Intervention de Eric Le Douaron

Commission d'enquête sur l'immigration clandestine — Réunion du 18 janvier 2006 : 1ère réunion
Audition de M. Eric Le douaron directeur central de la police aux frontières

Eric Le Douaron, directeur central de la police aux frontières :

a rappelé que la maîtrise des flux migratoires était un enjeu majeur pour l'action du Gouvernement.

A cet égard, il a ajouté que le Parlement avait su donner les moyens juridiques et budgétaires de cette ambition.

Il a indiqué que la circulaire du ministre d'Etat en date du 23 août 2005 avait confié le pilotage et l'animation de « la police de l'immigration » à la direction centrale de la police aux frontières (DCPAF).

Il a ensuite expliqué que la police aux frontières avait le devoir de s'adapter en permanence à une immigration clandestine en mutation constante.

Il a déclaré que la DCPAF avait profondément modifié son organisation au cours des deux dernières années et qu'elle continuerait à le faire cette année dans un souci d'efficacité opérationnelle et de simplification administrative.

Décrivant ensuite l'organisation administrative de la DCPAF, il a indiqué que l'échelon central avait été restructuré autour de trois sous-directions. Il a également évoqué la nouvelle impulsion donnée à l'office central pour la répression de l'immigration irrégulière et l'emploi d'étrangers sans titre (OCRIEST) ainsi que la création, dans le droit fil de la circulaire du 23 août 2005, d'une unité de coordination de la lutte contre l'immigration illégale chargée de coordonner l'action des différents services de l'Etat dans ce domaine au niveau opérationnel.

Au niveau territorial, il a expliqué que la police aux frontières s'organisait autour de sept directions zonales, quarante et une directions départementales et six services déconcentrés ayant une assise géographique particulière (collectivités d'outre-mer, aéroports parisiens).

Souhaitant souligner la capacité d'adaptation de la police aux frontières, il a insisté sur la création, à compter du 1er janvier 2006, de quatre nouvelles directions départementales dont l'une dans l'Oise pour tirer les conséquences de la hausse très importante du trafic de l'aéroport international de Beauvais-Tillé.

a poursuivi en indiquant que cette réorganisation s'accompagnait d'une hausse importante des effectifs de la DCPAF qui ont augmenté de 900 personnes depuis 2004 pour atteindre au 1er janvier 2006 le nombre de 8.154 fonctionnaires. Il a ajouté qu'en 2006 les effectifs devraient croître encore de 300 personnes.

Il a expliqué que ces renforts avaient surtout été affectés aux unités de terrain, et plus particulièrement aux brigades mobiles de recherche qui sont l'outil fondamental d'investigation de la police aux frontières.

Il a ajouté que l'unité de coordination de la lutte contre l'immigration illégale avait été déclinée au niveau local au travers de cellules de coordination opérationnelle zonales.

a ensuite décrit les différentes formes d'immigration clandestine auxquelles est confrontée la DCPAF.

Il a tout d'abord distingué l'immigration de transit et l'immigration d'installation, expliquant que ce caractère dual compliquait la définition d'une riposte adaptée, d'autant plus que le cas particulier de l'outre-mer exigeait également des réponses spécifiques.

Concernant l'état de la pression migratoire en métropole, il a estimé qu'elle se répartissait quasiment à part égale entre les frontières aériennes extra-Schengen et les frontières terrestres intérieures.

A cet égard, il a indiqué que la plateforme aéroportuaire de Roissy concentrait la moitié des mesures de réadmission et 80 % des placements en zone d'attente. Il a ajouté que la frontière terrestre la plus sensible était celle avec l'Italie.

Commentant la nationalité des étrangers en situation irrégulière, il a constaté la forte hausse en 2005 du nombre de ressortissants irakiens et somaliens interpellés, qui sont désormais les deux premières nationalités représentés, à la place des ressortissants marocains et algériens.

Il a ensuite observé que, dans les départements et collectivités d'outre-mer, la problématique migratoire était tout aussi disparate bien que différente.

