Intervention de Philippe Séguin

Commission d'enquête sur l'immigration clandestine — Réunion du 18 janvier 2006 : 1ère réunion
Audition de M. Philippe Seguin premier président de la cour des comptes accompagné de Mm. Jean-François Carrez président de la cinquième chambre de la cour des comptes et jean-yves audoin conseiller-maître en service extraordinaire

Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes :

A titre liminaire, M. Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes, a indiqué que les informations et appréciations qu'il pourrait porter à la connaissance de la commission d'enquête seraient l'expression des constats de la Cour sur le sujet, des conclusions qu'elle en avait tirées et des remarques sur les suites qui avaient été données à ce jour à ses recommandations : il a souligné qu'en ce sens sa parole était serve et qu'il ne pouvait être que le porte-parole de sa juridiction.

Rappelant que la Cour des comptes n'avait jamais négligé le sujet de l'immigration, comme en témoignaient une importante insertion au rapport public 1997 sur divers aspects de la politique d'intégration des populations immigrées et la synthèse, présentée dans le cadre du rapport public pour 2000, d'un ensemble de rapports sur les actions de l'État pour l'accueil des demandeurs d'asile et l'intégration des réfugiés, M. Philippe Séguin a souligné que la réflexion la plus importante et la plus synthétique de la Cour sur l'immigration était intervenue à l'occasion d'un ensemble de 24 enquêtes conduites de 2002 à 2004, complétées par le contrôle de la direction centrale de la police aux frontières (DCPAF) et celui de certains postes diplomatiques et consulaires, et qui ont abouti en novembre 2004 à un rapport public particulier sur « l'accueil des immigrants et l'intégration des populations issues de l'immigration ».

a relevé que ces enquêtes avait montré que la question de l'immigration irrégulière était incontournable, d'abord parce que l'entrée et le séjour des étrangers étaient des thèmes récurrents de l'action publique, ensuite parce que l'immigration irrégulière a, sans aucun doute possible, un impact considérable sur la capacité de l'ensemble des populations issues de l'immigration à être intégrées. Il a noté que la Cour n'avait pas manqué de souligner que les phénomènes liés à l'immigration irrégulière hypothéquaient toute initiative publique et que leur résolution était une des conditions de succès des politiques d'intégration.

Abordant l'exposé des principaux constats de la Cour des comptes, M. Philippe Séguin a en premier lieu mentionné l'absence de données chiffrées sur l'immigration irrégulière, qui est au coeur du débat public sur les flux migratoires mais ne fait l'objet que d'estimations à partir de diverses données, parmi lesquelles il a cité les régularisations, le nombre des interpellations, celui des rejets des demandes d'asile, celui des bénéficiaires de l'aide médicale d'État.

Il a indiqué que cette situation avait conduit la Cour à recommander de parvenir à une meilleure connaissance des flux et il a noté que le premier rapport annuel au Parlement sur les orientations de la politique gouvernementale en matière d'immigration, déposé en mars 2005, commençait à répondre à cette préoccupation, soulignant qu'il comportait des éléments concrets, même si la plupart concernaient l'année 2003 alors qu'on disposait déjà des données de 2004.

Remarquant que l'immigration irrégulière avait deux origines, l'entrée irrégulière et l'entrée régulière qui conduit ensuite à une situation irrégulière, M. Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes, a observé que la seconde hypothèse, correspondant au maintien sur le territoire à l'expiration de la validité d'un titre de séjour, recouvrait la très grande majorité des cas.

La place des filières est également avérée, certaines assurant un « service complet », de la fourniture de faux papiers à la prise en charge à l'arrivée, mais on peut avancer qu'à la différence de l'Espagne et de l'Italie, peu d'immigrants arrivent en France clandestinement, sans aucun papier ou en déjouant les contrôles, sauf ceux qui tentent de franchir la Manche ou la mer du Nord et pour lesquels la France ne constitue qu'une étape.

a cependant remarqué que les frontières extérieures Schengen de la France avaient sur certains points besoin d'être renforcées et souligné le problème posé par la fraude documentaire, certaines communautés mettant à profit la multiplicité des formulaires de même que l'ampleur des flux à gérer dans les grands aéroports : il a souligné sur ce dernier point qu'il conviendrait de prendre en compte dès à présent les prévisions d'évolution du trafic à Roissy.

