a prolongé ces propos en retraçant le chemin parcouru depuis 2003.
Il a rappelé la situation de crise dans laquelle se trouvait la procédure de demande d'asile en France à cette époque :
- un nombre de demandes d'asile passé de 23.000 en 1999 à 60.000 en 2004 ;
- des délais d'instruction des demandes pouvant atteindre un an ;
- un risque de détournement de la procédure d'asile à des fins d'immigration.
Il a expliqué que la réponse avait été à la fois matérielle, humaine et juridique.
Concernant les moyens attribués à l'OFPRA, il a précisé que :
- les effectifs avaient doublé entre 2001 et 2005 ;
- l'ensemble des services de l'OFPRA avait été regroupé dans un seul immeuble ;
- le budget était passé de 17 millions d'euros en 2001 à 54 millions en 2005.
A propos de l'organisation administrative, il a remarqué que les agents de l'OFPRA constituaient un corps spécifique de fonctionnaires, distinct notamment de ceux du ministère des affaires étrangères qui est son organisme de tutelle. Il a ajouté que cette spécificité ne favorisait pas la mise en place de passerelles entre l'OFPRA et les trois ministères intéressés par la question de l'asile (le ministère des affaires étrangères, le ministère de l'intérieur et le ministère de la cohésion sociale) alors que cet éclatement des compétences nécessiterait la mise en place d'une chaîne administrative cohérente.
Concernant le volet juridique de la réforme de l'asile, M. Jean-Loup Kuhn-Delforge a jugé que la loi libérale du 10 décembre 2003 avait permis tout à la fois :
- d'élargir le champ du droit d'asile avec notamment la reconnaissance des persécutions non étatiques ;
- de renforcer les garanties des demandeurs d'asile ;
- de raccourcir les délais d'instruction des demandes ;
- de transposer en avance des directives communautaires.
Il a constaté sur les neuf premiers mois de 2006 une baisse de 35 % des demandes globales d'asile par rapport à la même période de 2005. Il a expliqué que cette baisse, déjà amorcée en 2005, recouvrait deux réalités :
- une baisse de 40 % des premières demandes ;
- une hausse des demandes de réexamen, celles-ci représentant 22 % de la demande globale en 2006.
Par ailleurs, il a indiqué que les dossiers instruits selon la procédure prioritaire dans un délai de quinze jours, qui concerne principalement les pays d'origine sûrs et les demandes de réexamen, représentaient environ 30 % des demandes.
a ensuite détaillé la répartition par nationalité des demandes d'asile :
- la demande haïtienne, concentrée sur le seul département de la Guadeloupe, a baissé de 60 % en 2006 par rapport à 2005 ; Haïti n'est plus cette année le premier pays de provenance des primo-demandeurs d'asile ;
- la Turquie a repris la première place devant la Serbie-Monténégro, la Russie, la Chine, le Sri-Lanka, l'Arménie et la Côte d'Ivoire ;
- la demande chinoise et algérienne est en baisse ;
- la demande en provenance d'Etats européens représente 30 % des demandes.
De manière générale, il a déclaré qu'il était très difficile de trouver des explications rationnelles à ces fluctuations, l'évolution de la situation politique ou économique dans un pays ne suffisant pas à les comprendre. Il a ajouté que ce classement par nationalité différait beaucoup entre les Etats membres de l'Union européenne, y compris avec des pays très proches comme la Belgique ou l'Allemagne, l'histoire et l'organisation des filières jouant un rôle important.
Il a insisté sur la nécessité d'une instruction rapide des demandes d'asile dans un double souci :
- dissuader les détournements de l'asile aux fins de se maintenir régulièrement sur le territoire national ;
- permettre aux demandeurs de bonne foi d'obtenir rapidement une protection pour eux et leur famille.
Toutefois, il a précisé que la réduction des délais ne devait pas se faire au détriment de la qualité des décisions rendues. Il a indiqué que :
- la baisse de la demande globale, du fait notamment d'une baisse des demandes dilatoires, devrait permettre de mieux traiter les demandes sérieuses ;
- un effort particulier avait été fait afin d'améliorer la qualité de la documentation sur les pays de provenance, notamment en la complétant par des missions de l'OFPRA sur le terrain ;
- le service juridique avait été renforcé afin de mieux suivre la jurisprudence de la Commission des recours des réfugiés (CRR) et du Conseil d'Etat.
Au final, M. Jean-Loup Kuhn-Delforge a déclaré que l'ensemble de cette politique avait permis de réduire à deux mois et demi le délai médian d'instruction des dossiers et de faire en sorte qu'aucun dossier ne reste en instance plus d'un an.
Il a indiqué que le taux d'accord sur les demandes d'asile s'élevait à 7,5 % pour les neuf premiers mois de 2006, la France accordant entre un quart et un tiers des protections au titre de la convention de Genève délivrés par les Etats européens. Il a rappelé que la Convention de Genève offrait une protection de dix ans et constituait la protection maximale par rapport à d'autres protections, comme les asiles dits humanitaires, qui ne durent qu'une année. Or, certains Etats européens les comptabilisent de la même manière que les protections au titre de la convention de Genève.
Il a ajouté qu'en 2006, le taux d'accord atteignait 18,8 % après examen par la CRR. Il a toutefois précisé que cette statistique ne devait pas être interprétée comme un indicateur de la dégradation de la qualité des décisions de l'OFPRA, la CRR ayant en 2006 traité un plus grand nombre de dossiers afin de résorber les stocks de demandes en attente.
Il a expliqué que pour l'OFPRA l'indicateur de la qualité de ses décisions était le taux d'annulation par la CRR de ses décisions négatives et que ce taux restait à peu près constant depuis plusieurs années autour de 15 %.
a ensuite abordé la question de l'asile à la frontière. Il a indiqué que l'OFPRA était uniquement appelé à émettre un avis sur le caractère manifestement infondé des demandes d'asile à la frontière et que le ministère de l'intérieur restait maître de la décision d'autoriser ou non l'entrée sur le territoire français. Toutefois, il a expliqué que le ministère de l'intérieur suivait toujours l'avis de l'OFPRA. A cet égard, il a rappelé qu'une réforme importante a confié à l'OFPRA cette compétence autrefois exercée par le ministère des affaires étrangères directement.
Il a indiqué que le taux d'avis positifs était de 26 % en 2006 contre 19 % sur la même période de 2005, cette hausse s'expliquant principalement par l'évolution de la nationalité des personnes se présentant à la frontière.
Revenant sur la situation particulière des demandes d'asile provenant de Haïtiens en Guadeloupe, il a expliqué qu'en 2006 avait été créée une antenne déconcentrée de l'OFPRA dans ce département afin de faire face à l'afflux de demandes. Il s'est félicité que ce nouveau dispositif ait permis de réduire à un ou deux mois seulement le délai d'instruction des demandes.
Il a estimé que le nombre de réfugiés statutaires en France s'élevait environ à 120.000 personnes.
a conclu son intervention sur la dimension européenne de l'asile. Il a indiqué que le programme dit de La Haye prévoyait la mise en place en 2010 d'un système européen commun de l'asile. Il a jugé cet objectif ambitieux étant donné les procédures très différentes dans chaque pays.
A la place d'une harmonisation complète, il a plaidé en faveur :
- d'une information commune sur les pays d'origine afin d'harmoniser la vision de chaque Etat membre sur la situation dans les pays de provenance des demandeurs d'asile ;
- d'une formation commune des agents.