Intervention de Marc Guillaume

Commission d'enquête sur l'immigration clandestine — Réunion du 18 janvier 2006 : 1ère réunion
Audition de M. Marc Guillaume directeur des affaires civiles et du sceau au ministère de la justice

Marc Guillaume, directeur des affaires civiles et du sceau au ministère de la justice :

a rappelé qu'environ 270.000 mariages étaient célébrés chaque année en France, dont 45.000 mariages dits « mixtes », c'est-à-dire entre un ressortissant français et un ressortissant étranger.

Il a ajouté qu'en moyenne, 45.000 mariages célébrés à l'étranger - la quasi-totalité entre un ressortissant français et un ressortissant étranger - étaient transcrits sur les registres de l'état civil français chaque année. Il a précisé que tous les mariages célébrés devant des autorités étrangères ne faisaient pas l'objet d'une demande de transcription, cette demande étant par exemple peu fréquente dans le cas des mariages célébrés en Allemagne.

Il a souligné qu'au total les quelque 90.000 mariages mixtes recensés chaque année représentaient un peu moins d'un tiers des 320.000 mariages de Français et a estimé que cette proportion devait être rapportée à celle des étrangers dans la population vivant en France, comprise entre 8 et 10 %.

a indiqué que, selon les statistiques établies par le ministère des affaires étrangères, sur les 45.000 mariages célébrés à l'étranger et transcrits sur les registres de l'état civil français, 20.000 concernaient des ressortissants d'Etats du Maghreb en 2004, contre 4.600 en 1993, soit une augmentation de plus de 300 %. Il a relevé que les données relatives aux mariages mixtes célébrés en France, établies par l'Institut national de la statistique et des études économiques, ne permettaient pas de connaître la répartition par sexe et par nationalité des époux.

Il a ajouté que 50 % des titres de séjour étaient délivrés à des conjoints étrangers de ressortissants français et qu'en 2005, 36.000 acquisitions de la nationalité française avaient été prononcées au titre du mariage.

Sans méconnaître les évolutions liées à la mondialisation, M. Marc Guillaume a estimé que ces chiffres, associés à la découverte de réseaux d'immigration irrégulière, montraient combien le contrôle des mariages constituait un enjeu migratoire important.

Il a rappelé que le projet de loi annoncé par M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice, avait pour objet de permettre aux officiers de l'état civil de s'assurer de la réalité de l'intention matrimoniale des futurs époux, notamment en réécrivant l'article 63 du code civil afin de faire apparaître plus clairement que la publication des bans et, en cas de dispense de publication, la célébration du mariage sont subordonnées aux deux formalités préalables de la constitution d'un dossier complet et de l'audition des candidats au mariage.

a relevé qu'en l'état actuel du droit, un mariage mixte célébré à l'étranger et n'ayant pas été transcrit sur les registres de l'état civil français ne permettait, certes, à l'époux étranger ni d'acquérir la nationalité française ni d'obtenir un titre de séjour mais, pour le reste, produisait les mêmes effets, notamment patrimoniaux et successoraux, qu'un mariage ayant fait l'objet d'une transcription.

Il a considéré que cette absence de distinction entre les mariages transcrits et les mariages non transcrits constituait une lacune du droit en vigueur au motif qu'elle n'incitait guère les époux à se conformer aux règles françaises du mariage.

Il a expliqué que le projet de loi annoncé par le garde des sceaux tendait en conséquence à soumettre aux mêmes règles les mariages de Français à l'étranger que les mariages célébrés sur le territoire national, en élevant au rang législatif l'exigence de l'obtention d'un certificat de capacité à mariage délivré par l'autorité consulaire, en prévoyant que la délivrance de ce document est subordonnée à la publication préalable des bans, tant au lieu de la célébration du mariage qu'au lieu de la résidence du futur conjoint français, et en autorisant l'audition du futur époux résidant en France par l'officier de l'état civil français, à la demande de l'agent diplomatique ou consulaire.

S'agissant de la transcription sur les registres de l'état civil français des mariages célébrés à l'étranger, M. Marc Guillaume a indiqué que le projet de loi tendait à distinguer deux situations.

Il a expliqué qu'en cas de mariage célébré après accomplissement des formalités de l'article 63 du code civil mais malgré l'opposition du parquet, la transcription serait impossible tant qu'une décision judiciaire de mainlevée, sollicitée par les époux, ne l'aurait pas autorisée.

Il a indiqué qu'en cas de mariage célébré sans délivrance du certificat de capacité matrimoniale et, par conséquent, sans respect des formalités prévues à l'article 63 du code civil, la demande de transcription donnerait lieu à une audition obligatoire des époux par l'autorité consulaire, celle-ci devant surseoir à la transcription en cas de doute sur la réalité de l'intention matrimoniale et saisir le procureur de la République. Il a ajouté que ce dernier disposerait alors d'un délai de six mois pour demander la nullité du mariage et qu'en l'absence de réponse ou en cas de refus de transcription, les intéressés pourraient exercer un recours devant le tribunal de grande instance.

Dressant le bilan des actions en nullité engagées à l'encontre de mariages mixtes dans le cadre du droit en vigueur, M. Marc Guillaume a indiqué que 874 procédures d'annulation, dont 83 % concernaient des mariages mixtes, avaient été traitées par les tribunaux de grande instance en 2004, sur un total de 320.000 mariages, 90 à 95 % ayant été engagées par le parquet et 5 à 10 % par les intéressés. Il a précisé que 597 décisions d'annulation avaient été rendues, sur le fondement de trois motifs principaux :

- l'absence de consentement de l'un des époux (97 % des cas concernant des mariages mixtes) ;

- la bigamie ou la polygamie (77 % des cas concernant des mariages mixtes) ;

- l'absence de l'un des époux lors de la célébration du mariage (98 % des cas concernant des mariages mixtes).

Il a ajouté que la possibilité donnée par la loi du 26 novembre 2003 à l'officier de l'état civil de surseoir à un mariage avait sans doute permis de dissuader un certain nombre de candidats à un mariage de complaisance.

a indiqué que le projet de loi annoncé par le garde des sceaux tendait également à modifier l'article 47 du code civil, relatif à la force probante des actes de l'état civil faits à l'étranger, afin de lutter contre la fraude documentaire.

Il a rappelé que, depuis la loi du 26 novembre 2003, la valeur probante de ces actes n'était plus absolue, des doutes pouvant être opposés sur leur authenticité ou leur véracité. Il a toutefois estimé que la procédure de vérification par les administrations, nécessitant l'intervention du procureur de la République de Nantes saisi par l'administré, s'était avérée inapplicable en raison de sa complexité.

Il a expliqué que le projet de loi tendait à accorder aux administrations qui, à l'appui d'une demande d'établissement ou de délivrance d'un acte ou d'un titre, se voient remettre un acte de l'état civil étranger sur la régularité duquel elles ont un doute, de disposer d'un délai de huit mois pour instruire le dossier lorsqu'elles font procéder à toutes vérifications utiles auprès des autorités étrangères compétentes, leur silence valant rejet.

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