Dans vos discussions avec les Russes, n'avez-vous pas eu le sentiment qu'ils veulent surtout que l'on ne touche pas à leur glacis, la Biélorussie, l'Ukraine et la Géorgie ? Quelles sont les perspectives de collaboration avec la Russie sur la défense antimissile ? Les Etats-Unis paraissent réellement souhaiter les associer à leurs projets et établir un partenariat dans ce domaine.
Bruno Racine. - En réponse à votre question, je vais évoquer le déplacement de l'ensemble des membres du groupe de travail à Moscou, car il illustre à mon avis très bien une certaine ambiguïté de la position de la Russie. Sur le plan du protocole, les Russes ont réservé à Mme Albright un accueil minimal. J'interprète ce fait comme la volonté des Russes de garder une certaine distance vis-à-vis de l'exercice en cours à l'OTAN. D'autant que nous avons entendu l'énumération traditionnelle, par les autorités officielles, des récriminations à l'encontre des Occidentaux et de tout ce qu'ils ont fait de critiquable à leurs yeux depuis le Kosovo. Leur discours était très négatif sur la décennie écoulée, alors même que le résultat des élections ukrainiennes était connu, avec les conséquences que l'on sait. Il faut dire que nous sommes arrivés au lendemain de la publication d'un document disant que la principale menace venait de l'élargissement de l'OTAN.
D'un autre côté, nous avons eu le sentiment que les Russes étaient tout à fait ouverts à une collaboration réelle sur les menaces communes. En particulier sur l'Iran, où ils envisageaient même de réfléchir à ce que l'on devrait faire si les négociations échouent. Le discours des universitaires russes en particulier, même s'ils sont peu représentatifs de la société, a été particulièrement ouvert. Il est clair pour eux que la menace n'est pas l'OTAN, mais vient plutôt de la Chine et des pays de leur flanc sud. C'est donc un tableau très contrasté. Il y a une réelle bonne volonté, mais il y a encore beaucoup à faire. L'idée de faire du conseil OTAN-Russie un vrai outil a sûrement de l'avenir et permettra de faire avancer les choses. S'agissant de la défense antimissile, les dirigeants américains sont sincères quand ils tendent la main aux Russes. Leur engagement en faveur d'un « reset », d'une reconstruction de leur relation avec les Russes et l'offre qu'ils leur font de travailler ensemble n'est pas qu'une figure de rhétorique.