Intervention de Jean-Christophe Sciberras

Mission d'information sur le mal-être au travail — Réunion du 31 mars 2010 : 1ère réunion
Table ronde réunissant les représentants de plusieurs entreprises privées

Jean-Christophe Sciberras, directeur des ressources humaines France et directeur des relations sociales Monde du groupe Rhodia :

a souligné que l'entreprise, issue en 1999 d'une scission du groupe Rhône-Poulenc, a connu des débuts difficiles, à tel point que son dépôt de bilan a été envisagé, ce qui conduit ensuite à relativiser certains problèmes.

La notion de « risques psychosociaux » est récente et n'est pas encore bien définie. Les homologues étrangers du secteur ne comprennent d'ailleurs pas toujours très bien le débat français actuel.

Rhodia a fait réaliser une enquête dans un de ses centres de recherche, employant 450 salariés, qui a montré que la pression au travail y était modérée. La charge de travail est pourtant lourde, mais elle est compensée par un fort soutien social. Une autre enquête conduite dans une usine a abouti au même résultat. Ces bons résultats collectifs n'empêchent cependant pas d'être confrontés à des problèmes individuels.

La médiatisation du phénomène de mal-être au travail a incité les pouvoirs publics à réagir rapidement : on a demandé aux entreprises de négocier, en quelques mois, un accord sur le sujet. Or, seul un accord de méthode peut être sérieusement élaboré dans un laps de temps aussi court. Il faudra certainement plusieurs mois supplémentaires pour arriver à un accord sur le fond.

Rhodia dispose, au niveau national, d'une instance en charge de l'hygiène et de la sécurité, ce que le code du travail n'impose mais qui a été décidé conventionnellement. L'accord de méthode confie à cette institution le soin d'évaluer les risques et d'y apporter des réponses.

Sur le plan juridique, certaines constructions jurisprudentielles incitent à l'inquiétude. Les entreprises ont en effet une obligation de résultat en matière de sécurité au travail. Or, si les entreprises savent gérer les risques physiques, il est plus compliqué pour elles de prévenir les risques psychiques. L'entreprise peut agir sur l'organisation et la charge de travail et sur les pratiques managériales, mais n'a pas de prise sur la vie privée de ses salariés, ce qui est d'ailleurs une bonne chose. Les individus formant un tout, des difficultés personnelles peuvent favoriser la survenance d'un accident sur le lieu de travail, qui sera présumé être un accident du travail. Ceci pourrait inciter les entreprises à être excessivement prudentes dans le recrutement de leurs salariés, en cherchant à sélectionner ceux qui présentent le moins de risques, avec potentiellement un risque d'atteinte à leur vie privée. Les entreprises comme les médecins du travail manquent également des outils adéquats pour évaluer la charge mentale d'un poste et déterminer si un salarié est apte ou non à l'occuper.

Enfin, une réflexion est nécessaire sur la spécificité du rapport des Français au travail. Dans d'autres pays, lorsque les salariés sont trop stressés et ne se sentent pas bien dans leur entreprise, ils n'hésitent pas à la quitter. En France, les démissions sont plus rares, les salariés sont attachés à l'idée de carrière et se sentent plus facilement enfermés dans leur travail lorsqu'une difficulté survient, ce qui peut sans doute expliquer en partie le mal-être actuel.

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