Il a insisté sur l'importance de hiérarchiser les priorités de la politique de contrôle, citant :

- la politique des visas, au sujet de laquelle il a relevé que ce n'était pas parce que la politique générale des visas n'était plus de la compétence nationale qu'il n'y avait pas lieu de s'assurer de la régularité des demandes et du respect des conditions imposées pour le séjour en France : la Cour a d'ailleurs constaté diverses difficultés en la matière, tenant aux conditions de travail difficiles des agents, à la difficulté de s'assurer de l'authenticité de certaines pièces justificatives ou à l'existence de fortes pressions locales, et qui appelleraient des actions correctrices ;

- l'utilisation abusive des titres de séjour, avec des fraudes à l'état civil et des détournements de procédure liés aux mariages blancs ou à l'utilisation d'attestations douteuses ou de complaisance, tous comportements délictueux contre lesquels on dispose de peu d'armes pénales ;

- l'insuffisance des procédures permettant d'éviter la prolongation irrégulière du séjour ;

- le maintien sur le territoire des déboutés du droit d'asile.

Notant que par nature les effets de la présence d'une population en situation irrégulière n'étaient guère étudiés, il a indiqué qu'il avait paru possible à la Cour d'en retenir trois conséquences :

- la précarité de la situation des intéressés eux-mêmes, qui relève souvent de l'exclusion, voire de la grande exclusion, bien que, paradoxalement, pour faire face à cette situation, se soit institué une sorte de « statut de l'irrégulier », qui bénéficie de certaines dispositions du code du travail, de l'accès à la scolarisation, du dispositif de l'aide médicale d'État et, en ce qui concerne l'action sociale, d'un accès au dispositif de veille et d'urgence. Il n'en demeure pas moins que la clandestinité conduit à des démarches de survie qui sont elles-mêmes irrégulières et procèdent souvent de la pure et simple délinquance ;

- le fait que l'immigration irrégulière est une source de main d'oeuvre bon marché en France, avec les risques que cela comporte en termes d'exploitation des clandestins et de désorganisation du marché du travail ;

- les effets négatifs de l'importance de l'immigration irrégulière pour l'immigration régulière, tant en termes d'image et en raison des réactions de l'opinion et des problèmes d'amalgame que parce que, comme la Cour l'a constaté, les préfectures consacraient jusqu'à présent plus de temps aux sans-papiers et aux irréguliers qu'à leurs missions en matière d'accueil et d'intégration des primo immigrants et de leurs familles.

Enfin, la Cour s'est intéressée aux deux voies de traitement de l'immigration irrégulière, l'éloignement et la régularisation.

En ce qui concerne l'éloignement, M. Philippe Séguin, Premier président de la Cour des Comptes, a précisé que la Cour avait relevé trois raisons principales expliquant, jusqu'à un récent début de redressement, la dégradation de la situation :

- la mise en oeuvre des décisions se heurte au problème de l'existence des documents d'origine, aux difficultés de délivrance de laissez-passer consulaires et à l'inégale qualité de la coopération avec les pays de retour ;

- l'utilisation de toutes les voies de recours complique la gestion de la rétention, l'intervention du juge administratif et celles du juge judiciaire se superposant en outre dans certains cas ;

- les problèmes concrets d'éloignement, qui peuvent tenir au manque de liaisons avec certains pays, aux capacités et à l'implantation des centres et locaux de rétention, à la gestion des quotas de places sur les avions des compagnies aériennes et aux éventuels refus d'embarquement. En outre, ces opérations parfois délicates doivent être conciliées avec le respect de la dignité des personnes, d'où la nécessité de leur préparation et d'une formation adéquate des personnels qui y participent.

En ce qui concerne les régularisations, M. Philippe Séguin a relevé que la Cour avait constaté la constance des opérations de régularisation collective depuis plus de 50 ans, notamment au moment de la forte croissance des années 1950 et 1960, puis en 1981-1982 et en 1997-1998 ainsi que l'existence, parallèlement à ces opérations épisodiques et spectaculaires, d'un flux de régularisations quasi permanent par la voie du traitement des dossiers individuels, dont certains aboutissent par usure ou médiatisation. Il a souligné que ces régularisations individuelles étaient d'ailleurs devenues plus fréquentes avec la pratique de la régularisation humanitaire qui permet désormais à tout moment de demander cette mesure.

La Cour avait également constaté que ces régularisations, notamment les régularisations collectives, avaient un impact dans les pays voisins, les exemples de ces dernières années montrant l'extrême capacité de réaction des migrants.

Exposant ensuite, face à ce constat, les recommandations formulées par la Cour il y a à peine plus d'un an, M. Philippe Séguin a tout d'abord rappelé qu'elle n'avait pas traité spécifiquement la question de l'immigration irrégulière.

