur ces routes en cinq ans, n'avait droit à aucun ingénieur !

S'agissant des frais de formation et d'action sociale, conformément à l'instruction du ministère de l'équipement en date du 28 mai 2005, les transferts des personnels doivent s'accompagner de la prise en compte des points suivants : action sociale, médecine préventive, activités sociales et médicales, sécurité et prévention - sans oublier les assistantes sociales et le secrétariat médicosocial - recrutements, organisation de concours, formation continue.

L'intégration des personnels de l'État implique des charges supplémentaires pour les collectivités, qui ne sont pas précisées dans les textes de loi. Par exemple, les agents de la fonction publique territoriale doivent subir une visite médicale tous les ans, contre une tous les cinq ans pour les agents de l'équipement.

Il faudra bien harmoniser tous ces dispositifs. De telles compensations seront possibles, dans la mesure où l'État s'engagera à compenser les différences de cotisations patronales : 27, 6 % pour la fonction publique territoriale et 33 % pour l'État.

Enfin, les postes vacants et disparus seront-ils financièrement compensés, sur quelle base et quand ?

En ce qui concerne le réseau scientifique et technique de l'État, il faut trouver les chemins d'une association efficace. J'attire l'attention sur le risque qu'il y a à considérer les départements et les autres collectivités locales comme accessoires dans l'avenir de ce réseau. Il constitue un enjeu essentiel. Nous avons besoin d'un réseau scientifique, car il est utile à la nation tout entière ; il est un interlocuteur écouté par les autres autorités publiques, notamment en Europe.

Il est urgent d'ouvrir ces structures à une participation plus active des collectivités locales si l'on veut conserver cet acquis d'ingénierie routière envié par de nombreux partenaires européens, le développer, et éviter l'isolement des départements, qui sonnerait le glas de la doctrine routière, puisqu'elle serait - vous me l'accorderez - définitivement coupée du terrain.

Il vous appartient de prendre une décision politique, monsieur le ministre, et rapidement.

En ce qui concerne le transfert des parcs, il est souhaitable que le rapport le cadrant soit présenté devant la représentation nationale.

Souvent, c'est la commande départementale qui règle aujourd'hui, et qui réglera sans doute demain, l'activité des parcs. Les commandes des communes sont soumises à concurrence, et les conseils généraux ne souhaitent pas, à cet égard, se trouver confrontés à des difficultés juridiques.

On peut penser qu'un grand nombre de départements ne s'opposeront pas au transfert des parcs, puisqu'ils travaillent ensemble depuis de nombreuses années, mais ils seront très vigilants - et c'est légitime - sur les compensations apportées à ce nouveau transfert, car de nombreuses questions restent en suspens.

S'agissant des biens, le régime de propriété est actuellement très confus.

La question de la gestion future des parcs méritera d'être étudiée sous l'angle du regroupement des activités avec des possibilités de synergies, par exemple au niveau des SDIS et des laboratoires. Il faudra laisser beaucoup de latitude à chaque conseil général, puisque chaque département est un cas particulier.

S'agissant des personnels, la question est plus délicate encore : si, pour les fonctionnaires, la loi de 2004 s'applique pleinement, en revanche, il n'existe pas de statut d'ouvrier territorial. C'est une question sensible pour les organisations syndicales.

Se posent aussi des problèmes complexes liés à la mise à disposition de ces personnels. Ce n'est pas une question sans importance, puisque l'on peut estimer à près de 8 000 le nombre d'ouvriers concernés. Certains départements préféreront plutôt redéployer certains effectifs vers d'autres services.

Enfin, ces personnels bénéficient d'un régime spécifique de retraite qui cumule les avantages de la fonction publique, puisque les émoluments sont assis sur les salaires des six derniers mois, et ceux du régime général, dont l'assiette comporte la rémunération de base et les rémunérations accessoires.

Surtout, il est financé à 75 % par le budget de l'État. Qu'en sera t-il à l'avenir ? Les conditions du maintien de ce régime de retraite et les conséquences financières pour les départements d'un transfert nécessitent une très grande transparence et les garanties les plus sérieuses. Avant d'engager une telle réforme, une véritable négociation doit s'engager, département par département.

Monsieur le ministre, vous savez que de nombreuses questions restent en suspens. Les départements sont en attente de réponses, notamment sur le plan financier.

Dans un récent rapport sur le transfert des personnels techniciens, ouvriers de services, TOS, et des personnels de la DDE, notre excellent collègue Éric Doligé, qui n'est pas membre de l'opposition, s'inquiétait : « la question qui se pose est même de savoir si cette réforme ne va pas se transformer en ? bombe à retardement ? financière pour les collectivités ».

Les présidents d'exécutifs locaux, de droite comme de gauche, sont inquiets. Le budget que vous présentez aujourd'hui ne rassure pas ceux de la majorité et il inquiète fortement ceux de l'opposition. C'est la raison pour laquelle nous ne pourrons pas voter les crédits de la mission « Transports ».

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