s'est tout d'abord félicitée de la saisine de la délégation par la commission des affaires sociales sur le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, en indiquant que même si l'objet de ce texte était très circonscrit, il portait sur un thème qui est au coeur des préoccupations de la délégation : la lutte contre les discriminations et, en particulier, celles qui sont fondées sur le sexe. Elle a noté, que parmi les cinq directives dont le projet assure ou améliore la transposition, trois d'entre elles traitaient exclusivement de l'égalité de traitement entre les hommes et les femmes : la directive 2002/73/CE, en matière d'accès à l'emploi, à la formation, à la promotion professionnelle et aux conditions de travail, la directive 2004/113/CE, sous l'angle de l'accès à des biens et services et de la fourniture de biens et services, et la directive 2006/54/CE en matière d'emploi. Rappelant que trois de ces directives faisaient l'objet de procédures en manquement de la part de la Commission européenne, elle a souligné que leur transposition revêtait une urgence particulière, notamment pour éviter de voir resurgir, à la veille de la présidence française de l'Union européenne, l'accusation faite à la France d'être la « lanterne rouge » de l'Europe.
Elle a cependant regretté que, faute de temps, le sujet n'ait pas pu être suffisamment approfondi, et a signalé que cette transposition soulevait des problèmes délicats, en obligeant le législateur à tenter de concilier deux approches juridiques différentes : alors, par exemple, que le code du travail et le code pénal définissent la discrimination comme toute différence de traitement injustifiée fondée sur une liste uniforme d'une vingtaine de motifs de discrimination prohibés, le droit communautaire procède par addition de directives associant chacune un champ d'intervention spécifique - l'emploi, les avantages sociaux, ou l'accès aux biens et services - à des motifs prohibés qui varient de l'une à l'autre. Il en résulte - a-t-elle observé - un dispositif à géométrie variable, dont la conciliation avec le droit français est d'autant plus difficile que les exigences très précises formulées par la Commission européenne imposent, le plus souvent, une reprise presque littérale dans la loi française des termes utilisés par les directives.
Puis Mme Christiane Hummel, rapporteur, a indiqué que, face à cette situation, le Gouvernement avait choisi, selon une démarche certes prudente et inattaquable au regard des exigences formulées par la Commission européenne, de transposer « au plus près » les directives dans une nouvelle loi, sans en intégrer les dispositions dans les différents codes et lois existants, ni procéder à leur harmonisation avec les dispositions en vigueur du droit français. Elle a cependant souligné que cette démarche aboutissait à une juxtaposition de mesures qui brouille la lisibilité de l'ensemble, et a évoqué la complexité qui résulterait de l'articulation des définitions européennes de la discrimination, directe ou indirecte, ou du harcèlement, avec les définitions voisines, mais non identiques, qui continueront d'exister, notamment dans notre code pénal, notre code du travail, ou le statut des différentes fonctions publiques. Elle a particulièrement regretté cette complexité dans un domaine où la loi doit être intelligible pour les victimes et proposé à la délégation d'inciter le Gouvernement, dans une première recommandation, à améliorer la cohérence des régimes juridiques applicables. Elle a ensuite suggéré d'adopter une deuxième recommandation tendant à souligner la nécessité, pour les pouvoirs publics, de ne pas se borner à perfectionner un arsenal juridique déjà bien fourni, mais de s'attacher surtout à en améliorer l'application concrète.
Le rapporteur a ensuite analysé l'introduction, dans le droit français, des définitions données par les directives des notions de discrimination directe et de discrimination indirecte qui figurent d'ores et déjà, notamment, dans notre code du travail, mais sans y être précisément définies. Elle a tout d'abord indiqué que la discrimination directe était définie, à l'article premier du projet de loi, comme la situation dans laquelle une personne est traitée de manière moins favorable, en raison d'un motif prohibé, comme son sexe masculin ou féminin, « qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne le serait dans une situation comparable ». Elle a noté qu'avec cette définition, la lutte contre les discriminations pouvait s'étendre à des différences de traitement dissimulées, le cas échéant, derrière une absence de décisions positives. Elle a précisé que cette définition autorisait, en outre, la comparaison de situations présentes avec des situations passées, voire avec des situations hypothétiques, ce qui pourrait contribuer à élargir le recours à des procédures dites de « test de discrimination » (ou « testing »). A ce sujet, elle a observé que le projet de loi pourrait avoir pour effet de faire évoluer la jurisprudence française qui, actuellement, ne reconnaît la validité du « testing » que si les tests sont réalisés à partir de personnes réelles, ce que le président de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE), M. Louis Schweitzer, a estimé trop restrictif au cours de son audition devant la délégation.
Puis elle a évoqué la notion de discrimination indirecte, définie comme la situation dans laquelle une disposition, un critère ou une pratique, apparemment neutre, désavantagerait particulièrement des personnes par rapport à d'autres, pour un certain nombre de motifs prohibés (le sexe ou la grossesse, par exemple), sauf à être justifiée par un but légitime et que les moyens pour parvenir à ce but soient appropriés et nécessaires.