Elle avait néanmoins noté, pour le regretter, que notre pays paraissait s'accommoder de l'existence d'une population non négligeable d'irréguliers, sans doute largement en raison de l'impact politique présumé des mesures à prendre pour sortir de cette situation, quelle que soit celle des deux voies -reconduite ou régularisation- qui serait retenue. Il lui avait en outre semblé vain de légiférer à nouveau si les dispositions existantes n'étaient pas fermement appliquées.

a indiqué que, logiquement, les premières recommandations de la Cour concernaient la prévention de l'immigration irrégulière : elle demandait à cet égard une gestion rigoureuse des visas et le renforcement des contrôles.

Réguler l'immigration par la délivrance des visas est un choix que les pouvoirs publics n'ont jamais clairement affiché : M. Philippe Séguin a souligné que si tel devait désormais d'être le cas, il faudrait que les objectifs de cette politique soient clairement définis (délivrance de visas avec ou sans quotas, volonté ou non de privilégier certains types de demandeurs) et qu'ils soient admis par l'opinion. Il faudrait ensuite que ces objectifs soient atteints, ce qui suppose que les moyens nécessaires à leur réalisation soient disponibles et que leur remise en cause soit sanctionnée.

La Cour recommandait ainsi la création d'un comité mixte réunissant le ministère de l'intérieur et le ministère des affaires étrangères, chargé de définir une politique de visas pays par pays ; elle suggérait d'examiner le remodelage de notre réseau consulaire et de chercher une interconnexion des fichiers des administrations concernées. Il lui semblait aussi qu'il importait de traiter la question récurrente du passage du service des visas sous le contrôle du ministère de l'intérieur, à la lumière de l'objectif d'une plus grande cohérence de la lutte contre l'immigration irrégulière.

Elle formulait également des recommandations plus immédiates portant sur le réexamen de la procédure de délivrance des visas de courte durée, de façon à connaître rapidement les étrangers restant sur le territoire à l'issue de la validité du visa, sur la mise en place de procédures d'alerte, de sanction et d'interdiction du territoire pour les contrevenants de mauvaise foi et elle suggérait, après examen, de généraliser et de mettre en réseau les expérimentations engagées avec certaines ambassades pour contrôler les retours sur place.

En ce qui concerne le contrôle de l'action aux frontières, M. Philippe Séguin a rappelé que les travaux de la commission « d'évaluation Schengen » avaient mis en évidence les insuffisances des dispositifs de contrôle aux frontières en France et le déficit des contrôles lié notamment à une insuffisance de moyens : la Cour suggérait donc que les recommandations de la commission d'évaluation non suivies d'effet fussent rapidement étudiées.

Elle estimait également, au sujet des accès aéroportuaires, qu'il y avait lieu de réexaminer la procédure d'asile à la frontière, qui permet d'entrer sur le territoire national sans passeport ni visa, et que l'examen des requêtes sur le fond avant l'arrivée sur le territoire était susceptible de prévenir l'entrée de personnes ayant statistiquement très peu de chances de bénéficier rapidement d'un droit au séjour.

Enfin elle avait constaté la faiblesse de la coopération entre les différentes administrations ainsi que la médiocre circulation de l'information entre les ministères des affaires étrangères et de l'intérieur, comme entre les préfectures et les consulats. Elle relevait également que la coopération avec la police aux frontières n'était pas systématique et que les postes n'étaient pas toujours avisés des arrestations d'immigrants illégaux.

a ensuite exposé que la Cour suggérait en deuxième lieu d'accroître, dans plusieurs directions, l'efficacité des procédures d'éloignements.

Outre une amélioration de la collaboration et de la complémentarité entre la DCPAF et la direction centrale de la sécurité publique (DCSP), et une meilleure implantation des centres de rétention administrative, elle préconisait à cet effet :

- de remédier aux défauts du traitement contentieux de l'éloignement, soit en enserrant les contentieux dans des délais courts dont le respect devrait être strict, soit, ce qui marquerait un changement plus profond, en unifiant le contentieux de l'entrée du séjour des étrangers dans les tribunaux judiciaires garants de l'état des personnes, ce qui permettrait une harmonisation de la jurisprudence et une plus grande rapidité du jugement ;

- de mettre en place une structure ministérielle ou, mieux, interministérielle, analysant et anticipant l'évolution du contentieux des étrangers et permettant de définir une politique de l'immigration respectueuse des libertés individuelles, mais réaliste et aisée à comprendre pour les candidats à l'immigration en France et dans les Etats de l'espace Schengen ;

- de proposer aux Etats concernés, au-delà de l'indispensable collaboration pour les laissez-passer consulaires, une coopération globale qui lierait leur participation active aux mesures d'éloignement à des engagements de la France en matière d'attribution de visas, ce partenariat pouvant également intégrer une part de l'aide publique au développement et des initiatives de co-développement, dont la relance lui paraissait opportune.