Il a indiqué que l'immigration clandestine était préoccupante depuis longtemps en Guyane et à Mayotte et qu'elle avait connu une très forte progression dans les Caraïbes, 58 % entre 2004 et 2005. Il a expliqué que la lutte contre cette immigration était rendue très difficile du fait qu'elle empruntait essentiellement la voie maritime.

Toutefois, il a affirmé que de nombreux succès avaient été obtenus à Mayotte grâce à la mise en place d'un système de détection radar et à la collaboration étroite avec la marine nationale. Incidemment, il a signalé que les passeurs utilisaient des moyens technologiques perfectionnés, notamment des GPS, prouvant ainsi, si cela était nécessaire, l'existence de filières organisées. Il a ajouté qu'un projet identique de détection radar était en cours dans les Caraïbes.

a ensuite procédé à un bilan de l'action de la DCPAF en 2005. Il a déclaré que tous les indicateurs d'activité étaient orientés à la hausse.

En ce qui concerne le volet préventif visant à empêcher les entrées illégales, il a indiqué que 37.000 étrangers dont 25.000 pour la métropole avaient fait l'objet d'un refus d'admission en 2005 soit 12 % de plus qu'en 2004. Il a également indiqué que 3.281 demandes d'asile avaient été présentées à la frontière dont les trois-quarts dans les aéroports parisiens.

Il a mis en exergue les opérations conjointes de contrôle développées avec nos partenaires européens, notamment avec l'Italie, ou aux frontières extérieures de l'Union européenne dans le cadre de la nouvelle agence aux frontières extérieures (Frontex) basée à Varsovie et en activité depuis le 1er octobre 2005.

Il a estimé que ces activités de contrôle avaient des vertus dissuasives importantes et contraignaient les filières à modifier constamment leur organisation. A cet égard, il a souligné l'efficacité des contrôles à la descente des avions effectués à Roissy, 15.000 vols ayant été ainsi contrôlés en 2005 permettant l'interpellation de 8.154 passagers dépourvus des documents de voyage exigés.

Enfin, il a déclaré que le volet préventif de l'action de la police aux frontières s'incarnait également dans les 73.000 interpellations d'étrangers en situation irrégulière sur le territoire national en 2005, soit une hausse de 26 % par rapport à 2004.

Concernant le volet répressif, M. Eric Le Douaron a expliqué que l'accent avait été particulièrement mis sur cet aspect de l'activité de la DCPAF.

Il a déclaré que l'effort portait principalement sur la lutte contre le travail illégal et les filières qui l'alimentent. Après avoir indiqué que ces investigations étaient conduites sous l'égide de l'OCRIEST et des brigades mobiles de recherche, il a cité l'exemple du démantèlement en décembre 2005 d'une filière dite « pachtou », après un an d'enquête, dans le cadre d'une commission rogatoire internationale ayant permis l'interpellation de 53 personnes dans toute l'Europe parmi lesquelles se trouvaient les organisateurs et les financiers de cette filière.

Au total, il a indiqué que l'OCRIEST avait démantelé en 2005 quatorze filières se traduisant par l'arrestation de 2.619 passeurs, soit une hausse de 88 % par rapport à 2003.

De la même façon, il a observé que l'action de la DCPAF s'intensifiait à l'encontre des employeurs d'illégaux.

Enfin, M. Eric Le Douaron a souligné le progrès sensible en matière d'éloignement, 19.841 étrangers en situation irrégulière ayant été éloignés en 2005 à partir de la métropole, soit 26 % de plus qu'en 2004, et 35.373 au niveau national.

Il a affirmé que ces éloignements s'étaient effectués dans de bonnes conditions, aucun incident sérieux n'ayant été constaté.

Il a conclu son propos en présentant les objectifs de la police aux frontières pour 2006 :

- éloigner 25.000 étrangers en situation irrégulière à partir de la métropole grâce à des effectifs renforcés, un plus grand nombre de places en centre de rétention administrative et une meilleure efficacité dans l'emploi des moyens ;

- poursuivre l'effort en matière d'investigation et de lutte contre les filières ;

- développer l'usage des technologies, notamment la biométrie dans les visas.

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