Intervention de Jean-Dominique Comolli

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 11 octobre 2011 : 1ère réunion
Soutien apporté par l'etat aux banques — Audition de M. Jean-Dominique Comolli commissaire aux participations de l'etat

Jean-Dominique Comolli, commissaire aux participations de l'État :

Le problème du groupe Dexia SA n'était pas sa solvabilité, puisque, sous réserve de provisions, le groupe gagnait de l'argent, mais la liquidité : la situation est devenue complexe pour lui en raison des conditions de taux car il lui devenait de plus en plus difficile de se refinancer au jour le jour.

C'est pourquoi le Gouvernement a entrepris, il y a quelques semaines, un exercice d'adossement du véhicule de refinancement des prêts aux collectivités portés par Dexia, DMA ou DexMA, à la Caisse des dépôts et consignations (CDC), en vue d'alléger ses besoins de liquidités de l'ordre de 10 milliards d'euros. Les discussions, bien qu'un peu lentes, étaient en bonne voie. L'adossement devait s'accompagner de la création d'une joint venture - une coentreprise - entre la Caisse des dépôts et la Banque postale pour la délivrance de nouveaux prêts aux collectivités locales, étant entendu que Dexia ne délivrerait pas de nouveaux prêts.

L'adossement de DexMA à la Caisse des dépôts impliquait que celle-ci prenne la majorité dans l'entreprise, Dexia conservant quelque 30 % tandis que la Banque postale entrait pour 5 %. Ce schéma, pas encore abouti mais toujours d'actualité, a fait le fond dimanche d'un long conseil d'administration de Dexia SA, où il a été question d'entrer en négociation exclusive.

Ce qui nous a guidés, c'est la nécessité d'alléger de 10 milliards à 12 milliards les besoins de liquidité de Dexia, afin de lui permettre, eu égard à la situation du marché interbancaire, de gagner du temps, pour aller vers des mesures structurelles plus durables. Nous craignions, de surcroît, que ce besoin de liquidité, en apparaissant au grand jour, n'entraîne un risque systémique au niveau européen.

C'est alors que le lundi 3 octobre, l'agence Moody's a décidé de mettre le groupe Dexia sous surveillance négative, en dépit des assurances que nous, l'Etat, avions pu lui apporter. Nous avions en effet validé le plan structurel que leur avait présenté Dexia et nous les avions assurés que nous viendrions à l'appui de ce plan, éventuellement sous la forme d'une garantie sur la banque résiduelle qui aurait vocation à subsister après la vente de divers actifs de Dexia. Cela n'a, hélas, pas suffi à convaincre l'agence de notation.

A partir de là, les choses se sont accélérées. Les financements interbancaires au jour le jour se sont taris, provoquant une situation de liquidité périlleuse qui appelle une vigilance quotidienne. Le jugement de Moody's a également poussé particuliers et entreprises à retirer leurs dépôts de la filiale belge Dexia Banque Belgique (DBB).

Les gouvernements ont annoncé, mardi dernier, avec la déclaration conjointe Reynders-Baroin, qu'ils apportaient leur garantie au financement de la banque. En même temps, la Belgique a souhaité, pour rassurer totalement les marchés et les déposants, entamer avec Dexia la discussion sur le rachat de la banque de dépôts DBB. Les discussions se sont poursuivies jusqu'au conseil d'administration de dimanche, où Olivier Bourges, directeur général adjoint de l'Agence des participations de l'Etat, qui est aujourd'hui à mes côtés, a eu la rude tâche d'être présent de 15 heures à 3 heures du matin, comme administrateur de Dexia. S'y est nouée la discussion entre Etats sur les modalités de la garantie apportée - dont le projet vous sera prochainement soumis avec le projet de loi de finances rectificative - à hauteur de 90 milliards sur dix ans, étant entendu que l'aide sera rémunérée par Dexia aux conditions du marché.

Nous avons plaidé, dans la discussion avec la partie belge sur la répartition de ce plafond de garantie, pour que soit retenue la même clef qu'en 2008, soit 60,5 % pour la Belgique, 36,5 % pour la France et 3 % pour le Luxembourg. Les Belges n'y étaient prêts que si l'on retirait de cette répartition tout ce qui concerne les prêts structurés aux collectivités locales françaises. Cette demande avait un caractère tactique et, dans la négociation, nous avons préféré éviter une clef de répartition à 50-50. La prise en charge des prêts structurés consistera en fait en une contre-garantie de la garantie que donnera Dexia à la CDC quand l'opération DexMA aura été mise en oeuvre. Sur l'ensemble des prêts aux collectivités, qui s'élèvent, tous pays confondus, à 77 milliards d'euros, les prêts structurés n'en représentent qu'une dizaine. De quoi s'agit-il ? Non pas des prêts toxiques au sens de la charte Gissler - qui ne représentent que 4,5 milliards au sein de ces 10 milliards - mais des prêts entrant dans le champ de la charte et plus complexes que des prêts à taux fixe. C'est sur quoi l'Etat offre sa contre-garantie, avec une franchise de 500 millions d'euros à la charge de Dexia - donc du pot commun - et un ticket modérateur, au-delà, de 30 % sur toutes les opérations.

L'ensemble de l'opération peut être résumé en trois points. Premièrement, l'opération DBB, que l'Etat belge devrait reprendre pour une valorisation, approuvée par le conseil d'administration de Dexia, fixée à 4 milliards d'euros. La négociation incluait également 20 milliards d'euros de portefeuille d'actifs non stratégiques, dit legacy, de bonne qualité mais difficile à porter.

Deuxièmement, Dexia envisage également de céder la BIL, la Banque internationale à Luxembourg, à la famille royale du Qatar...

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