Présentant les recommandations de la Cour touchant à l'alternative entre régularisation et reconduite à la frontière, M. Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes, a tout d'abord remarqué que, longtemps récurrent, le problème des immigrants en situation irrégulière était devenu permanent et que les contraintes étaient connues : les régularisations peuvent paraître constituer un signal d'encouragement aux candidats à l'immigration irrégulière ; à l'inverse, la politique du renvoi dans le pays d'origine trouve rapidement ses limites et son renforcement ne sera jamais quantitativement à la mesure de l'enjeu.

En fonction de ces contraintes, la Cour avait estimé que l'objectif devait être, par le jeu combiné des départs du territoire et des régularisations, de tendre vers une situation que l'on pourrait caractériser par le concept de « zéro étranger en situation irrégulière ».

Elle relevait en tout cas la nécessité d'une politique active, organisée et soutenue, évitant d'avoir à intervenir par à-coups au moment des crises, et celle de ne pas ignorer la dimension européenne du problème : M. Philippe Séguin a relevé à ce sujet que deux illustrations des méthodes possibles s'étaient révélées ces derniers mois avec les importantes régularisations effectuées en Italie et les expulsions décidées aux Pays-Bas. Il a souligné qu'une action coordonnée des Etats constituait une obligation minimale afin d'éviter les transferts de population et que, compte tenu du principe de libre circulation et de la communautarisation des politiques d'immigration, il serait logique et opportun d'aller au-delà, peut-être en définissant à l'échelle européenne l'équilibre même entre expulsions et régularisations.

Après les constats et les préconisations de la Cour, M. Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes, a présenté les suites qui leur avaient été données.

Il a observé que le rapport de suivi des recommandations de la Cour sur le sujet serait publié dans quelques semaines, soit 16 mois après le rapport initial, ce qui constituait une « première » dans les pratiques de la juridiction.

Il a noté en premier lieu que l'annonce et la mise en oeuvre par le Gouvernement d'un plan d'action contre l'immigration irrégulière et le séjour irrégulier seraient pris en compte dans ce rapport, soulignant que les trois priorités définies par le conseil des ministres du 12 mai 2005 en matière de lutte contre l'immigration clandestine rejoignaient les préoccupations que la Cour avait exprimées.

La première de ces priorités porte sur l'amélioration du contrôle de l'entrée sur le territoire français : les décisions prises ces derniers mois se situent largement dans le sens des recommandations de la Cour, qu'il s'agisse de mieux définir la politique de délivrance des visas de court séjour, de renforcer le contrôle des transcriptions des mariages célébrés à l'étranger, de mieux organiser l'hébergement des demandeurs d'asile ou d'appliquer en priorité l'aide au retour volontaire aux demandeurs d'asile déboutés.

L'établissement d'une liste des pays d'origine sûrs permettra de traiter plus rapidement les demandes d'asile de leurs ressortissants.

Enfin, il a été décidé de s'attacher à améliorer le taux de délivrance de laissez-passer consulaires, notamment par des contacts bilatéraux et au besoin par des mesures restrictives en matière de délivrance de visas.

La deuxième priorité est le renforcement de la coordination des politiques relatives à l'immigration : cette coordination sera désormais assurée par le comité interministériel de contrôle de l'immigration (CICI), qui fixera les orientations de la politique gouvernementale en matière de contrôle des flux migratoires.

C'est également dans cette perspective que s'inscrivent l'expérimentation d'un système de guichet unique permettant aux consulats de délivrer, en liaison avec les préfectures, des documents valant à la fois visa de long séjour et carte de séjour, ou l'organisation d'une procédure de « déclaration de retour » pour les personnes ayant bénéficié d'un visa de court séjour.

Le démarrage de la biométrie s'est fait dans huit postes consulaires, et des lecteurs ont été installés aux entrées sensibles. L'objectif est la généralisation des visas biométriques en 2008, mais le coût des procédés techniques risque de ralentir cette généralisation.

