Intervention de Anne Lauvergeon

Commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire — Réunion du 24 novembre 2010 : 1ère réunion
Audition de Mme Anne Lauvergeon présidente du directoire du groupe areva

Anne Lauvergeon, présidente du directoire du groupe Areva :

C'est toujours un honneur que de s'exprimer devant la Haute assemblée. Je voudrais évoquer l'époque, il y a dix ans, où ceux qui croyaient à l'avenir du nucléaire n'étaient pas très nombreux : c'est ici qu'on les trouvait parce que le Sénat, assemblée du temps long, a toujours apporté un fort soutien à une industrie qui s'inscrit dans la durée.

S'agissant de la stratégie d'Areva, notre positionnement est clair : être le leader mondial de la production d'énergie sans CO2. D'ici 2050, le monde devra produire deux fois plus d'énergie en émettant deux fois moins de CO2. Dans ce contexte, le nucléaire n'est pas la seule solution, mais est indispensable pour atteindre ce facteur 4 ; il est également complémentaire des énergies renouvelables, pas seulement parce qu'il s'agit de deux formes d'énergies décarbonnées, mais aussi parce qu'il existe entre elles des synergies techniques. Par exemple, nous développons énormément de technologies commerciales avec Duke Energy, l'un de nos clients américains qui vient de se lancer dans les parcs d'énergie propre couplant le nucléaire et la biomasse ; avec Fresno, également américain, nous avons commencé par le renouvelable et continuons avec le nucléaire.

Notre choix stratégique, qui avait été critiqué, a fait ses preuves : nous sommes le numéro un mondial du nucléaire et un fournisseur de solutions intégrées pour les électriciens, comme Airbus l'est pour les compagnies aériennes. Nos clients trouvent chez nous toutes les solutions dont ils ont besoin, depuis l'uranium jusqu'à la maintenance des réacteurs, en passant par le design de réacteurs. C'est la force de notre modèle intégré.

Nous développons ainsi une gamme de réacteurs de génération 3 + :

- d'une puissance de 1 600 mégawatts (MW), l'EPR dispose de systèmes de sécurité avancés, consomme 17 % d'uranium de moins, et produit 15 % de déchets de moins. Il y a aujourd'hui dans le monde 18 projets d'EPR, et 4 sont en chantier en Finlande, en France et en Chine.

- nous développons également avec Mitsubishi un réacteur plus petit, l'Atmea, d'une puissance de 1 100 MW ;

- enfin, Kerena, d'une puissance de 1 250 MW, utilise une technologie à eau bouillante, que certains clients préfèrent à l'eau pressurisée.

Nous avons en effet besoin d'avoir plusieurs tailles de réacteurs car tous les pays n'ont pas les mêmes réseaux électriques. Nous développons ainsi une offre intégrée vers tous les pays du monde accessibles, c'est-à-dire ceux qui ne refusent pas les contrôles de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA).

Nous développons par ailleurs fortement les énergies renouvelables, en ne négligeant ni l'éolien off-shore, ni la biomasse, ni le solaire thermique, ni l'hydrogène, avec Hélion car ce marché va croître de 8 % l'an pendant 20 ans. Notre carnet de commandes, doublé en sept ans, s'établit à 42,7 milliards ; la visibilité est bonne, le chiffre d'affaires a augmenté de 6,3 % au premier semestre 2010 et il atteignait plus de 6 milliards au 30 septembre.

Nous avons 50 000 salariés, dont 63 % en France, et avons recruté 26 000 collaborateurs sur les quatre dernières années. Areva, c'est donc une chance pour l'emploi en France. La construction d'un EPR représente 2 000 emplois chez Areva et quatre fois plus chez les sous-traitants - le nucléaire représente 120 000 emplois en France. Nous menons une politique de formation très volontariste, notre campus international étant installé à Aix-en-Provence. Nous croyons à la formation en alternance et menons une politique volontaire d'apprentissage, avec 3 à 5 % d'apprentis en moyenne. Nous investissons fortement dans la recherche et développement, qui représente 10 % de notre chiffre d'affaires, afin de ne pas être rattrapés par nos concurrents.

La France a la chance d'avoir quatre grands champions de l'énergie : EDF, GDF-Suez, Total et Areva, ainsi que le plus grand centre mondial de recherche nucléaire, avec le CEA. Les trois grands fournisseurs d'énergie veulent investir dans le nucléaire, c'est une bonne nouvelle ! La France peut se prévaloir d'une vitrine technologique sans égale, avec 58 réacteurs en exploitation, un EPR en construction à Flamanville et bientôt un second à Penly, une usine de retraitement unique au monde à La Hague, une usine d'enrichissement au Tricastin, soit un appareil industriel et une capacité d'innovation sans équivalent. Nous avons un temps d'avance en matière de sécurité et de gestion des sites. L'autorité de sûreté nucléaire (ASN), qui joue un rôle essentiel, peut promouvoir nos normes à l'international. Nous disposons donc d'un avantage économique et environnemental certain.

Tous ces acteurs doivent travailler ensemble, en France d'abord, comme à l'international, où les perspectives sont significatives : on table sur 140 à 450 gigawatts de puissance nucléaire nouvelle d'ici à 2030 ; nous avons chez Areva un scénario intermédiaire, 350 GW, avec pour objectif d'en construire le tiers, soit l'équivalent du parc français actuel. Deux cas de figure se présentent sur le marché international. D'abord, les pays qui ont déjà investi dans le nucléaire, qui représentent 80 à 85 % des marchés futurs ; il s'agit de l'Europe continentale, de la Grande-Bretagne, des Etats-Unis, de la Chine, de l'Inde, du Brésil et de l'Afrique du Sud. Nous connaissons leurs électriciens, qui sont nos clients. Il y a aussi, pour 15 à 20 % du marché, les nouveaux entrants, anciens pays charbonniers (la Pologne) ou pétroliers (le Koweït, les Emirats arabes unis, l'Indonésie, la Thaïlande, l'Algérie) qui s'étaient tenus à l'écart du nucléaire - inventé, pensaient-ils, pour se passer du pétrole... Nous devons d'abord les aider à mettre en place un cadre légal, une autorité de sécurité, comme nous l'avons fait pour la Chine et l'Afrique du Sud. Nous devons ensuite leur apporter un opérateur expérimenté et capable d'investir - il y a une prime aux constructeurs - et de faire fonctionner les centrales. C'était la demande explicite des Emirats arabes unis. Dès lors, il convient d'organiser « l'équipe de France » pour que chacun oeuvre dans le même sens à la recherche de nouveaux contrats. Nous avons, dans ce cas, besoin d'un chef de file. Le Gouvernement français a décidé que ce serait EDF, avec qui nous avons un pacte historique depuis 45 ans, ce qui est parfait. Nous attendons qu'il joue son rôle. Or chaque client a des demandes différentes, car la situation en Pologne n'est pas la même qu'au Koweït : il faut savoir s'adapter et trouver la meilleure solution.

Nous avons les moyens de notre politique, et d'abord la capacité humaine : le nucléaire, cela commence par les hommes. Voilà pourquoi nous avons recruté massivement depuis 2005 et disposons de gens formés et adaptables. S'agissant de notre capacité industrielle, vous savez combien nous avons investi en France, ce qui n'est pas si courant, et nous en sommes fiers...

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion