Je ferai simplement quelques réflexions sur des points précis, puisque Yvon Collin a présenté dans ses grandes lignes le budget de l'aide publique au développement, à la fois en termes de chiffres et d'analyse. Je partage pleinement ses observations sur la nécessité, pour notre pays, de respecter les engagements pris au G8 à Gleneagles, afin de converger vers le niveau de 0,7 % du revenu national brut consacré à l'aide publique au développement.
Permettez-moi d'insister sur quatre thèmes.
Quelques mots tout d'abord sur les engagements en faveur de la forêt et de la lutte contre le changement climatique. Un compte d'affectation spéciale, créé l'année dernière, vise à financer des actions dans les pays en développement pour la gestion durable de la forêt et la lutte contre la déforestation : « Engagements en faveur de la forêt dans le cadre de la lutte contre le changement climatique ». Il était prévu de couvrir son besoin de financement par la cession de « quotas carbone » qui s'échangent entre les Etats. Il s'agit des unités de « quantité attribués » (UQA) de quotas carbone. Le Gouvernement escomptait 150 millions d'euros de recettes.
Ce ne sont ni les quotas carbone des entreprises, ni les quotas que peuvent acquérir les entreprises en investissant dans les pays en voie de développement. Le marché des quotas carbone entre Etats n'est, lui, malheureusement pas liquide et il n'y a donc pas eu de vente de quotas par la France pour mettre en oeuvre les actions prévues dans le compte d'affectation spéciale : l'imagerie satellite pour les pays d'Afrique centrale, la gestion forestière durable dans la province du Kalimantan en Indonésie, ou encore la coopération régionale sur le plateau des Guyanes.
Je partage la position du ministère des affaires étrangères et européennes sur le nécessaire maintien de ce compte. Nous pourrons peut-être nous intéresser, avec notre collègue Gérard Miquel, à ce marché d'échange des quotas carbone entre les Etats, dont les prix ne peuvent pas être complètement décorrélés de ceux des marchés de quotas carbone des entreprises.
La vente des quotas carbone montre l'intérêt des financements innovants. A cet égard, la contribution de solidarité sur les billets d'avion, parfois moquée lors son annonce par le Président Jacques Chirac, offre aujourd'hui une ressource stable, notamment auprès d'Unitaid qui reçoit 90 % du produit de la taxe. Cette ressource doit nous motiver pour évoquer la taxe sur les transactions financières (TTF).
La création de cette taxe a été soutenue depuis de longs mois par Christine Lagarde et par le Président de la République. Cette question est inscrite à l'ordre du jour du G20 des jeudi 3 et vendredi 4 novembre 2011. En janvier, le Président de la République avait mandaté Bill Gates pour la réalisation d'un rapport sur le financement du développement, en explorant notamment l'idée d'une taxe sur les transactions financières. Les conclusions de ce rapport devraient être débattues lors du prochain sommet du G20. Même si je ne doute pas que la crise grecque dominera l'ordre du jour, une décision devrait être prise à ce sujet.
En juin, à l'initiative de plusieurs de nos collègues députés, l'Assemblée nationale a adopté une résolution sur l'introduction de cette taxe en Europe. Au niveau européen, la Commission a adopté une proposition en vue de la création d'une telle taxe, après un vote favorable, à une large majorité, du Parlement européen au printemps dernier. Enfin, Wolfgang Schäuble, dans une interview au Financial Times du lundi 31 octobre, a réaffirmé le soutien de l'Allemagne à un tel dispositif. Les estimations du rendement varient entre 15 et 55 milliards d'euros. La taxe devrait avoir une assiette large et un taux bas, même si des débats continuent sur le type de transactions entrant dans son champ d'application, ainsi que sur son affectation.
Je rappelle que notre collègue Yvon Collin a été l'auteur d'une proposition de loi sur la taxation de certaines transactions financières, déposée le 11 février 2010. Pour ma part, je voudrais former le voeu que nous puissions porter ensemble, majorité sénatoriale et majorité présidentielle, un amendement au projet de loi de finances qui pourrait prévoir l'instauration d'une telle taxe. Ce serait un signal fort en faveur de sa création, au lendemain du G20.
Rappelons brièvement l'intérêt de la taxe sur les transactions financières :
- elle possède une dimension morale : réguler un certain nombre d'excès, créer un frottement sur les marchés financiers et faire contribuer à la coopération et au développement le secteur financier qui est l'origine de la crise actuelle ;
- elle procède, deuxièmement, d'une nécessité budgétaire : compléter le budget européen, fournir une aide au développement et à la lutte contre le changement climatique, et réduire les déficits dans une certain proportion qui sera affectée au budget national ;
- enfin, elle résulte d'un engagement politique, celui de mettre en oeuvre un dispositif partagé par plusieurs Etats à travers le monde. Tel est l'enjeu du G20.
J'en viens aux deux derniers points de mon intervention.
Je voudrais tout d'abord évoquer la coopération décentralisée, dont les actions ont été estimées à 75 millions d'euros dans le budget 2011. On peut estimer que ce montant est très largement sous-évalué, puisque la mise à disposition de personnels, pourtant largement utilisée par les collectivités, n'est pas incluse dans son évaluation. S'agissant de la coopération entre un département et un territoire, entre deux villes, entre deux régions, on peut presque parler de coopération technique. Il est très naturel, pour les collectivités, d'échanger sur des sujets techniques, sociaux ou culturels.
Ma dernière remarque a trait aux changements politiques survenus au Maghreb, où la France a une responsabilité particulière. Le Président de la République a pris des engagements lors du sommet du G8 à Deauville en 2011 : un plan de soutien à l'Egypte et à la Tunisie a été adopté, d'un montant de 40 milliards de dollars, et il a été décidé l'extension du mandat de la BERD. C'est là aussi un axe majeur en termes d'aide au développement, et qui montre le besoin d'être plus présent. Nous pouvons ainsi regretter que la dotation de Canal France International (CFI), qui est un des supports de France 24 et a eu rôle d'information très important au moment des révolutions arabes, soit érodée dans ce budget.
Pour conclure, je me réjouis que le budget de l'APD ait été sanctuarisé, puisqu'il n'a pas subi la réduction généralement appliquée aux autres budgets de l'Etat. Cette sanctuarisation des crédits traduit l'engagement du Gouvernement à protéger l'aide au développement en période de tempête budgétaire. Je vous proposerai donc d'adopter les crédits de la mission « Aide publique au développement », ainsi que ceux des comptes spéciaux « Prêts à des Etats étrangers » et « Engagements en faveur de la forêt dans le cadre de la lutte contre le changement climatique ».
Enfin, pour conclure, je voudrais dire également ma joie de partager ce rapport très riche avec Yvon Collin.