De façon générale, Mme Christiane Hummel, rapporteur, a estimé que ces notions de discrimination directe ou indirecte constituaient des leviers bien adaptés à la promotion d'une égalité réelle entre les hommes et les femmes, en rappelant que la discrimination dont étaient victimes les femmes dans leur carrière se traduisait moins par des refus d'embauche explicites, ou des mesures directement défavorables, que par des phénomènes comme le « plafond de verre », qui freinaient insidieusement le déroulement de leur carrière et leur interdisaient l'accès aux postes supérieurs de responsabilité. Elle a d'ailleurs rappelé que M. Louis Schweitzer avait confirmé à la délégation que ces formes de discrimination étaient souvent si discrètes que les femmes ne pensaient pas nécessairement à s'en plaindre : à peine 3,5 % des réclamations reçues par la HALDE émanent de femmes s'estimant victimes de discrimination.
Elle a cependant proposé à la délégation d'adopter une troisième recommandation afin d'appeler l'attention sur les risques de dérives que pourrait entraîner le caractère extrêmement large des définitions reprises des directives communautaires : ainsi, l'emploi du conditionnel - « ne le serait » - dans la définition de la discrimination directe, et la référence aux effets qu'une mesure est « susceptible » d'entraîner pourraient, l'un comme l'autre, déboucher sur des procès d'intention et risquer de déconsidérer une cause, au demeurant juste et utile.
Elle a également suggéré à la délégation de préconiser, dans une quatrième recommandation, une simplification du dispositif autorisant actuellement, dans le code du travail, des différences de traitement fondées sur le sexe en matière d'emploi : plutôt que de chercher à actualiser, profession par profession, la liste des dérogations autorisées, elle a estimé préférable de modifier l'article L.123-1 du code du travail en s'appuyant sur la combinaison des deux critères - le but légitime et les moyens nécessaires et appropriés - proposés par le projet de loi, et d'abroger en conséquence l'article R.123-1 du code du travail.
Puis elle a appelé la délégation à une extrême vigilance à l'égard de deux dérogations à l'interdiction de toute discrimination fondée sur le sexe en matière d'accès aux biens et services, qui figurent à l'article 2 du projet de loi et lui sont apparues appeler des réserves, voire des objections.
S'agissant de la première de ces dérogations, qui permet d'organiser des enseignements en regroupant les élèves en fonction de leur sexe, Mme Christiane Hummel, rapporteur, tout en rappelant la nécessité de permettre le maintien d'établissements privés non mixtes ou la constitution d'équipes masculines ou féminines dans les compétitions sportives en milieu scolaire et universitaire, a proposé à la délégation d'adopter une cinquième recommandation afin de rappeler son attachement à l'objectif de mixité inscrit à l'article L.121-1 du code de l'éducation, et d'inciter le Gouvernement à veiller à ce que cette dérogation ne puisse être instrumentalisée pour remettre en question, pour des motifs culturels ou religieux, la bonne intégration des jeunes filles aux activités, notamment sportives, des établissements d'enseignement. Elle a également estimé nécessaire d'élever une mise en garde contre l'organisation d'enseignements distincts qui reproduiraient des stéréotypes sexués.
Elle a ensuite exprimé sa perplexité quant au sens et à la portée du dernier alinéa de l'article 2 du projet de loi, aux termes duquel « le contenu des médias et de la publicité n'est pas considéré comme un accès aux biens et services, ni comme une fourniture de biens et services », au sens de la présente loi. Rappelant que M. Louis Schweitzer avait confié à la délégation que la HALDE et ses juristes s'interrogeaient également sur la signification de cet alinéa, elle a jugé cette perplexité générale peu conforme à l'exigence de clarté de la loi et craint que cette disposition n'ait pour objet plus ou moins avoué d'autoriser des représentations discriminatoires de la femme dans les médias et la publicité. Elle a appelé la délégation à adopter une sixième recommandation afin d'exprimer ses plus expresses réserves à l'égard de cette disposition, qui semble aller à rebours des conclusions auxquelles a abouti son dernier rapport d'activité, consacré à l'image de la femme dans les médias, et dans le prolongement desquelles s'inscrit la réflexion confiée par le Gouvernement à la commission sur l'image de la femme présidée par Mme Michèle Reiser.
a conclu cette présentation en proposant à la délégation de donner un avis favorable à l'adoption d'un projet de loi qui devrait contribuer à faire avancer la cause de l'égalité entre les hommes et les femmes, sous réserve des recommandations dont elle venait de suggérer l'adoption.
Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.
Après avoir félicité le rapporteur pour la clarté de son exposé, Mme Gisèle Gautier, présidente, s'est interrogée sur l'emploi du terme « sexe » plutôt que celui du terme « genre », dans les textes relatifs aux discriminations.