Notant qu'une appréciation générale de l'efficacité de ces dispositifs serait prématurée, M. Philippe Séguin a cependant observé que se mettaient en place des éléments qui pourraient permettre la réalisation d'un réseau unique de fonctionnaires de l'État chargé de l'immigration, ce qui existe dans la plupart des pays voisins.

La troisième priorité est la mise en place d'une véritable « police de l'immigration » couvrant l'ensemble du territoire, la DCPAF réorganisée devant animer la lutte contre l'immigration irrégulière et le travail illégal.

L'objectif d'éloignement a été porté à 23 000 reconduites à la frontière en 2005, et à 26 000 en 2006 : pour atteindre ce résultat, le nombre de places dans les centres de rétention administrative devrait doubler en deux ans, un plan triennal organisant parallèlement la fermeture des centres les plus vétustes.

Commentant ces mesures, M. Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes, a observé que les éloignements continuaient à se faire au cas par cas, sans qu'aient été dégagées des priorités dans les catégories de personnes à éloigner et il a estimé que l'on pourrait sans doute progresser sur ce point.

Il a en outre constaté des blocages :

- la situation des personnes « ni régularisables ni expulsables », dont la reconduite est extrêmement difficile, voire impossible en pratique ;

- les quotas et les règles des compagnies aériennes limitant les capacités de transport, ce qui conduit à envisager un recours plus fréquent à des vols spécialement affrétés ou à des opérations conjointes avec d'autres pays européens.

Il a enfin mentionné les deux secteurs présentant des difficultés spécifiques : l'outre-mer, où le nombre de clandestins est considérable, et les étudiants étrangers.

En second lieu, M. Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes, a pris acte de la relance d'un dispositif de lutte contre le travail illégal, qui rejoint les observations de la Cour selon lesquelles les initiatives prises dans ce domaine ne suffisaient pas et les efforts devaient être plus ambitieux.

Il a noté à cet égard la création de l'Office central de lutte contre le travail illégal (OCLTI), appelé à coopérer avec l'Office central pour la répression de l'immigration irrégulière et l'emploi d'étrangers sans titre (OCRIEST) et les groupes d'intervention régionaux (GIR), en concertation avec la délégation interministérielle à la lutte contre le travail illégal (DILTI). A propos de cette dernière, M. Philippe Séguin a remarqué qu'elle paraissait avoir repris de l'activité après avoir été en sommeil et qu'elle s'intéressait notamment à l'intervention en France des entreprises étrangères prestataires de services, ainsi qu'à l'emploi détaché, qui prend de plus en plus la forme d'un emploi ouvrier intérimaire et peut constituer un « nid à fraudes ».

a relevé que le premier bilan du plan de lutte contre le travail illégal dressé en mars 2005 traduisait un niveau élevé de mobilisation mais des résultats encore limités et que, si la proportion de fraude impliquant des étrangers était notable, il n'existait pas d'actions spécifiques à leur égard.

En conclusion, M. Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes, a souligné que des progrès avaient incontestablement été enregistrés dans la prise en compte de l'immigration irrégulière depuis les investigations menées par la Cour en 2003, et qu'un bilan global plutôt positif semblait pouvoir être dressé, même si certaines actions exigeraient du temps pour produire des résultats.

Il a cependant observé que le traitement de l'immigration irrégulière ne devait pas cacher des insuffisances et des risques, soulignant que privilégier la lutte contre ce phénomène revenait à focaliser une nouvelle fois l'action publique sur les entrées, les sorties et les questions de flux, au risque d'occulter les autres questions relatives à l'accueil et à l'intégration.

Il a enfin soulevé quelques interrogations portant sur :

- la lenteur de la mise en place de la nouvelle Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations (ANAEM) ;

- la justification du maintien du Fonds d'actions et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations (FASILD), désormais placé entre l'ANAEM et la nouvelle Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE) ;

- l'apparition d'une nouvelle organisation dans le projet de loi sur l'égalité des chances, avec notamment la création d'une agence nationale. Notant à cet égard que la promotion de l'égalité des chances visait tous les publics en difficulté, M. Philippe Séguin a rappelé que la Cour avait posé la question de savoir s'il convenait de retenir des mesures de droit commun ou des mesures spécifiques pour certains de ces publics.

Souhaitant que les travaux de la commission d'enquête contribuent à faire prendre conscience du danger de se contenter de peu pour régler le problème de l'immigration irrégulière, il a rappelé qu'il resterait, au-delà, à reprendre le dossier essentiel de l'accueil des immigrants et de l'intégration des populations issues de l'immigration.

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